Séminaire CRIDAF 30 novembre 2007 « Quel avenir pour les Arabes Américains après le 11 septembre 2001 ?» Par Rim LatracheMCF en civilisation américaineLe présent travail porte sur la communauté arabe américaine, une communauté
qui fait parler d’elle avec insistance depuis la dernière décennie et en particulier après
les attentats du 11 septembre 2001.
Je vais commencer par soulever quelques questions auxquelles je vais répondre
au cours de cette présentation.
Comment peuton être Arabe et Américain à la fois ? En particulier dans
l’Amérique de l’après 11 septembre 2001 où certains esprits considèrent que ces deux
identités sont contradictoires ? Comment peuton assumer son identité d’Arabe à une
période où l’Islam radical prôné par AlQaida semble stigmatiser le monde arabo
musulman en général et la communauté arabe américaine en particulier, bien qu’elle
soit majoritairement chrétienne ? Dans ce contexte, les Arabes Américains se
retrouvent confrontés à une double injonction : se définir par rapport à euxmêmes et
se définir par rapport à la société américaine. Le positionnement des Arabes
Américains s’articule principalement autour des notions de la visibilité et de
l’invisibilité. Les Arabes Américains ont été plus que jamais « visibles » aux Etats
Unis après les attentats du 11 septembre 2001.
Tout d’abord, je vais vous présenter rapidement la communauté arabe
américaine.
Il n’existe pas de statistiques précises quant au nombre exact des Arabes
Américains, ce nombre varie entre 3 millions et 5 millions. Il existe une grande
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diversité au sein de la communauté arabe aux EtatsUnis : diversité des pays d’origine
et de religion. Néanmoins, les Arabes Américains, dans leur majorité, sont originaires
du Liban et sont chrétiens à 63%. D’après le dernier recensement aux EtatsUnis, celui
de l’an 2000, la plus grande communauté arabe américaine (715 000) se trouve en
Californie (Californie du sud : Los Angeles et Orange County). En deuxième position,
on retrouve l’Etat du Michigan avec 490 000 personnes. En revanche, cet Etat connaît
la plus grande concentration d’Arabes Américains et ce dans la région deGreater
Detroit. En troisième position : l’Etat de New York et en quatrième position l’Etat de
la Floride.
Pour quelles raisons des Arabes ontils émigré aux EtatsUnis ? Comme la
plupart des immigrés, les Arabes ont quitté leurs pays d’origine pour échapper à des
conditions socioéconomiques, politiques et religieuses difficiles. L’immigration des
Arabes aux EtatsUnis a commencé vers le fin du XIXème siècle. Il faut noter que , ce
qu’on appelle aujourd’hui le monde arabe, était à cette époque des provinces sous
l’autorité de l’Empire ottoman. Le processus de l’immigration est ponctué par trois
principales vagues d’immigration au cours desquelles se profile un changement
démographique des immigrés et une évolution dans leur profil socioprofessionnel. En
effet, la majeure partie des immigrés arabes de la première vague (1860 – 1945)
étaient des chrétiens originaires de Grande Syrie et en particulier du district du Mont
Liban. Ils étaient essentiellement des hommes célibataires travaillant comme paysans
ou artisans. La deuxième vague d’immigration (1945 – 1964) se caractérise par une
majorité musulmane, par un grand nombre de femmes ainsi que de réfugiés
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palestiniens. De nombreux étudiants et des personnes exerçant des professions
libérales y sont inclus. Quant à la troisième vague d’immigration (1965 à nos jours),
elle est marquée par une diversité géographique et religieuse plus importante que celle
des précédentes vagues. Les immigrés originaires de tout le monde arabe et
majoritairement musulmans sont attachés au nationalisme arabe. C’est durant cette
période là que les pays arabes ont connu le phénomène de la fuite des cerveaux vers
les EtatsUnis.
Après l’immigration, quant estil de l’intégration des Arabes aux EtatsUnis ?
L’intégration des Arabes aux EtatsUnis a été un modèle de réussite à plusieurs
égards. En effet, d’après les statistiques, les Arabes Américains appartiennent dans
leur majorité à la classe moyenne et plus de 40 % possèdent un diplôme universitaire
équivalent ou supérieur à la Maîtrise. Néanmoins, leur positionnement au sein de la
société américaine demeure fragile car il est largement influencé par les différentes
crises au MoyenOrient et par la politique des EtatsUnis dans cette région. Ainsi,
chaque crise impliquant d’une part les EtatsUnis, ou les intérêts américains, et d’autre
part le MoyenOrient, stigmatise la communauté arabe américaine comme un danger
ou un ennemi de l’intérieur. La dernière crise en date fut déclenchée par les attentats
terroristes du 11 septembre.Les Arabes Américains deviennent donc « visibles » non
seulement à travers les images négatives véhiculées par les médias américains basées
sur des stéréotypes et des clichés plutôt que sur une connaissance approfondie et
objective de la culture arabomusulmane, mais aussi à travers la politique des agences
fédérales qui mettent en place des programmes d’investigation et de surveillance à
l’encontre des Arabes Américains ou encore par rapport aux lois de lutte contre le
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terrorisme comme leUSA PATRIOT Act qui a suivi les attentats du 11 septembre
2001.
Paradoxalement, les Arabes Américains sont « invisibles » dans les statistiques.
En effet, dans une société fondée sur la classification raciale, ils ne correspondent à
aucune catégorie
ethnoraciale
officielle telle que définie par le Bureau de
recensement. Le dernier recensement en date, celui de l’an 2000, a utilisé les six
catégories ethnoraciales suivantes : Blanc, Noir ou Africain américain, Indien
d’Amérique ou Natif d’Alaska, Asiatique, Natif de Hawaï ou d’une autre île du
Pacifique et enfin, autre race. La catégorie « Arabe américain » n’existe pas, ce qui
rend plus complexe l’étude de cette communauté. En effet, d’une part, elle n’est pas
reconnue comme un groupe ethnique distinct et officiel, et d’autre part il est difficile
de déterminer le nombre exact des membres de cette communauté.
Cette invisibilité dans les statistiques n’est pas récente mais elle remonte à la fin
ème du XIX siècle, date à laquelle les premiers immigrants arabes sont arrivés aux
EtatsUnis. D’ores et déjà le problème des catégories de classification s’est posé.
D’abord parce que les immigrants arabes avaient plutôt tendance à s’identifier à leur
région, leur village d’origine, ou encore leur affiliation religieuse. Ensuite parce que la
dépendance de leur pays d’origine par rapport à l’empire ottoman ou aux puissances
coloniales européennes a créé une confusion quant à leur appellation.En effet, les
immigrants arabes étaient, jusqu’à 1899, enregistrés par les services d’immigration
américains comme « Turcs » ou comme immigrants provenant de « la Turquie en
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Asie », puisque la Syrie était à l’époque une province ottomane. On retrouve
également d’autres appellations telle que « Arabes », « Turcs asiatiques » et parfois
« Arméniens » ou « Grecs » (Naff, 1980 : 128).
A partir de 1899, les services d’immigration ont commencé à enregistrer les
immigrants arabes comme « Syriens » compte tenu de l’importance de leur nombre,
sans pour autant faire la distinction entre ceux qui étaient originaires du centre du pays
ou des régions côtières du Liban et de la Palestine (Khalaf, 1987 : 18). Après 1920, les
Arabes ont vaguement été enregistrés comme « autres Asiatiques », ou, en ce qui
concerne les NordAfricains, sous la rubrique « autres Africains », et probablement
aussi Français ou Anglais.
Cette « invisibilité » des Arabes Américains dans les statistiques ne facilite pas
l’étude de ces derniers. Mais cette « invisibilité » a été considéré, pendant une période,
comme un facteur positif dans l’intégration des Arabes Américains. En effet, jusqu’à
la fin des années 1960, les Américains d’origine arabe (comme il convient de les
appeler ici puisque l’appellation Arabes Américains n’existait pas encore) étaient
« invisibles » au sein de la société américaine et cette « invisibilité » était synonyme
d’intégration réussie. En effet, ils avaient complètement assimilé les valeurs de la
société américaine puisque leur objectif premier était l’intégration dans le pays
d’accueil. Même s’ils avaient conservé quelques aspects culturels de leurs pays
d’origine, ils étaient entièrement détachés des réalités politiques de ces derniers. Ils