Les relations franco-américaines à l'épreuve de la crise au Kosovo - article ; n°2 ; vol.65, pg 359-374

Steven Philipkramer

Description

Politique étrangère - Année 2000 - Volume 65 - Numéro 2 - Pages 359-374
U.S.-French Relations After Kosovo, by Steven Kramer U.S.-French relations suffer from a lack of mutual trust based on two centuries of difficult history. In addition, U.S-French security interests do not coincide. Although both nations believe in the importance of playing an active role in global security and cooperate effectively in specifie cases like Kosovo, their long term goals are different. The United States wishes to perpetuate an Atlanticist security System; France advocates greater European independence. No solution to the debate over ESDI will occur without a breakthrough in U.S.-French relations, but past expérience indicates that no such breakthrough is likely to take place. The future of U.S.-French relations will probably resemble the past, conflict over doctrine, cooperation over concrete issues.
Steven Philip Kramer s'intéresse ici à l'impact de la crise kosovare sur les relations franco-américaines et sur la question de la sécurité européenne. Après avoir montré à quel point, depuis deux siècles, les relations franco-américaines sont empreintes de méfiance réciproque, il insiste sur l'opposition entre thèses américaine et française concernant la sécurité européenne. Si, des deux côtés de l'Atlantique, la tendance semble être actuellement en faveur de la seconde, la crise au Kosovo a soulevé — malgré la convergence des positions américaine et française — la question du degré de fiabilité que Européens et Américains peuvent à l'avenir espérer les uns des autres. L'auteur évoque enfin le rôle éventuel du Royaume-Uni dans l'amélioration des relations franco-américaines.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 25
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Kramer
Mercedes Neal
Les relations franco-américaines à l'épreuve de la crise au
Kosovo
In: Politique étrangère N°2 - 2000 - 65e année pp. 359-374.
Résumé
Steven Philip Kramer s'intéresse ici à l'impact de la crise kosovare sur les relations franco-américaines et sur la question de la
sécurité européenne. Après avoir montré à quel point, depuis deux siècles, les relations sont empreintes de
méfiance réciproque, il insiste sur l'opposition entre thèses américaine et française concernant la sécurité européenne. Si, des
deux côtés de l'Atlantique, la tendance semble être actuellement en faveur de la seconde, la crise au Kosovo a soulevé —
malgré la convergence des positions américaine et française — la question du degré de fiabilité que Européens et Américains
peuvent à l'avenir espérer les uns des autres. L'auteur évoque enfin le rôle éventuel du Royaume-Uni dans l'amélioration des
relations franco-américaines.
Abstract
U.S.-French Relations After Kosovo, by Steven Kramer
U.S.-French relations suffer from a lack of mutual trust based on two centuries of difficult history. In addition, U.S-French security
interests do not coincide. Although both nations believe in the importance of playing an active role in global security and
cooperate effectively in specifie cases like Kosovo, their long term goals are different. The United States wishes to perpetuate an
Atlanticist security System; France advocates greater European independence. No solution to the debate over ESDI will occur
without a breakthrough in U.S.-French relations, but past expérience indicates that no such breakthrough is likely to take place.
The future of U.S.-French relations will probably resemble the past, conflict over doctrine, cooperation over concrete issues.
Citer ce document / Cite this document :
Kramer, Neal Mercedes. Les relations franco-américaines à l'épreuve de la crise au Kosovo. In: Politique étrangère N°2 - 2000 -
65e année pp. 359-374.
doi : 10.3406/polit.2000.4942
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_2000_num_65_2_4942:
.
POLITIQUE ÉTRANGÈRE 2/2000
Les relations franco-américaines Steven Philip
à l'épreuve de la crise au Kosovo1 KRAMER
Steven Philip Kramer s'intéresse ici à l'impact de la crise kosovare sur les relations
franco-américaines et sur la question de la sécurité européenne. Après avoir mont
ré à quel point, depuis deux siècles, les relations franco-américaines sont
empreintes de méfiance réciproque, il insiste sur l'opposition entre thèses améri
caine et française concernant la sécurité européenne. Si, des deux côtés de
l'Atlantique, la tendance semble être actuellement en faveur de la seconde, la crise
au Kosovo a soulevé — malgré la convergence des positions américaine et française
— la question du degré de fiabilité que Européens et Américains peuvent à l'ave
nir espérer les uns des autres. L'auteur évoque enfin le rôle éventuel du Royaume-
Uni dans l'amélioration des relations franco-américaines.
Politique étrangère
Cet essai étudie l'état des relations entre les États-Unis et la
France après la crise du Kosovo qui a semblé constituer une
expérience si marquante qu'elle ne pouvait être que détermi
nante pour l'Union européenne (UE) et pour l'Organisation du traité
de l'Atlantique Nord (OTAN). Aujourd'hui la situation est plus nor
male. Le Kosovo est devenu un nouveau problème balkanique chro
nique, que nous devons gérer au mieux, sans doute pour très
longtemps encore. La question essentielle reste toutefois posée. La
crise du Kosovo a-t-elle fondamentalement modifié la nature des rela
tions entre les États-Unis et l'Europe ? A-t-elle fondamentalement
Steven Philip Kramer est professeur de stratégie à I'lndustrial College of the Armed Forces (National Defense
University). Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur et ne représentent pas la posi
tion officielle du gouvernement des États-Unis.
Ce texte a été traduit par Mercedes Neal.
1 Cet article est dédié à ma fille Simone, « le soleil de ma vie ». Je tiens à remercier ici Roy Stafford, Bowman
Miller et James Banner, pour leurs précieux commentaires au sujet de ce manuscrit. Je remercie aussi Alan
Gropman, président du Grand Strategy Department de I'lndustrial College pour le soutien qu'il a apporté à
mon travail. J'ai utilisé quelques matériels tirés de mon article « The United States and France in the Next
Decade A Durable but Prickly Friendship », Atlantic Council of the United States Bulletin, vol. IX, n° 8,
28 octobre 1 998. 360 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
redéfini les perspectives de la France à l'égard de la politique de
l'Union européenne (UE) et ses orientations au sujet des relations
atlantiques ? Répondre à ces questions implique d'abord de faire un
détour par l'histoire des relations franco-américaines.
Le fardeau de l'histoire
En décembre 1995, le président Chirac annonça que la France était
disposée à apporter de nouveau sa pleine contribution au commande
ment militaire intégré de l'OTAN, qu'elle avait quitté à l'époque du
général de Gaulle, sous réserve d'une réforme en profondeur de
l'Alliance. Le retour de la France aurait certainement créé une situa
tion avantageuse pour elle comme pour les États-Unis. Néanmoins, ce
fut l'échec malgré les nombreuses occasions de compromis. Cet échec
témoigne de la puissance des forces qui s'emploient à faire obstacle à
la poursuite des intérêts communs de la France et des États-Unis.
Quand des nations se conduisent déraisonnablement, il faut se tour
ner vers l'inconscient collectif. Plus on étudie la relation entre les
États-Unis et la France, plus le lourd fardeau de l'histoire se fait sent
ir. Nous allons donc d'abord passer en revue les diverses strates
cachées des relations franco-américaines dont l'influence continue de
se faire sentir.
Une première phase a débuté avec la révolution américaine et s'est
achevée avec la convention de 1800 mettant fin au traité d'alliance avec
la France. L'indépendance américaine n'aurait certainement pas été
possible sans l'intervention française (1778-1783) même si celle-ci
visait moins à promouvoir l'idéal libéral, qu'à nuire à l'Angleterre. En
1778, les États-Unis et la France signent un traité d'« alliance perpét
uelle » par lequel la France reconnaissait les Etats-Unis et s'engageait
à lutter pour leur indépendance, tandis que ces derniers acceptaient de
ne pas signer d'accord de paix séparé. La France cherchait ainsi à affai
blir l'Angleterre et à placer les États-Unis dans sa sphère d'influence.
Lorsque la Révolution française a éclaté, le traité s'est révélé être une
menace pour la nouvelle Amérique. Tandis que Jefferson et ses amis
défendait la Révolution, les conservateurs étaient effarés par sa radi-
calisation et par les efforts maladroits que faisaient les Français pour
influencer l'opinion publique américaine et pousser l'Amérique à
intervenir. L'attitude à adopter face à la France révolutionnaire et à LES RELATIONS FRANCO-AMÉRICAINES ET LA CRISE AU KOSOVO / 361
Napoléon devint alors le principal problème de politique étrangère de
Washington. Mais les partisans de Jefferson eux-mêmes se sont
retournés contre la France après l'affaire XYZ2, et c'est à l'unanimité
que, sous la présidence Adams, les États-Unis se sont lancés dans une
guerre navale non déclarée avec la France. La convention de 1800 a
mis fin au conflit et au traité d'alliance avec la France. L'opinion
publique a alors adhéré tout entière à une doctrine de non-ingérence
dans les conflits européens. Un président Jefferson assagi a pu se faire
l'écho du discours d'adieu de Washington et proclamer une politique
« de paix, de commerce, et d'amitié sincère avec toutes les nations, mais
sans aucune alliance encombrante [...] ». Les États-Unis s'engageaient,
pour un siècle et demi, dans une politi