Les frontières de la paix et de la guerre - article ; n°58 ; vol.15, pg 39-59

Roland Marchal

Description

Politix - Année 2002 - Volume 15 - Numéro 58 - Pages 39-59
The Frontiers of Peace and War Roland Marchal War and peace, neither war nor peace, peace in the war and war in the peace : the criticism of a clear division between status of war and status of peace, if it suddenly appears possible, is not a simple effect of rhetoric. It really results from a fundamental indecision about the status of situations that have multiplied since a long time, may be quite before the end of cold War and the coming of globalization. In concrete terms with examples, this paper demonstrates this question.
Les frontières de la paix et de la guerre Roland Marchal Guerre et paix, ni guerre ni paix, paix dans la guerre et guerre dans la paix : la contestation d'une claire division entre état de guerre et état de paix, si elle apparaît soudainement possible, n'est pas le produit d'un simple effet de rhétorique. Elle tient réellement à une indécision fondamentale sur le statut de situations qui se sont multipliées depuis longtemps, sans doute bien avant la fin de la Guerre froide et l'avènement de la globalisation. A partir d'exemples concrets, l'article s'attache à le démontrer.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLITIX
• Publié le: 01 janvier 2002
• Nombre de lectures: 50
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Roland Marchal
Les frontières de la paix et de la guerre
In: Politix. Vol. 15, N°58. Deuxième trimestre 2002. pp. 39-59.
Abstract
The Frontiers of Peace and War
Roland Marchal
War and peace, neither war nor peace, peace in the war and war in the peace : the criticism of a clear division between status of
war and status of peace, if it suddenly appears possible, is not a simple effect of rhetoric. It really results from a fundamental
indecision about the status of situations that have multiplied since a long time, may be quite before the end of cold War and the
coming of globalization. In concrete terms with examples, this paper demonstrates this question.
Résumé
Les frontières de la paix et de la guerre
Roland Marchal
Guerre et paix, ni guerre ni paix, paix dans la guerre et guerre dans la paix : la contestation d'une claire division entre état de
guerre et état de paix, si elle apparaît soudainement possible, n'est pas le produit d'un simple effet de rhétorique. Elle tient
réellement à une indécision fondamentale sur le statut de situations qui se sont multipliées depuis longtemps, sans doute bien
avant la fin de la Guerre froide et l'avènement de la globalisation. A partir d'exemples concrets, l'article s'attache à le démontrer.
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Marchal Roland. Les frontières de la paix et de la guerre. In: Politix. Vol. 15, N°58. Deuxième trimestre 2002. pp. 39-59.
doi : 10.3406/polix.2002.997
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2002_num_15_58_997frontières de la paix et de la guerre Les
Roland MARCHAL
Guerre et paix, ni guerre ni paix, paix dans la guerre et guerre dans la
paix : il est aujourd'hui possible de multiplier les cas de situations
en Afrique mais également hors de ce continent - dans le Caucase,
en Colombie, en Afghanistan pour ne citer que quelques exemples - où ce
jeu d'association et de dénégation a quelque base. La contestation d'une
claire division entre état de guerre et état de paix, si elle apparaît
soudainement aussi possible, n'est pas le produit d'un simple effet de
rhétorique ou d'une remise en cause des définitions de ces deux états1. Elle
tient réellement à une indécision fondamentale sur le statut de situations qui
se sont multipliées depuis longtemps, sans doute bien avant la fin de la
Guerre froide et l'avènement de la globalisation.
Il est différentes manières de tenter de saisir cette soudaine indécision ou
indistinction. Pour ce qui est de la sociologie et de la science politique,
certains auteurs à la suite de Karl Holsti2 ont ainsi tenté de souligner les
conditions d'émergence de conflits de type nouveau : des guerres qui
débutent ou s'achèvent sans rupture très nette, dans une ambiguïté
fondamentale, et où les identités qui avaient structuré les analyses
traditionnelles des conflits (armée gouvernementale, insurgés, population
1. La guerre est souvent prise dans son entendement classique : un conflit armé qui a fait sur
une année plus de 1 000 morts. L'auteur doit avouer ne pas connaître de définition de la paix
autre que celle qui en fait la négation de la guerre.
2. Holsti (K.), The State, War and the State of the War, Cambridge, Cambridge University Press,
1996. Cf. aussi, malgré une érudition militaire remarquable empreinte cependant de clichés
coloniaux, Van Creveld (M.), La transformation de la guerre, Paris, Editions du Rocher, 1998.
Politix. Volume 15 - n° 58/2002, pages 39 à 59 Politix n° 58 40
civile) étaient décomposées jusqu'à n'avoir plus guère de valeur opératoire
dans l'étude des situations concrètes. De fait, l'essentiel de la théorisation
sur les guerres s'est fait à partir d'une réflexion sur les guerres inter
étatiques. Les guerres civiles ont le plus souvent été considérées comme de
telles guerres mais à une moindre échelle ou comme des affrontements
soumis et complètement structurés par des enjeux internationaux qui en
dictaient les formes, la rationalité et le comportement des protagonistes3. De
là sans doute découlent pour une part des conceptions de la paix et de la
guerre qui sont assez éloignées de celles, relatives, qu'utilisent les
sociologues travaillant sur des sociétés en guerre, pour qui la paix et la
guerre ne sont pas deux points extrêmes d'un spectre de situations
politiques, mais plutôt des moments de cristallisation de logiques sociales
dans un système non linéaire. La guerre et la paix ne s'excluent pas
forcément l'une l'autre ou ne se situent pas aux antipodes dans toute une
série de fonctionnements sociaux4 : un tel point de vue est évidemment
partiel et n'ambitionne pas de rendre compte de l'ensemble de la question
posée. Mais, il permet de revisiter certains problèmes et de mettre à distance
de nouveaux paradigmes qui insistent de façon unilatérale par exemple sur
la prédation des mouvements armés5, tout en sous-évaluant de manière
récurrente des dispositifs de coercition et d'économie criminelle des Etats6,
ou l'impact d'une globalisation libérale trop superficiellement perçue
comme facteur de paix ou au contraire comme dimension d'une
criminalisation pour des sociétés qui en sont pourtant à la marge7.
On voudrait traiter de deux exemples qui soulèvent des problèmes essentiels
dans l'appréhension de la différence entre la paix et la guerre et qui posent
également des questions importantes sur les conditions de la paix et sur sa
nature. Le premier traite de la dimension économique dans le passage de la
paix à la guerre. Est proposée ici une analyse de quelques dynamiques dans
le conflit somalien. Ce cas a été choisi car la rupture semble totale entre l'état
de paix et la guerre civile puisque la Somalie est un cas d'école d'Etat failli
3. David (S.), « Internal War. Causes and Cures », World Politics, 49, 1997. Cet auteur souligne
également le fait que de très nombreux spécialistes des relations internationales se sont recyclés
dans l'étude des conflits internes, important ainsi dans ce champ, des concepts et des méthodes
validés dans l'étude des conflits inter-étatiques sans s'interroger outre mesure sur leur
translation dans un domaine différent.
4. Terray (E.), « La légitimité des métaphores guerrières », in Joxe (A.) et alii, Formes et frontières
de la guerre, Paris, CIRPES/EHESS, Cahiers d'études stratégiques, 15, 1989.
5. La présentation la plus sophistiquée est celle de Kaldor (M.), New and Old Wars: Organized
Violence in a Global Era, Cambridge, Polity Press, 1999.
6. Cette sous-estimation est particulièrement nette dans les travaux de la Banque mondiale
menés sous la direction de P. Collier. Cf. notamment les textes écrits par cet auteur disponibles
sur le site de cette institution (www.worldbank.org/research/conflict/) ou sa contribution dans
Berdal (M.), Malone (D.), eds, Greed and Grievances: Economie Agendas of Civil Wars, Boulder,
Lynne Rienner, 2000.
7. On renvoie ici à un texte encore non publié de l'auteur et de Ch. Messiant, « Une lecture
symptomale de quelques théorisa tions récentes des guerres civiles ». Les frontières de la paix et de la guerre 41
ou implosé. Le deuxième thème de réflexion est centré sur les dispositifs de
réorganisation sociale dans la guerre. Deux cas ont été choisis : la guerre en
Erythrée (1961-1991) et celle de la RENAMO (Résistance nationale
mozambicaine) contre l'Etat FRELIMO (Front de libération du Mozambique)
au Mozambique (1977-1992). Le premier conflit est l'archétype de la guerre
de libération mue par une idéologie nationaliste : elle correspond
typiquement aux « anciennes guerres » dotées de sens. La seconde, bien
qu'elle se déroule dans la période de la Guerre froide et est pour une part
suscitée par elle, correspond tout à fait au paradigme des « nouvelles
guerres ».
Economie, Etat et mobilisation identitaire en Somalie
Depuis la fin des illusions sur la paix démocratique universelle au milieu des
années 1990 pour des raisons sur lesquelles on ne reviendra pas ici, une
bonne partie des tentatives de théorisation des guerres civiles - de fait le
plus grand nombre de conflits en cours - a mis l'accent sur les dimensions
économiques de la guerre, notamment, pour reprendre le titre d'un ouvrage
qui a eu un certain retentissement, les fonctions économiques de la violence
dans les conflits arm&#