Thermidor en Iran - article ; n°3 ; vol.56, pg 701-714
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Description

Politique étrangère - Année 1991 - Volume 56 - Numéro 3 - Pages 701-714
A Turning Point for the Islamic Republic ?, by Jean-François Bayart
Hashemi Rafsandjani has shown great diplomatie skill in exploiting the new situation created by the Gulf War, and Western Europe must be resolute in its response. The problems of the Islamic Republic are especially pressing after 10 years of war, erratic government and disinvestment. The easing of domestic political pressures has favoured Rafsandjani. He has accumulated power at the cost of the religious extremists. This tendency is likely to be confirmed by the parliamentary elections of 1992. Nevertheless, Iran's economie prospects are not bright. Its petroleum revenues will not be sufficient to finance reconstruction. External borrowing is a possibility because of low indebtedness but there are risks of accentuating deeprooted speculative tenden-cies, which are not solely due to the current monetary and banking confusion. The path towards economie recovery will be ail the more difficult because Iran possesses no genuine entrepreneurial class and fiscal stabilisation would clash with very solid vested interest. One wonders if the Islamic Republic retains sufficient economie credibility and political legitimacy to impose the overdue structural adjustment, which the government, intoxicated by the inflow of petrodollars, failed to carry out in 1978-1979.
Exploité avec une très grande maturité par la diplomatie de Hachémi Rafsandjani, la nouvelle donne régionale, née de la guerre du Koweit, impose à l'Europe occidentale de jouer avec détermination la carte iranienne. D'autant que la demande de la république islamique, ruinée par dix ans de guerre, de gestion erratique et de désinvestissement, est pressante. Indéniable, la décompression politique semble traduire la stabilisation du pouvoir au profit du président de la République et la perte d'influence des ultras, que devraient consacrer les élections législatives de 1992. Néanmoins, les perspectives d'avenir de l'économie iranienne restent préoccupantes. La rente pétrolière ne suffira pas à financer les besoins de reconstruction. Le recours aux financements extérieurs, que rend possible un faible taux d'endettement, risque d'accentuer la tendance spéculative de l'économie, dans la mesure où celle-ci a des causes plus profondes que le simple désordre monétaire et bancaire actuel. Le passage à une économie productive est d'autant plus problématique que l'Iran ne peut compter sur une couche de véritables entrepreneurs et que la nécessaire intensification de la pression fiscale se heurtera à de solides intérêts constitués. On peut en réalité se demander si la république islamique dispose encore d'une crédibilité économique et d'une légitimité politique suffisantes pour imposer un ajustement structurel que le pays, grisé par l'argent facile du pétrole, avait déjà esquivé en 1978-1979.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bayart
Thermidor en Iran
In: Politique étrangère N°3 - 1991 - 56e année pp. 701-714.
Citer ce document / Cite this document :
Bayart. Thermidor en Iran. In: Politique étrangère N°3 - 1991 - 56e année pp. 701-714.
doi : 10.3406/polit.1991.4061
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1991_num_56_3_4061Abstract
A Turning Point for the Islamic Republic ?, by Jean-François Bayart
Hashemi Rafsandjani has shown great diplomatie skill in exploiting the new situation created by the Gulf
War, and Western Europe must be resolute in its response. The problems of the Islamic Republic are
especially pressing after 10 years of war, erratic government and disinvestment. The easing of domestic
political pressures has favoured Rafsandjani. He has accumulated power at the cost of the religious
extremists. This tendency is likely to be confirmed by the parliamentary elections of 1992. Nevertheless,
Iran's economie prospects are not bright. Its petroleum revenues will not be sufficient to finance
reconstruction. External borrowing is a possibility because of low indebtedness but there are risks of
accentuating deeprooted speculative tenden-cies, which are not solely due to the current monetary and
banking confusion. The path towards economie recovery will be ail the more difficult because Iran
possesses no genuine entrepreneurial class and fiscal stabilisation would clash with very solid vested
interest. One wonders if the Islamic Republic retains sufficient economie credibility and political
legitimacy to impose the overdue structural adjustment, which the government, intoxicated by the inflow
of petrodollars, failed to carry out in 1978-1979.
Résumé
Exploité avec une très grande maturité par la diplomatie de Hachémi Rafsandjani, la nouvelle donne
régionale, née de la guerre du Koweit, impose à l'Europe occidentale de jouer avec détermination la
carte iranienne. D'autant que la demande de la république islamique, ruinée par dix ans de guerre, de
gestion erratique et de désinvestissement, est pressante. Indéniable, la décompression politique
semble traduire la stabilisation du pouvoir au profit du président de la République et la perte d'influence
des ultras, que devraient consacrer les élections législatives de 1992. Néanmoins, les perspectives
d'avenir de l'économie iranienne restent préoccupantes. La rente pétrolière ne suffira pas à financer les
besoins de reconstruction. Le recours aux financements extérieurs, que rend possible un faible taux
d'endettement, risque d'accentuer la tendance spéculative de l'économie, dans la mesure où celle-ci a
des causes plus profondes que le simple désordre monétaire et bancaire actuel. Le passage à une
économie productive est d'autant plus problématique que l'Iran ne peut compter sur une couche de
véritables entrepreneurs et que la nécessaire intensification de la pression fiscale se heurtera à de
solides intérêts constitués. On peut en réalité se demander si la république islamique dispose encore
d'une crédibilité économique et d'une légitimité politique suffisantes pour imposer un ajustement
structurel que le pays, grisé par l'argent facile du pétrole, avait déjà esquivé en 1978-1979.POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 701
Jean-François BAYART Thermidor en Iran
La question, en 1991, n'est plus de savoir comment l'on peut être
persan, ni s'il faut être persanophile. Exploitée avec une très grande
maturité par la diplomatie de Hachemi Rafsandjani, la nouvelle
donne régionale, née de la guerre du Koweit mais aussi de l'évolution
interne des républiques soviétiques musulmanes et de la crise afghane,
impose à l'Europe occidentale de jouer avec détermination la carte ir
anienne. Le moment est extraordinairement propice, et la demande de
Téhéran est pressante. L'URSS ne peut plus fournir ni capitaux ni modèle.
Pour quelques mois encore (ou quelques années), l'inévitable réconciliation
avec les Etats-Unis reste prématurée au regard de l'équilibre intérieur de la
République islamique. Quant au Japon, très présent commercialement, il
semble néanmoins se cantonner dans une certaine réserve qu'a illustré son
retrait brutal du projet pétrochimique de Bandar Khomeyni et qu'explique
sans doute la préférence accordée à d'autres priorités internationales. Avec
l'approbation chaleureuse, mais prudemment dissimulée, de l'opinion publi
que dont la fascination pour la civilisation occidentale de consommation n'a
peut-être jamais été aussi vive, ni aussi frustrée, l'Iran de Hachemi Raf
sandjani a donc jeté son dévolu sur l'Europe des Douze, au sein de laquelle
la France fait l'objet d'une attention particulière. A l'inverse, Paris a tiré les
leçons de son aventure irakienne et cherche sur les pentes de l'Alborz un
nouveau partenaire privilégié de sa diplomatie moyen-orientale.
L'Iran au printemps 1991
Les changements politiques intérieurs que l'Iran a connus depuis deux ans
contribuent pour beaucoup à l'engouement dont il est maintenant l'objet. A
n'en pas douter, l'esprit de Thermidor souffle sur Téhéran — sans malheu
reusement que nous soyons en mesure de préciser s'il pénètre déjà vérit
ablement dans les provinces.
La décompression politique
En se faisant élire président d'une République islamique dont la Constitu
tion amendée confortait ses pouvoirs, en parvenant, en octobre 1990, à
contrôler la composition de l'Assemblée des experts lors de son renouvelle
ment pour 8 ans et à en exclure les ultras et les conservateurs au terme
* Directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales. I POLITIQUE ÉTRANGÈRE 702
d'une procédure humiliante pour eux, Hachemi Ralsandjani a assuré sa
prééminence. En outre, en tenant son pays à l'écart de la guerre du Koweit
tout en obtenant réparation au moins partielle des pertes que lui avaient
occasionnées l'agression de Saddam Hussein en 1980 et l'aveuglement de
l'imam Khomeyni en 1982, il a fini d'enterrer la révolution islamique dans
ce qu'elle avait de messianique [1]. A cet égard, la prudence affichée par
Téhéran en mars 1991 lors du soulèvement des villes chiites du Sud de
l'Irak a sonné comme un aveu froid.
Bien sûr, l'Iran thermidorien aura ses Babeuf, ses Lebas et ses veuves de
martyrs dont la capacité de nuisance a été bien montrée par les historiens
britanniques de la Révolution française ! Ces ultras continueront de gêner
Y aggiornamento — et nous verrons que cela ne sera pas sans conséquences
préoccupantes dans le domaine économique — mais ils ne devraient pas
pouvoir l'interrompre. En effet, leur principal bastion, le Parlement, où ils
disposent à tout le moins d'une minorité de blocage, voire, selon certaines
sources, d'une majorité virtuelle de 187 députés sur 270, et à la présidence
duquel ils ont fait élire l'un des leurs, Medhi Karroubi, a des prérogatives
limitées par le rôle constitutionnel et juridique du Conseil de surveillance,
acquis à Hachemi Rafsandjani et Ali Khamenei. En outre, il est soumis à
renouvellement au printemps 1992. Or, il est bien peu probable que
l'électorat renvoie à l'Assemblée une majorité radicale tant l'opinion est
éprise de paix, d'ouverture et de relatif bien-être.
A défaut d'être populaire, Hachemi Rafsandjani, avec ses airs bonhommes
et matois, incarne bien de telles aspirations petites bourgeoises. Omniprés
ent à la télévision, honorant de sa visite les ruines de Persépolis que
d'aucuns voulaient raser au lendemain de la révolution, il exploite sans
vergogne ce registre et ne semble pas s'offusquer de ce que ses apparitions
sur le petit écran, par exemple lors de la prière du vendredi, soient suivies
de musique légère ou d'émissions de variété, voire de cirque !
Lassée par 10 ans d'ordre moral et de paupérisation, la société urbaine
redresse la tête et déconstruit insidieusement le corset qui lui avait été
appliqué. Le Téhéran d'aujourd'hui est une mégapole de 10 millions d'habi
tants, où le voile se porte plutôt haut sur le front, où l'un des cinémas
projette « Thérèse » et où les femmes sont nombreuses à travailler et à
conduire [2].
Dans la durée, le rapport d

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