Les données du problème tunisien - article ; n°1 ; vol.17, pg 447-466
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Description

Politique étrangère - Année 1952 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 447-466
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Henri De Montety
Les données du problème tunisien
In: Politique étrangère N°1 - 1952 - 17e année pp. 447-466.
Citer ce document / Cite this document :
De Montety Henri. Les données du problème tunisien. In: Politique étrangère N°1 - 1952 - 17e année pp. 447-466.
doi : 10.3406/polit.1952.2691
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1952_num_17_1_2691LES DONNÉES DU PROBLÈME TUNISIEN
L'occupation militaire de la Tunisie par la France en 1881 constitue un
des faits de l'histoire de l'expansion coloniale européenne au XIXe siècle.
Sans doute, l'acte initial ne visait-il qu'à barrer la route à l'Italie et à protéger
le flanc de l'Algérie française, et le traité du Bardo ne dépassait pas cette
préoccupation, qu'il apaisait en plaçant la régence sous la sauvegarde mili
taire et diplomatique de la République française. Mais l'intention coloni
satrice des Français se révélait, dès 1883, par la convention de La Marsa, qui
accordait au gouvernement français les moyens de doter la principauté
barbaresque d'un appareil législatif et administratif moderne, propre à per
mettre l'implantation et la vie d'une communauté française.
Tutrice autoritaire, entraînée par son zèle réformateur, la France eut
bientôt pris en mains propres l'exercice de tous les attributs de la souve
raineté interne de sa pupille, cependant qu'un fort peuplement français s'en
racinait en ce pays et s'arrogeait une part prépondérante dans la gestion des
affaires intérieures. Le climat juridique occidental ainsi établi favorisait par
ailleurs l'immigration d'une population européenne, surtout italienne.
Ainsi, sous le manteau du protectorat, les Français construisaient une pro
vince française, tandis que la rivalité coloniale franco-italienne couvait sous
les cendres.
Dans le même temps, les Tunisiens se fortifiaient dans le sentiment de
leur personnalité nationale et les nouvelles générations, nourries de nos dis
ciplines intellectuelles et imbues de nos conceptions politiques, mais rete
nues sur la pente glissante de l'assimilation par l'orgueil islamique, se for
geaient l'idéal de restaurer l'indépendance de leur patrie. Le nationalisme
tunisien, rameau du mouvement universel d'émancipation et de réaction
anti-occidentale déclenché par l'action européenne elle-même, poussait
ses frondaisons dans la Régence.
Alors apparut brusquement l'équivoque du protectorat, fausse annexion,
fausse tutelle. Cette équivoque, ver dans le fruit, entretint la convoitise it
alienne et l'irrédentisme tunisien. La mêlée européenne de 1949-1945 ayant HENRI DE MONTETY 448
mis hors de jeu le contrepoids italien — et peut-être préparé une union des
intérêts européens en Afrique, — l'irrédentisme tunisien se dressa seul face à
la France et, dans une certaine mesure aussi, allié au panislamisme, face à
l'Europe et à l'occident.
Un vieux Français, qui a vécu un demi-siècle de protectorat, nous exposait
un jour le problème tunisien à la manière d'une tragédie antique. Au premier
acte, deux seuls compères, les « hautes parties contractantes » : la Répub
lique française et le Bey, un despote qui « possède » son État et en dispose
au profit de son interlocuteur, approuvé en sourdine par le chœur des
grandes familles quiie servent. Au second acte, surgissent presque simul
tanément deux personnages inattendus : le peuple tunisien, une masse qui
prend forme et conscience dans l'atmosphère nouvelle et s'exprime par son
« intelligenzia », et le « citoyen français de Tunisie », colon et fonctionnaire,
élite sans peuple qui a pris le commandement.
Nous en sommes au troisième acte, et que voyons-nous : la République
protectrice assaillie par les trois autres personnages, le « possesseur du
royaume » et 1' « intelligenzia » populaire, désormais associés et revendiquant
les droits du peuple, le colon français isolé, mais fort de son œuvre, tous
trois demandant compte de l'équivoque du pacte initial. Le conférencier se
gardait d'omettre les acteurs dans la coulisse, ceux qui apparaissent pour un
bout de rôle et ceux qu'on soupçonne de vouloir arracher les masques à la
fin : hier, l'Italien ; aujourd'hui, la Ligue arabe et l'O. N. U. ; demain»
peut-être l'Amérique ou le communisme.
Les Tunisiens et leur nationalisme.
L'entrée du plus fringant des peuples, les Français, dans la vieille maison
tunisienne, enclose depuis des siècles dans les murs sans fenêtres de ses tra
ditions vieillottes, a bouleversé la vie de sa société. Les anciens, enturbannés
d'un islam sclérosé, ont été scandalisés ; mais les jeunes ont mordu au
fruit du modernisme et, sans renier leur sang, se sont élancés vers de nou
veaux paradis. Les castes sociales qui encadraient un peuple docile se sont
disloquées ; une nouvelle élite s'est levée, cherchant sa voie propre entre
l'occident et l'orient, une élite issue en partie du peuple et entraînant celui-ci»
Le développement de l'instruction et de l'enseignement modernes a été
le facteur déterminant de cette révolution et du renouvellement des cadres.
Les disciplines scolaires françaises ont élevé rapidement le niveau intellec
tuel, ont élargi la classe pensante, lui ont inculqué une nouvelle conception
des valeurs humaines. La petite bourgeoisie a pu ainsi conquérir emplois et
fonctions et se hausser aux plus hauts rangs.
La révolution intellectuelle s'est accomplie dans un cadre politique lui- PROBLÈME TUNISIEN 449
même bouleversé par le protectorat et les institutions de caractère libéral
qu'il apportait. Les nouvelles générations tunisiennes sont entrées de plain-
pied dans un système administratif préfabriqué en occident, de telle façon
que les ferments de notre civilisation moderne et démocratique ont agi
in vitro sur le peuple, cependant que simultanément nos maîtres endoctri
naient les élites dirigeantes.
Le nouveau régime provoqua d'abord, par son seul principe, un dédouble
ment de l'autorité, avec perte de prestige pour l'autorité locale traditionn
elle. De nombreuses familles « maghzen » s'attachèrent à servir le pouvoir
français, et les administrés, de leur côté, séduits par l'équité et le libéra
lisme des cadres français, se détachèrent de leurs chefs tunisiens. La modern
isation de l'appareil administratif, spécialisant et séparant les services,
multipliant les liens, attachant l'autorité à la Loi et non plus à la personne,
ébranla la puissance des grands caïds et des cheikhs. Enfin, par un effet de
contagion de l'esprit démocratique français, une opinion publique s'éveilla
et trouva ses moyens d'expression et d'action dans une presse bilingue et
dans des partis politiques organisés à l'instar des nôtres.
En même temps, le système économique occidental, le libéralisme et la
circulation accélérée des richesses ravageaient les assises matérielles d'une
société bâtie sur le principe de l'immobilité des biens. Les vieilles familles
possédantes se ruinaient, tandis qu'une classe étoffée de nouveaux riches
se constituait. D'autre part, l'industrialisation de l'agriculture, l'exploita
tion des mines, l'introduction d'entreprises modernes faisaient naître une
classe sociale jusqu'alors inconnue : le prolétariat ouvrier.
Dans la vieille Tunisie, une frontière invisible séparait en deux pays,
étrangers l'un à l'autre, les vastes campagnes bédouines des mille cités éparp
illées au long de la côte orientale. C'est dans ces cités, et plus particulièr
ement à Tunis, que s'est accomplie la métamorphose des élites. Mais, en
même temps, les citadins ont pénétré le pays bédouin, colonisant les terres,
fournissant cadres d'administration et de pensée. D'autre part, les bédouins
ont pris goût à l'agriculture, se sont fixés au sol en se le partageant, épar
pillant la tribu, la disloquant. Du cadre tribal qui enserrait toute la vie
sociale de ces nomades, ils sont passés dans un cadre d'administration
ter

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