Tour d horizon en Extrême-Orient - article ; n°3 ; vol.17, pg 143-154
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Description

Politique étrangère - Année 1952 - Volume 17 - Numéro 3 - Pages 143-154
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Robert Guillain
Tour d'horizon en Extrême-Orient
In: Politique étrangère N°3 - 1952 - 17e année pp. 143-154.
Citer ce document / Cite this document :
Guillain Robert. Tour d'horizon en Extrême-Orient. In: Politique étrangère N°3 - 1952 - 17e année pp. 143-154.
doi : 10.3406/polit.1952.6210
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1952_num_17_3_6210TOUR D'HORIZON EN EXTRÊME-ORIENT
Une stabilité relative a marqué la situation en Extrême-Orient au cours
des derniers six mois. Des observations faites au cours d'un voyage terminé
en décembre dernier ne s'écartent donc pas trop de l'actualité présente.
Je les apporte ici sans autre souci que de faire un bref tour d'horizon et de
marquer, au fur et à mesure du voyage, quelques-unes des données les
plus frappantes qui pouvaient être recueillies par le journaliste en tournée
pendant l'année 1951.
La Chine vue de Hong-Kong.
Hong-Kong en mars 1951 : c'est la dernière fenêtre ouverte sur la Chine
rouge. On est surpris dès l'arrivée par la valeur de ce poste d'observation
et d'écoute : à Hong-Kong, les informations sur ce qui se passe en Chine
sont beaucoup plus abondantes que tout ce qu'on imagine, bien plus nourr
ies, par exemple, que ne peuvent être les informations recueillies sur la
Russie à n'importe quel endroit de la périphérie du monde russe.
Or c'est un monde en partie analogue au monde russe qu'on peut voir
en formation : surprise plus grande encore, au moins pour tous ceux qui
n'avaient pas voulu entendre les prédictions qui pouvaient être faites
en 1 949 sur le caractère marxiste et communiste du nouveau régime.
La Chine nouvelle met en déroute les prédictions des optimistes. Que la
Chine « reste la Chine », qu'elle vienne à conquérir ses conquérants, cela
sera peut-être vrai dans un avenir imprévisible. Le présent, c'est une Chine
profondément brassée par une révolution qui la coupe du monde occidental
et la fait entrer chaque année davantage dans l'amalgame du monde
russe.
La grande nouveauté, en ce début de 1 95 1 , est le mouvement officiell
ement appelé par le Parti :« mouvement de suppression des contre-révolutionn
aires ». La période de modération et d'indulgence du régime chinois, qui
a correspondu à son installation, s'est terminée au milieu de 1 950. La vio- 144 ROBERT GUILLAIN
lence a commencé à se montrer à mesure qu'étaient enfin mis en place les
appareils de la justice et de la police populaires. La guerre de Corée est
encore venue accroître cette tendance : la Chine, suivant la pente naturelle
de toute révolution, est entrée dans une période de répression qui confine
à la terreur.
Répression d'activités anticommunistes et de résistances } Sans doute.
Mais ce n'est pas l'essentiel, et les résistances, si elles existent, sont surtout
passives et inorganisées. La répression s'exerce bien plutôt sur des activités
potentielles et des résistances en puissance : celles de tous les éléments
compromis avec le régime antérieur, pour lesquels l'indulgence du régime
à ses débuts n'était qu'une politique provisoire.
En octobre 1 95 1 , le premier ministre Chou En Lai a prononcé devant
le Comité consultatif politique un discours révélateur dont on a trop peu
parlé en Occident. De façon bien significative, il consacrait un long pas
sage à la suppression des contre-révolutionnaires. Jamais dans l'histoire,
disait-il tout d'abord, l'ordre intérieur n'a été assuré aussi fortement à
travers la Chine entière. Pas de mouvement contre le gouvernement ; pas
de résistance organisée ; presque plus d'activité de la guérilla, à peu près
complètement balayée, même dans le Sud : ce tableau était peut-être un
peu trop optimiste, mais il correspondait en gros à la réalité.
Un peu plus loin dans le même discours, Chou En Lai expliquait cepen
dant que le mouvement de suppression des contre-révolutionnaires était
d'une grande importance; qu'il n'avait pas eu partout la vigueur ni l'am
pleur nécessaires ; que le gouvernement de Pékin était résolu, dans les
mois à venir, à le continuer dans le temps, à l'étendre dans l'espace et à
durcir sa sévérité.
C'était bien reconnaître le caractère exact du mouvement : suppression,
et non pas répression. Suppression organisée, systématique, des classes
sociales considérées par le régime comme périmées et comme dangereuses,
parce que liées avec le régime ancien, et inassimilables dans le nouveau.
Admettons qu'une partie des gens « supprimés » ont été nuisibles à la Chine,
ou qu'ils ont jadis profité de sa misère. Mais toutes les fautes d'une classe
qui a laissé sombrer dans la corruption et la gabegie la révolution, autrefois
pure elle aussi, du Kuomintang ne sauraient atténuer le sentiment d'effroi
qui saisit l'observateur quand il entend, donné par les communistes eux-
mêmes, par leur presse et leur radio, le récit des « exécutions de masse »
sévissant à travers la Chine pendant toute l'année 1951.
Même haut-le-corps, pour l'Occidental de Hong-Kong, quand il observe
le glissement de la Chine sur une autre pente : comme en Russie, les camps
de prisonniers politiques se multiplient à travers tout le pays. C'est encore
le résultat d'une politique systématique qui se pare, elle, du masque de la EXTRÊME-ORIENT 145
clémence : des milliers de « contre-révolutionnaires » n'échappent à l'exécu
tion que pour se voir envoyés sur les chantiers nouveaux de « réforme par
le travail », dont les autorités vantent avec naïveté non seulement les bienf
aits du point de vue politique, mais les bénéfices économiques : le coolie
politique ne coûte pas cher.
Autre phénomène nouveau observé à Hong-Kong : la militarisation
croissante de la Chine, dont l'armée est en train de passer du stade de l'a
rmée de guérilla à celui de moderne. Si l'ordre intérieur règne et si
la Chine est pacifique, pourquoi encore cette politique ? L'armée laisse
paraître par son grossissement et sa modernisation qu'elle n'est plus seul
ement destinée à être un pilier intérieur du régime, mais aussi à soutenir
une politique extérieure qui se durcit et qui étend ses ambitions, au risque
de créer pour l'Asie et le monde un danger analogue à celui du Japon
d'autrefois.
Il est clair, en attendant, pour l'observateur placé à Hong-Kong, que la
guerre de Corée a été subie par cette armée, et par le régime lui-même, sans
fléchissement. C'est la déroute des prédictions disant naguère que la Chine
allait s'y détruire. La guerre de Corée a servi le régime plus qu'elle ne lui
a nui. Elle a justifié la main de fer désormais employée à l'intérieur. Elle
a eu aussi un retentissement psychologique énorme. Pour la première fois,
les Chinois se sont prouvés à eux-mêmes qu'ils étaient de taille à tenir tête
à une grande puissance européenne. Le nationalisme chinois apporte ici
au nouveau régime un puissant renfort. Le pays semi-colonial de naguère
se sent devenu le modèle de l'Asie ; les vieux complexes d'infériorité se
dissipent, remplacés par un élan et un orgueil qui sont un des plus puissants
et des plus dangereux moteurs de la politique chinoise d'aujourd'hui.
Tout ceci sert la Russie soviétique et la cause de la révolution internat
ionale. Il reste néanmoins que de grandes inconnues subsistent dans la
politique de la Chine à l'égard de l'U. R. S. S. La vérité sur ce sujet est que
le monde sait très peu de choses des rapports réels entre Pékin et Moscou.
Aucune information ne permet d'étayer la thèse selon laquelle il y aurait
des difficultés entre les deux capitales. Tout indique au contraire que, pour
longtemps, leurs politiques seront parallèles. Mais qui pourrait prédire à
longue échéance l'évolution de leurs rapports ? Le nationalisme chinois ne
viendra-t-il pas résister à l'emprise russe et à découvrir

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