Le général de Gaulle et la politique extérieure - article ; n°6 ; vol.35, pg 619-629
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Description

Politique étrangère - Année 1970 - Volume 35 - Numéro 6 - Pages 619-629
L'action du général de Gaulle est indissociable de sa pensée politique. Elles ont pour fondement la reconnaissance du fait national. La nation, réalité sociologique, manifeste son existence au dehors par une politique extérieure qui, par définition, doit être indépendante. Quant à son contenu, la politique extérieure est sans doute fonction des diversités historiques qui donnent à chaque Etat une physionomie qui lui est propre et des atouts particuliers. Mais elle tient compte aussi des changements intervenus dans le monde, en particulier depuis 1945. C'est par rapport à ces changements, qui ne vont pas tous dans le même sens, qu'est conçu le rôle de la France, un rôle à la mesure de ses moyens (1).
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 48
Langue Français

Extrait

Jacques Vernant
Le général de Gaulle et la politique extérieure
In: Politique étrangère N°6 - 1970 - 35e année pp. 619-629.
Résumé
L'action du général de Gaulle est indissociable de sa pensée politique. Elles ont pour fondement la reconnaissance du fait
national.
La nation, réalité sociologique, manifeste son existence au dehors par une politique extérieure qui, par définition, doit être
indépendante. Quant à son contenu, la politique extérieure est sans doute fonction des diversités historiques qui donnent à
chaque Etat une physionomie qui lui est propre et des atouts particuliers. Mais elle tient compte aussi des changements
intervenus dans le monde, en particulier depuis 1945. C'est par rapport à ces changements, qui ne vont pas tous dans le même
sens, qu'est conçu le rôle de la France, un rôle à la mesure de ses moyens (1).
Citer ce document / Cite this document :
Vernant Jacques. Le général de Gaulle et la politique extérieure. In: Politique étrangère N°6 - 1970 - 35e année pp. 619-629.
doi : 10.3406/polit.1970.2077
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1970_num_35_6_2077GÉNÉRAL DE GAULLE LE
ET LA POLITIQUE EXTÉRIEURE
par Jacques VERNANT
L'action du général de Gaulle est indissociable de sa pensée
politique. Elles ont pour fondement la reconnaissance du fait
national.
La nation, réalité sociologique, manifeste son existence au
dehors par une politique extérieure qui, par définition, doit être
indépendante. Quant à son contenu, la politique extérieure est sans
doute fonction des diversités historiques qui donnent à chaque
Etat une physionomie qui lui est propre et des atouts particuliers.
Mais elle tient compte aussi des changements intervenus dans le
monde, en particulier depuis 1945. C'est par rapport à ces chan
gements, qui ne vont pas tous dans le même sens, qu'est conçu
le rôle de la France, un rôle à la mesure de ses moyens (1).
Sur le fronton d'un collège d'Oxford, on lit cette dévise :
« Manner makes the man ». La première caractéristique de
l'homme d'Etat comme de l'acteur, c'est son style. La forme
que le général de Gaulle a donné à son action extérieure ne
résulte pas d'un tempérament impulsif. Bien au contraire. Elle
fut choisie délibérément en rapport avec la conception qu'il
avait de la politique étrangère et avec la direction qu'il lui
assigna, compte tenu des circonstances. La forme a frappé par
ce qu'elle avait de direct, de franc, voire de brutal. Les positions
sont prises et les choses dites, le plus souvent, sans détours
oratoires, sans précaution diplomatique. Les allusions, lorsqu'il
y avait recours, étaient claires, transparentes pour ceux; qui
(1) Cf. Jacques Vernant : Fondements et objectifs de la politique extérieure
française, « Politique Etrangère » 1963, n° 6, p. 459. 620 VERNANT
avaient confiance en lui. D'où résultait un effet de choc et des
échos prolongés qui étaient recherchés sans aucun doute. Par
ce moyen, le général de Gaulle s'efforçait de présenter à
l'opinion les thèmes et de lui proposer les directions susceptibles
de s'imposer à elle.
En outre, du fait des circonstances d'abord, dont il a relevé
le défi, en vertu des institutions ensuite, le général de Gaulle
s'est trouvé habilité à parler au nom de la France, à s'identifier
avec elle. D'où sa liberté d'allure et de langage. Pourquoi la
France, pays adulte et respectable, ne se serait-elle pas exprimée
par sa voix, sans ambages, en appelant les choses par leur nom,
même si d'aucuns devaient s'en émouvoir ?
Pour le général de Gaulle, la politique étrangère est l'expres
sion même de la nation sur la scène internationale. « Partici
per » à la vie du milieu extérieur est pour toute nation, et pour
la France en particulier, plus qu'un droit, plus qu'un devoir ;
c'est l'expression normale de l'existence nationale. L'essentiel,
dès lors, est que les institutions nationales soient agencées de
telle sorte que cette participation puisse s'effectuer comme il
convient, c'est-à-dire en tenant compte des règles spécifiques
du jeu international, sans les laisser fausser par les incidences
et les influences résultant des rivalités internes. C'est pourquoi
un Exécutif stable doit être responsable de la politique étran
gère, à l'abri des pressions partisanes. Les institutions, et plus
précisément le rôle du Président de la République élu au suf
frage universel, ses responsabilités en matière de politique exté
rieure résultent directement de l'existence sociologique de la
nation (distincte qualitativement des partis, des groupes et des
« classes » qui la composent) et de l'action qu'elle doit exercer,
pour survivre, sur le milieu international.
La nation est en effet la réalité sociologique permanente à
partir de laquelle il faut organiser le présent et orienter l'avenir.
Le rôle du Chef de l'Etat consiste à diriger au mieux des intérêts
nationaux l'esquif dont il a la charge, dans un milieu interna
tional qui comporte des éléments de permanence et des éléments
de changement. £>u fait qu'elle est ce qu'elle est, où elle est, la
France a des intérêts qui lui sont propres et qui à certains égards DE GAULLE 621
ne varient pas mais qu'il faut faire valoir compte tenu des
variations du milieu international. C'est là une conviction fonda
mentale et constante du général de Gaulle. En décembre 1945,
il écrivait : « Dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, deux très
grandes puissances subsistent... Il n'est que de regarder la carte
pour comprendre que dans cette situation notre intérêt vital
nous commande de nous tenir rigoureusement en équilibre.
Nous prétendons par conséquent pratiquer l'amitié, dans la
mesure où cela dépend de nous, vers l'Orient et vers l'Occident,
les yeux ouverts et les mains libres... Nous savons que notre
équilibre se confond avec l'équilibre de la paix et nous sommes
bien décidés à ne point nous en départir, certains qu'après
diverses oscillations, c'est sur notre propre attitude que se fera
en définitive, et à l'avantage général l'équilibre de la balance ».
Si la France a des intérêts qui lui sont propres, elle dispose
aussi de moyens, qui tout limités qu'ils soient, sont les siens.
Les intérêts et les moyens de la France ne sont réductibles à
ceux d'aucune autre puissance, si proche soit-elle, chacune
ayant son originalité. Cette conception, on le voit, refuse l'idée,
trop souvent admise, que les nations et les Etats qui les incar
nent dans l'arène internationale sont des réalités homogènes,
qu'on peut mesurer d'une même jauge, qu'il s'agisse de la puis
sance militaire ou de la puissance économique. Au contraire,
il existe entre elles une différenciation qualitative qui indivi
dualise leur place et leur rôle, définis par l'histoire, la géo
graphie, l'économie, la stabilité de leurs structures internes et
l'image qu'elles projettent d'elles-mêmes dans le monde. Par
suite, ce qui vaut pour l'une ne vaut pas nécessairement pour
l'autre. Ce à quoi peut légitimement aspirer une nation, toutes
les autres ne peuvent pas pour autant y aspirer.
La conduite des affaires de la France en matière internatio
nale exclut donc qu'elle se laisse prendre en remorque par qui
que ce soit d'extérieur. Le pilote doit avoir « les yeux ouverts
et les mains libres ». Il doit aussi avoir les qualités de caractère
et de courage qui font affronter les périls et assumer les respons
abilités. Trop souvent, pour son malheur, pendant l'entre-deux-
guerres, la France a fait dépendre sa politique de l'accord des 622 VERNANT
Britanniques. De cette perte d'initiative résultent en grande
partie les renoncements qui nous ont conduits à la guerre de
1939 et à la défaite de 1940.
C'est que l'indépendance est le corollaire normal de l'exi
stence nationale. Les philosophes diraient que l'indépendance
est un « attribut » de l'existence. Lorsque est

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