Les musulmans de l URSS et la crise afghane - article ; n°1 ; vol.45, pg 13-25
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Description

Politique étrangère - Année 1980 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 13-25
The Muslims of the USSR and the Afghan crisis, by Alexandre Bennigsen
Does the large Muslim minority in the USSR represent an advantage or a disadvantage to Soviet expansion in Afghanistan? Heirs to a brilliant civilisation, the Muslims of the USSR possess an intellectual elite free of inferiority complex in respect of the Russians. Relations between the Muslim community and the Soviet Establishment are strained. They are marked by a basic visceral hostility, absence of ethnical mixing, persistency in a traditional way of life, religious revival, rediscovery of the past, latent nationalism, and more particularly by a feeling among the Muslim elite that time is playing in their favour. The aid brought by Muslim religious leaders in Central Asia and in the Caucasus to Soviet propaganda abroad and the use Muslim executives in Afghanistan were certainly an asset to Soviet political expansion. Finally, however, the semi-failure or the incomplete success of the USSR in Afghanistan could cast doubts on the position of the USSR in the rest of the Muslim world. The risk is even greater in Central Asia, if the Soviet Big Brother proves that he is not invincible.
Les Musulmans de l'URSS et la crise afghane, par Alexandre Bennigsen
L'importante minorité musulmane de l'URSS représente-t-elle un atout ou un frein à l'expansion soviétique en Afghanistan ? Héritiers d'une brillante civilisation, les Musulmans de l'URSS possèdent une élite intellectuelle qui n'éprouve aucun complexe d'infériorité vis-à-vis des Russes. Les relations entre la communauté musulmane et l'Establishment soviétique sont difficiles. Elles sont caractérisées par : une hostilité viscérale à la base, une absence de brassage ethnique, la persistance d'un mode de vie traditionnel, un renouveau religieux, la redécouverte du passé, un nationalisme latent, mais aussi le sentiment de la part des élites musulmanes, que le temps travaille pour eux. L'aide apportée par les chefs religieux musulmans d'Asie Centrale et du Caucase à la propagande extérieure soviétique et l'utilisation des cadres musulmans soviétiques en Afghanistan constituent certainement des atouts à la politique d'expansion de l'URSS. Mais à terme, un semi-échec ou un succès incomplet de l'URSS en Afghanistan peuvent remettre en question la position de l'URSS dans le monde musulman étranger. Le risque est plus grand encore en Asie Centrale, si la preuve est faite que le Grand Frère soviétique n'est pas invincible.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alexandre Bennigsen
Les musulmans de l'URSS et la crise afghane
In: Politique étrangère N°1 - 1980 - 45e année pp. 13-25.
Citer ce document / Cite this document :
Bennigsen Alexandre. Les musulmans de l'URSS et la crise afghane. In: Politique étrangère N°1 - 1980 - 45e année pp. 13-25.
doi : 10.3406/polit.1980.2956
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1980_num_45_1_2956Abstract
The Muslims of the USSR and the Afghan crisis, by Alexandre Bennigsen
Does the large Muslim minority in the USSR represent an advantage or a disadvantage to Soviet
expansion in Afghanistan? Heirs to a brilliant civilisation, the Muslims of the USSR possess an
intellectual elite free of inferiority complex in respect of the Russians. Relations between the Muslim
community and the Soviet Establishment are strained. They are marked by a basic visceral hostility,
absence of ethnical mixing, persistency in a traditional way of life, religious revival, rediscovery of the
past, latent nationalism, and more particularly by a feeling among the Muslim elite that time is playing in
their favour. The aid brought by Muslim religious leaders in Central Asia and in the Caucasus to Soviet
propaganda abroad and the use executives in Afghanistan were certainly an asset to
political expansion. Finally, however, the semi-failure or the incomplete success of the USSR in
Afghanistan could cast doubts on the position of the USSR in the rest of the Muslim world. The risk is
even greater in Central Asia, if the Soviet "Big Brother" proves that he is not invincible.
Résumé
Les Musulmans de l'URSS et la crise afghane, par Alexandre Bennigsen
L'importante minorité musulmane de l'URSS représente-t-elle un atout ou un frein à l'expansion
soviétique en Afghanistan ? Héritiers d'une brillante civilisation, les Musulmans de l'URSS possèdent
une élite intellectuelle qui n'éprouve aucun complexe d'infériorité vis-à-vis des Russes. Les relations
entre la communauté musulmane et l'"Establishment" soviétique sont difficiles. Elles sont caractérisées
par : une hostilité viscérale à la base, une absence de brassage ethnique, la persistance d'un mode de
vie traditionnel, un renouveau religieux, la redécouverte du passé, un nationalisme latent, mais aussi le
sentiment de la part des élites musulmanes, que le temps travaille pour eux. L'aide apportée par les
chefs religieux musulmans d'Asie Centrale et du Caucase à la propagande extérieure soviétique et
l'utilisation des cadres musulmans soviétiques en Afghanistan constituent certainement des atouts à la
politique d'expansion de l'URSS. Mais à terme, un semi-échec ou un succès incomplet de l'URSS en
Afghanistan peuvent remettre en question la position de l'URSS dans le monde musulman étranger. Le
risque est plus grand encore en Asie Centrale, si la preuve est faite que le "Grand Frère" soviétique
n'est pas invincible.POLITIQUE ÉTRANGÈRE / 13
LES MUSULMANS DE L'URSS
Alexandre BENNIGSEN
ET LA CRISE AFGHANE
L'Union soviétique possède dans ses régions méridionales une
très importante minorité musulmane, forte aujourd'hui de quel
ques 45 à 50 millions d'âmes. Au moment où le Moyen-Orient
se « déstabilise » et où l'Union Soviétique apparaît comme le principal
bénéficiaire, on doit se demander si cette masse musulmane représente
pour Moscou un atout ou un frein à son expansion, an asset or a
liability selon l'expression anglaise.
Je me propose, non pas de répondre à cette question, mais d'apporter
simplement quelques éléments de discussion.
Que représente l'Islam Soviétique ?
Lors du recensement soviétique de 1959, on comptait en URSS de
33 à 34 millions de « Musulmans », expression désignant les individus
appartenant à des nationalités qui avant 1917 étaient de religion musul
mane. L'expression « Musulman » communément employée en URSS,
ne signifie pas que la personne ainsi désignée soit un croyant. On peut
être à la fois marxiste et Musulman. « Je suis athée », me disait récem
ment un écrivain turkestanais, « mais aussi, bien entendu, Musulman ».
Depuis le recensement de 1959, cette communauté est en croissance
rapide. Au cours des onze années écoulées entre les recensements
de 1959 et 1970, l'accroissement des nationalités musulmanes de
l'URSS s'est situé entre 19 % — taux le plus bas — (Tatars de la
Volga) et 53 % (Les Ouzbeks et les Tadjiks). Pendant la même période,
l'accroissement de la communauté russe n'a été que de 13 % et celui
des Ukrainiens de 10 %. Les chiffres détaillés du recensement de
janvier 1979 n'ont pas encore été publiés mais il semble que le fossé
séparant le dynamisme biologique des Musulmans et la stagnation des
Slaves se soit encore creusé davantage. Entre 1970 et 1979, la popul
ation totale des Républiques « slaves » (RSFSR, Ukraine et Biélo-
* Historien, directeur à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. 14 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
russie) a présenté un accroissement moyen de 5 à 6 % ; tandis que
celle des Républiques centre-asiatiques (Ouzbékistan et Tadjikistan
notamment) augmentait de 25 à 32 %.
Selon les démographes soviétiques, le taux de fertilité très élevé des
populations musulmanes d'Asie Centrale et du Caucase se maintien
drait au moins jusqu'aux années 1990. A la fin du siècle, le nombre
total de Musulmans soviétiques se situerait entre 84 millions, selon
les estimations américaines (Murray Feshback) et 105
une estimation soviétique plus pessimiste (Bodnarskaya). Ce serait une
population jeune et même très jeune (60 % de personnes âgées de
moins de 20 ans en l'an 2000) face à une population slave vieillissante.
Avec la seule exception des Tatars de la Volga qui sont, depuis le
milieu du XVIe siècle, une Nation de la diaspora, les Musulmans de
l'URSS refusent de quitter leurs territoires nationaux. En 1970, moins
de 1 % des Musulmans d'Asie Centrale n'y résidaient pas. La tentative
d'« européaniser » le Kazakhstan et l'Asie Centrale faite sous le
régime de Khrouchtchev n'a pas donné les résultats escomptés. Au
contraire depuis 1959, en Asie Centrale et au Caucase, bien que l'immi
gration continue (au ralenti), la part relative des Russes et d'autres
Européens a décliné dans tous les territoires musulmans, quelquefois
de manière dramatique. En Ouzbékistan par exemple, la part des
Musulmans Ouzbeks et autres Turkestanais est passé de 80 % en 1959
à 82 % en 1970, et à 85 % (estimation) en 1979. Au Turkménistan, la
progression des Musulmans a été plus spectaculaire encore : 77 % en
1959, 81 % en 1970, 86 % en 1979. Même au Kazakhstan,
dont la communauté indigène risquait, dans les années 50, d'être
complètement submergée par le flot d'immigrants « européens », les
Musulmans ont regagné du terrain, passant de 34 % seulement en 1959,
à 40 % en 1970 et 42 % (estimation) en 1979.
Les gains des Musulmans sont spectaculaires partout, même dans les
villes. En 1970, Bakou devint la première capitale d'une République
musulmane à acquérir une majorité musulmane. Tachkent l'obtint
probablement en 1979, ainsi que peut-être Duchambé la capitale du
Tadjikistan. Dans certaines régions, en Azerbaïdjan et au Daghestan
par exemple, les Européens quittent le pays, une hostilité religieuse
et ethnique souvent féroce rendant la cohabitation difficile, voir imposs
ible entre les communautés.
La « compétition démographique » entre Européens et Musulmans
dans les Républiques centre-asiatiques et caucasiennes est perçue par
les Russes et par les autochtones comme un phénomène historique
d'importance capitale. En 1973, c'est avec une jubilation triomphante
que la presse Kazakhe a accueilli la publication des résultats de rece
nsement de 1970 qui montraient que les Kazakhs venaient de regagner
la majorité dans plusieurs régions de leur République. DE L'URSS ET CRISE AFGHANE I 15 MUSULMANS
S'il n'y a pas d'émigration massive des Musulmans hors de l'Asie
Centrale vers les régions industrielles de la Sibérie ou de la Russie
d'Europe, la pression démographique croissante, jointe au climat
psychologique insupportable obligera les Russes et les autres « Euro
péens » à quitter ces

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