Néo-classicisme et théâtre révolutionnaire : retour au passé ou ouverture sur l avenir ? - article ; n°1 ; vol.50, pg 121-138
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1998 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 121-138
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Renata Carocci
Néo-classicisme et théâtre révolutionnaire : retour au passé ou
ouverture sur l'avenir ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1998, N°50. pp. 121-138.
Citer ce document / Cite this document :
Carocci Renata. Néo-classicisme et théâtre révolutionnaire : retour au passé ou ouverture sur l'avenir ?. In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1998, N°50. pp. 121-138.
doi : 10.3406/caief.1998.1313
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1998_num_50_1_1313ET NEO-CLASSICISME
THÉÂTRE RÉVOLUTIONNAIRE :
RETOUR AU PASSÉ OU
OUVERTURE SUR L'AVENIR ?
Communication de Mme Renata CAROCCI
(Université de Gênes)
au XLIXe Congrès de l'Association, le 9 juillet 1997
On a défini le néo-classicisme comme un idéal rétros
pectif qui tend à se faire prospectif : l'image de l'Antiquité
en tant que modèle coïncide avec les revendications de la
raison qui veut la pensée limpide et linéaire, comme doi
vent être simples et pures les formes de la représentation.
A la théorie de Winckelmann exprimée dans son
Histoire de l'art ancien de 1764 (Geschichte des Kunst des
Altertums) correspond la pratique des artistes, peintres
(comme Mengs) ou sculpteurs (comme Canova), qui sou
vent s'inspirent des sujets de l'histoire ou de la mytholog
ie, mais qui représentent aussi des sujets modernes dans
les formes idéalisées propres aux chefs-d'oeuvre grecs ou
plutôt selon l'interprétation des théoriciens du beau idéal.
La Révolution a adopté le style néo-classique pour
incarner ses idéaux qui avaient trouvé leur expression
dans les tableaux classico-républicains de David (Le se
rment des Horaces date de 1784 (1)), réalisés selon un néo-
(1) Cf. d'autres tableaux à sujet romain : Les Sabines arrêtant le combat entre
les Romains et les Sabins de 1799, Les licteurs rapportant à Brutus le corps de ses
fils de 1789, Léonidas aux Thermopyles. 122 RENATA CAROCCI
classicisme plutarquien et héroïco-moral greffé sur les
idées révolutionnaires et républicaines, qui se rattachait à
la pensée de Winckelmann à propos des rapports entre
liberté politique et grandeur de l'art grec et qui enseignait
la discipline militaire et la mort pour la patrie.
Il est intéressant de voir comment le théâtre s'est empar
é de ces idées et comment il les a réalisées dans les pièces
où il fait revivre l'Antiquité classique ou son mythe.
*
*
Bien que Brunetière ait compté mille ou douze cents
pièces composées pendant la période révolutionnaire (2),
je dois préciser que, pour cette enquête, je n'ai examiné
que le Répertoire du Théâtre Républicain (3) en 15 volumes,
qui en publie 221 — quelques-unes sont absolument
rares — , convaincue que c'est surtout dans les minores
qu'on capte le mieux les tendances du temps.
Les pièces empruntées à l'Antiquité classique latine ou
grecque sont relativement peu nombreuses. Elles se grou
pent surtout dans les années 1789-1797, atteignant le
maximum de leur production dans les années 1794-1795.
Les tragédies sont les plus nombreuses ; on trouve aussi
des opéras et des compositions mêlées de paroles et de
musique. Les sujets traités concernent presque tous de
grands personnages ou de hauts faits de l'histoire et de la
légende antique et ont un commun élément unificateur :
le triomphe de l'idée de liberté, la lutte légitime contre les
tyrans et la tyrannie.
L'Antiquité est vue à travers les yeux de Plutarque, qui
a présenté l'histoire comme une galerie de portraits de
(2) « Le Théâtre de la Révolution » (15 janvier 1881), [in] Etudes critiques sur
l histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1908, 7e éd., p. 285.
(3) Ou Recueil de pièces imprimées avant, pendant et après la République
Française en 15 volumes, Genève-Paris, Slatkine Reprints, 1986 (réimpression
de la collection de Lunel, 1773-1822). LE THÉÂTRE RÉVOLUTIONNAIRE 123
héros ; certes il avait célébré les triomphes de César et
d'Alexandre (qui d'ailleurs n'intéressent pas le XVIIIe
siècle), mais il avait aussi exalté Brutus et Caton, des
hommes libres qu'il était possible d'imiter.
Les grands sujets de l'Antiquité classique ne constituent
pas une innovation du théâtre de la Révolution ;
Brunetière en fait remonter les origines au théâtre de
Voltaire et aux théories dramatiques de Diderot, qui
considère le théâtre comme une école de moeurs. En effet,
pour ce qui concerne l'Antiquité, vers les années 1730 on
assiste à une floraison de ce genre de spectacles : Brutus
de Voltaire date de la fin de 1730 et La Mort de César,
représentée en 1743, avait été composée en 1735. Il ne faut
pas oublier qu'à l'étranger ces mêmes sujets avaient déjà
été abordés : en Angleterre Joseph Addison, avec son Cato
de 1713, se proposait de moraliser la tragédie en lui attr
ibuant une thèse philosophique ; et en Italie Métastase,
dont les tragédies musicales satisfaisaient le goût pour un
héroïsme théâtral et fastueux, était reconnu comme auteur
tragique ; et même en France il était apprécié de Voltaire
et de Grimm et imité par de Belloy (La Clémence de Titus,
1759, et Zelmire, 1762), Lemierre (Artaxerce, 1766 ;
Hypermnestre , 1758), et par Marie-Joseph Chénier lui-
même dans son Cyrus.
En 1789, à Paris, la situation des théâtres avait subi des
modifications ; la censure royale, très sévère, avait dû
céder face à « l'envahissement du populaire » selon l'e
xpression de Brunetière : le parterre faisait la loi et dictait
aux acteurs l'affiche du lendemain. On s'explique ainsi la
réapparition sur la scène de pièces autrefois interdites et
l'exigence de la part des auteurs les plus responsables
d'une réglementation des représentations théâtrales. Le 2
août 1793 on établit que Brutus, Guillaume Tell, Caïus
Gracchus et d'autres « pièces patriotiques » seraient jouées
au moins trois fois par semaine.
Avec la définition de « pièces » à propos de
Brutus, Caïus Gracchus, etc., c'est-à-dire de pièces inspirées 124 RENATA CAROCCI
du monde latin, on entre, me semble-t-il, au coeur du pro
blème.
Que cherche-t-on dans l'Antiquité classique ? Dans les
moments de désarroi, d'incertitude, de bouleversements
civils et sociaux, on a besoin de points de repère. Quoi de
mieux, alors, à une époque où toutes les valeurs morales,
civiles et religieuses étaient mises en question, sinon niées
ou renversées, que de se réfugier dans la contemplation
d'un temps révolu, certes, mais que l'histoire, la légende
ou le mythe avaient représenté comme heureux parce que
l'ordre y régnait, que la vertu et l'honnêteté y florissaient
et que les tyrans et les traîtres payaient leurs forfaits et
leurs crimes ? Il ne s'agissait pourtant pas d'une contemp
lation extatique, éloignée, fermée à tout rapport avec le
présent, ni de la nostalgie de l'Eden perdu qui, d'ailleurs,
revivait dans les pages des voyageurs, des poètes, ou des
littérateurs de l'époque. Dans la mentalité des auteurs de
théâtre, grands ou moins importants, l'Antiquité constitue
une source d'énergie vitale, une sorte de garantie morale
de la possibilité de l'existence de la liberté, de l'honnêteté,
de la vertu. Cela explique le nombre limité des protago
nistes ou des événements qui portent toujours sur les
mêmes sujets : la conjuration contre le tyran, la lutte pour
la liberté, l'intégrité des conspirateurs, la nécessité des lois
et de l'obéissance aux lois.
On sait que la grande ambition du XVIIIe siècle avait été
la réalisation de la tragédie classique (Voltaire en avait
donné l'exemple), même si, à l'époque révolutionnaire,
Racine ou Corneille avaient été un peu mis de côté ou cr
itiqués parce qu'i

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