Le Marocain - article ; n°202 ; vol.36, pg 336-346
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Description

Annales de Géographie - Année 1927 - Volume 36 - Numéro 202 - Pages 336-346
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1927
Nombre de lectures 67
Langue Français

Extrait

Georges Hardy
Le Marocain
In: Annales de Géographie. 1927, t. 36, n°202. pp. 336-346.
Citer ce document / Cite this document :
Hardy Georges. Le Marocain. In: Annales de Géographie. 1927, t. 36, n°202. pp. 336-346.
doi : 10.3406/geo.1927.8888
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1927_num_36_202_8888LE MAROCAIN
âme marocaine est pas un corps simple est une combinai
son où on peut distinguer deux éléments principaux le fonds
berbère et apport de Islam Elle est bien différente aussi selon
on la prend dans les villes ou dans le bled ici elle est plus proche
du fonds berbère là elle est plus influencée par lslam Mais les
deux éléments ne se séparent guère ce est une question de
proportions
Prenons le fonds berbère là où il apparaît le mieux dans les
régions pacifiées par nos troupes dans les coins reculés de la mon
tagne où islamisation et arabisation ne sont pas encore apparues
et repla ons dans son cadre naturel ce caractère primitif
Imaginez ces rudes paysages du Moyen ou du Haut Atlas ces
montagnes décharnées audacieusement découpées que la neige re
couvre pendant de longs mois hiver et qui ne laissent la vie ani
male et humaine une place misérable et sans cesse menacée
Voyez mi-pente la fière casba du caïd et ses pieds le petit vil
lage de pisé où se mélangent hommes et bêtes On ne sort armé
le laboureur qui pousse sa charrue le berger qui surveille son trou
peau les hommes qui vont au marché ont leur fusil portée de
main Et on ne peut empêcher de frissonner un peu les premiers
temps la rencontre soudaine de ces grands gaillards élancés barbus
maigres comme des lévriers haies comme des terres cuites avec des
yeux flambants oiseaux de proie Nous sommes loin du musulman
grassouillet souriant efféminé des villes Nous sommes chez des
hommes de baroud chez des amateurs de poudre et de bataille au
temps de la guerre de Jugurtha
Ce qui domine chez ces fauves tout indique est énergie
et est là surtout je crois ce qui force en nous la sympathie
Pour le labeur quotidien ce sont des paysans de chez nous des
paysans de nos régions les plus déshéritées et est tout dire Il faut
les voir labourer irriguer moissonner sous le dur soleil aménager
leurs champs en terrasses sur la pente des monts dévorer des kilo
mètres pour se rendre au marché est un spectacle de force et de
conscience qui vous saisit Les vieillards les hommes les femmes
les enfants tout le monde travaille selon ses forces au delà de ses
forces tantôt silencieusement tantôt en psalmodiant des chants
On ne doit attendre trouver ici pour ce gros sujet que de brèves indications
résumé une conférence faite àl cole coloniale le 23 janvier 1927 Nous renvoyons
le lecteur pour une bibliographie de la question ouvrage que nous avons publié en
1926 la Librairie Larose Ame marocaine après la littérature fran aise LE MAROCAIN 337
rituels Transplantez-les amenez-les du Sous ou de Atlas sur les
chantiers les routes ou les chemins de fer du Maroc civilisé est
le même entrain la besogne la même application vigoureuse
Tout en eux respire habitude de effort physique leurs muscles
vifs comme des ressorts leur absence embonpoint leur vêtement
composé de quelques loques laissant le torse demi nu et dégageant
les genoux Même dans leur fa on de se reposer ils se distinguent
des citadins arabisés Ils asseyent par terre comme les citadins
mais tandis que les citadins entraînés par le séjour école cora
nique et par la prière asseyent sur leurs jambes reployées comme des
tailleurs les Berbères du bled accroupissent la fa on de nos pay
sans- les genoux hauteur du menton les mains jointes en avant
Ils abusent pas ailleurs de cette attitude inconfortable et
quand ils ont assuré la récolte quand les travaux de la terre ou les
soins de élevage leur laissent quelques loisirs ils se vouent autres
occupations tout aussi absorbantes la guerre et le brigandage qui
ne font en général une seule et même opération
Alors leur énergie se transforme en violence et leur patience en
courage Je ne crois pas on puisse trouver peuple plus brave que
celui-là et nos pauvres troupiers ne le savent que trop est une
rude guerre que celle qui est poursuivie aux pentes de Atlas
guerre embuscade dans un pays effroyable qui est par excellence
le pays des embûches et contre des gens dont audace est inimagi
nable mais aussi guerre assaut lutte mort contre des gens
qui poussent un suprême degré le mépris de la vie Complètement
nus et le couteau entre les dents ils rampent la nuit sous les fils de
fer barbelés et viennent poignarder nos sentinelles au signal de
feux allumés sur les cimes ils se rassemblent avec une vitesse in
croyable et fondent sur les convois ils cavalcadent sous les mitrail
leuses bondissent sur les tanks comme des enragés Ils sont plus
effrayants encore que redoutables Ont-ils la paix de notre côté Ils
se font la guerre de tribu tribu et même dans les régions soumises
les autorités locales ont parfois bien de la peine faire disparaître ce
frémissement continuel des armes
Les femmes ne sont pas moins ardentes Au cours des combats
elles transportent lès munitions et les vivres ramassent les car
touches tombées des sacoches convoient les blessés et les morts et
quand par hasard un homme manqué de courage elles accablent
insultesjettent sur ses vêtements du henné attachent un bouchon
de paille la queue de son cheval Elles vocifèrent des chansons de
guerre des chansons de haine et de sang et les enfants sucent avec
le lait le goût de la bataille
Il est naturel la longue ces habitudes batailleuses aient déve
loppé chez les Berbères un vif sentiment de honneur guerrier et
ANN DE OG XXXVIe ANN 22 ANNALES DE OGRAPHIE 338
que leurs dépenses de courage prennent de certains moments des
allures désintéressées vraiment nobles Mais au fond cette énergie
sous sa forme laborieuse aussi bien que sous sa forme violente vise
des buts très définis Elle est tout entière tendue au profit matériel
et la guerre est chez eux dans son principe une entreprise
économique comme le labour et irrigation
Ne nous hâtons pas évoquer ou évoquons avec des pré
cautions oratoires Vercingétorix propos Abd-el-Krim ou
Jeanne Arc propos de la Kahenah Guerre indépendance certes
mais où le sentiment proprement national est absent et en fin
analyse guerre de brigands dont les entreprises sont menacées
par la paix fran aise La meilleure preuve et est ailleurs un
fait très étonnant est une fois la supériorité de adversaire
dûment démontrée et orgueil guerrier satisfait les rebelles de la
veille deviennent des sujets parfaitement soumis notre histoire au
Maroc enregistre pas une seule révolte et il faudrait être naïf pour
expliquer cela uniquement par les bienfaits de notre administration
Bien mieux les dissidents de la veille deviennent des alliés admirable
ment fidèles et soumis un jour autre ils se rangent nos côtés
et se font tuer pour nous en luttant contre leurs congénères demeurés
en dissidence Un sentiment national comprimé produirait autres
réactions En réalité intérêt seul est en jeu la propriété du sol
assurée les coutumes garanties plus rien ne bouge
Ces Berbères de la montagne de la forêt ou des rudes plateaux
avec leurs visages modelés en creux leur collier de barbe et leur sens
pratique on amuse parfois les comparer nos Auvergnats Mais
est faire injure aux Auvergnats ou bien est les flatter selon on
regarde comme une vertu ou comme un vice âpreté au gain portée
ce degré de sublimité Par exemple des Berbères qui marchandent
dans un souk une pièce étoffé ou une faucille est plus amu
sant est émouvant On se sent en présence un drame violent de
sentiments proprement tragiques Avant avoir vu cela on ima
ginait pas la vraie valeur un sou Ce sont des silences prolongés
lourds de réflexion ou de menace des cris exaspérés avec projection
du buste en avant et bave aux lèvres des mines féroces et ce geste
final si douloureux qui consiste dénouer le pan de burnous où se
cachent les douros On serait tenté de faire dériver de là les traits
essentiels de la psychologie berbère est sans doute un peu artifi
ciel mais est un classement qui en vaut un autre
Il est certain du moins que le particularisme des Berbères que
nous retrouvons tout au long de leur histoire et qui hui
encore rend possible notre uvre de pacifi

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