Pulsions et impulsions : l'euro-méditerranée comme enjeu de société - article ; n°1 ; vol.63, pg 35-49

Bassma Kodmani-Darwish

Description

Politique étrangère - Année 1998 - Volume 63 - Numéro 1 - Pages 35-49
Drive and Impulse : Euro-Mediterranean Policy as a Challenge to Society, by Bassma Kodmani-Darwish Euro-Mediterranean partnership is a challenge to society because the Barcelona process can only be successful if it acquires legitimacy in public opinion. This project is arousing great hopes in the South but also great fears. Its rationale of integration into the globalization dynamic implies far-reaching changes in these countries' structures, changes that are liable to fuel Islamic dissidence. Europe must therefore develop an Arabo-Muslim policy that is both external and internal, because the North-South borders are also internal, identity-related and cultural borders that run across European societies. The long-term challenge is the creation of an area under joint North-South responsibility. This is the only alternative to the Arab world's temptation to turn in on itself, submit or revolt.
Pour Bassma Kodmani-Darwish, le partenariat euro-méditerranéen constitue un véritable enjeu de société au Nord comme au Sud, dans le sens où il met en cause leur identité et leur rapport à l'autre. Au Nord, le rapport au Sud se traduit par une tension autour de la question de l'intégration des communautés immigrées et du multiculturalisme. Au Sud, la relation au Nord se manifeste par une tension relative à la modernisation/occidentalisation. Le défi fondamental est donc celui de la conciliation de l'affirmation identitaire et d'une nouvelle universalité qui reste à définir.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 92
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Bassma Kodmani-Darwish
Pulsions et impulsions : l'euro-méditerranée comme enjeu de
société
In: Politique étrangère N°1 - 1998 - 63e année pp. 35-49.
Abstract
Drive and Impulse : Euro-Mediterranean Policy as a Challenge to Society, by Bassma Kodmani-Darwish
Euro-Mediterranean partnership is a challenge to society because the Barcelona process can only be successful if it acquires
legitimacy in public opinion. This project is arousing great hopes in the South but also great fears. Its rationale of integration into
the globalization dynamic implies far-reaching changes in these countries' structures, changes that are liable to fuel Islamic
dissidence. Europe must therefore develop an Arabo-Muslim policy that is both external and internal, because the North-South
borders are also internal, identity-related and cultural borders that run across European societies. The long-term challenge is the
creation of an area under joint North-South responsibility. This is the only alternative to the Arab world's temptation to turn in on
itself, submit or revolt.
Résumé
Pour Bassma Kodmani-Darwish, le partenariat euro-méditerranéen constitue un véritable enjeu de société au Nord comme au
Sud, dans le sens où il met en cause leur identité et leur rapport à l'autre. Au Nord, le rapport au Sud se traduit par une tension
autour de la question de l'intégration des communautés immigrées et du multiculturalisme. Au Sud, la relation au Nord se
manifeste par une tension relative à la modernisation/occidentalisation. Le défi fondamental est donc celui de la conciliation de
l'affirmation identitaire et d'une nouvelle universalité qui reste à définir.
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Kodmani-Darwish Bassma. Pulsions et impulsions : l'euro-méditerranée comme enjeu de société. In: Politique étrangère N°1 -
1998 - 63e année pp. 35-49.
doi : 10.3406/polit.1998.4722
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1998_num_63_1_4722POLITIQUE ÉTRANGÈRE 1/98
Pulsions et impulsions :
l'euro-méditerranée
koSdmani-darwish comme "'euro-méditerranée enjeu de société
Pour Bassma Kodmani-Darwish, le partenariat euro-méditerranéen constitue un
véritable enjeu de société au Nord comme au Sud, dans le sens où il met en cause
leur identité et leur rapport à l'autre. Au Nord, le rapport au Sud se traduit par
une tension autour de la question de l'intégration des communautés immigrées et
du multiculturalisme. Au Sud, la relation au Nord se manifeste par une tension
relative à la modernisation/occidentalisation. Le défi fondamental est donc celui
de la conciliation de l'affirmation identitaire et d'une nouvelle universalité qui
reste à définir.
Politique étrangère
Les enjeux du partenariat euro-méditerranéen sont, on le sait,
tout à la fois économiques, démographiques, stratégiques, poli
tiques, culturels. C'est tout le sens du concept de partenariat du
reste, qui entend organiser et réglementer cette toile de relations entre
les rives nord et sud du bassin, embrassant ces multiples domaines. Il
implique de quitter les schémas opposant Orient et Occident, modern
ité et tradition, hégémonie du Nord (économique, scientifique, tech
nologique) et nations prolétaires du Sud. Mais, pour se délivrer de ces
constructions schématiques qui érigent les différences en antago
nismes irréductibles, il faut commencer par un réexamen d'une réalité
complexe faite d'interpénétration, où les frontières décisives ne se
situent pas toujours là où on le pense communément. Le partenariat
doit acquérir, aux yeux des opinions européennes d'une part, arabes
d'autre part, une légitimité et être perçu comme naturel pour s'ins
taurer de façon crédible. C'est ce qui en fait un enjeu de société.
Deux dimensions du projet euro-méditerranéen structureront notre
argumentation, l'une prenant pour cadre de référence la région, l'autre
Bassma Kodmani-Darwish est maître de conférences de science politique à l'université de Marne-la-Vallée
et maître de recherche à l'Ifri, chargée des études sur le monde arabe. 36 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
se situant à l'échelle interne. Nous les posons ici sous forme d'inter
rogations pour montrer ensuite comment elles se rejoignent pour
conditionner le succès du projet.
Premièrement, la Méditerranée n'étant pas une région construite,
comment peut-on concevoir la naissance d'un partenariat qui nécess
ite un sentiment minimum de communauté d'intérêts, sinon de des
tinée, dans le contexte de l'après-guerre froide où les découpages des
grands ensembles planétaires changent et s'accompagnent de spécula
tions et débats plus ou moins pertinents sur les nouveaux limes cultur
els et civilisationnels qui semblent séduire tant d'esprits ? Le discours
sur le partenariat, ne l'oublions pas, est construit pour aller à l'en-
contre d'un autre discours souvent plus puissant en raison de son
caractère démagogique, sur les frontières culturelles insurmontables et
la confrontation des civilisations.
Deuxièmement, les artisans et les acteurs du projet de partenariat,
c'est-à-dire les pays du Nord, sont eux-mêmes, en tant que collecti
vités nationales, traversés de l'intérieur par des particularismes, des
demandes identitaires et communautaires exacerbées par la présence
en leur sein de communautés plus ou moins importantes en prove
nance du Sud qui remettent en question les conceptions anciennes de
nations dites homogènes. Il ne s'agit évidemment pas d'une coïnci
dence et le partenariat a été conçu en partie en réponse à cette pré
sence du Sud dans les pays du Nord. Il s'agit donc d'évaluer dans
quelle mesure le projet méditerranéen est affecté par les processus
d'intégration des communautés immigrées dans les sociétés du Nord.
Ces deux entreprises sont-elles interdépendantes, et le succès ou
l'échec du second affectera-t-il le premier ?
L'Europe nouvelle
La construction de l'Union européenne a été source d'inquiétude
pour les pays du sud de la Méditerranée. L'Acte unique, la chute du
mur de Berlin, le traité de Maastricht étaient autant de sujets de pré
occupation pour les pays européens qui les détournaient de leurs voi
sins du Sud à l'heure où ceux-ci voyaient leur propre situation stagner,
voire dans bien des cas s'aggraver. Dans le même temps, l'image de
cette nouvelle Europe dans les pays du Sud se construisait. Elle n'ap- L'EURO-MÉDITERRANÉE COMME ENJEU DE SOCIÉTÉ / 37
paraît plus seulement comme un partenaire économique et un débou
ché pour les exportations. Elle est désormais à même d'occuper un
rang de puissance politique majeure, pourvu qu'elle en ait la volonté.
C'est une « demande d'Europe » d'une nature nouvelle qui s'exprime,
c'est-à-dire d'un rôle pour elle en tant qu'acteur et non plus seulement
d'accès à elle en tant qu'espace.
L'Europe, de son côté, prend progressivement conscience qu'un enga
gement en Méditerranée est à la fois un impératif pour sa propre sta
bilité et une opportunité pour y projeter son influence. Il fallait
cependant une impulsion forte pour convaincre l'ensemble des pays
de l'Union que l'Europe ne pourrait construire son avenir en ignorant
son sud et pour l'entraîner dans une action significative. Elle parvient
à cette conviction par la conjonction de deux facteurs plus immédiats :
l'inquiétude qui touche les pays de l'Union l'un après l'autre face à la
situation en Algérie et la frustration de se voir assigner le rôle de ban
quier du processus de paix au Proche-Orient. Il restait à transformer
cette motivation en action.
À Barcelone, l'Union européenne a affiché sa volonté de participer, de
manière massive et décisive, à l'avenir des pays riverains du sud de la
Méditerranée. Quelles que soient les réserves et les critiques que l'on
peut émettre, c'est la première fois que la question méditerranéenne
est élevée au niveau d'un enjeu politique clairement identifié avec un
but à atteindre, des étapes définies et des moy