Tunisie : le maillon faible ? - article ; n°4 ; vol.52, pg 935-950
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Politique étrangère - Année 1987 - Volume 52 - Numéro 4 - Pages 935-950
Tunisia : The Weak Link ?, by Bernard Ravenel
The new Tunisian leader, Ben Ali, apparently pro-Western and close to the Americans, faces some difficult tasks. There is an economie crisis of major dimensions, a development model whose options are exhausted, a break in the social consensus, an erosion of « bourguibism's » legitimacy, a growth of Islamic fundamentalism, a disillusion with politics which has left the army as the « shield of the nation ». On the international level, though Tunisia is not a major power in North Africa, Bourguiba's exit may still trigger a domino effect in the region. Squeezed between Libya and Algeria, Tunisia has a strategie importance out of proportion to its economie strength, of which the USA is well aware.
Le nouveau « combattant » tunisien, Ben Ali, présenté comme prooccidental et proche des Américains, devra faire face à une situation particulièrement difficile : une crise économique sans précédent, avec un modèle de développement à bout de souffle ; une rupture du consensus social ; la désacralisation des valeurs du bourguibisme et la montée de l'islamisme ; un système politique sclérosé dans lequel l'armée apparaît comme « le bouclier de la nation ». Enfin, au niveau international, si la Tunisie est pas un Etat d'une importance majeure en Afrique du Nord, il n'est pas dit que le départ de Bourguiba n'enclenche un mécanisme de « dominos » dans cette région. Coincée entre la Libye et l'Algérie, la Tunisie possède une dimension stratégique sans commune mesure avec sa puissance économique qui ne peut laisser inactifs les Etats-Unis.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 212
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Ravenel
Tunisie : le maillon faible ?
In: Politique étrangère N°4 - 1987 - 52e année pp. 935-950.
Abstract
Tunisia : The Weak Link ?, by Bernard Ravenel
The new Tunisian leader, Ben Ali, apparently pro-Western and close to the Americans, faces some difficult tasks. There is an
economie crisis of major dimensions, a development model whose options are exhausted, a break in the social consensus, an
erosion of « bourguibism's » legitimacy, a growth of Islamic fundamentalism, a disillusion with politics which has left the army as
the « shield of the nation ». On the international level, though Tunisia is not a major power in North Africa, Bourguiba's exit may
still trigger a domino effect in the region. Squeezed between Libya and Algeria, Tunisia has a strategie importance out of
proportion to its economie strength, of which the USA is well aware.
Résumé
Le nouveau « combattant » tunisien, Ben Ali, présenté comme prooccidental et proche des Américains, devra faire face à une
situation particulièrement difficile : une crise économique sans précédent, avec un modèle de développement à bout de
souffle ; une rupture du consensus social ; la désacralisation des valeurs du bourguibisme et la montée de l'islamisme ; un
système politique sclérosé dans lequel l'armée apparaît comme « le bouclier de la nation ». Enfin, au niveau international, si la
Tunisie est pas un Etat d'une importance majeure en Afrique du Nord, il n'est pas dit que le départ de Bourguiba n'enclenche un
mécanisme de « dominos » dans cette région. Coincée entre la Libye et l'Algérie, la Tunisie possède une dimension stratégique
sans commune mesure avec sa puissance économique qui ne peut laisser inactifs les Etats-Unis.
Citer ce document / Cite this document :
Ravenel Bernard. Tunisie : le maillon faible ?. In: Politique étrangère N°4 - 1987 - 52e année pp. 935-950.
doi : 10.3406/polit.1987.3724
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1987_num_52_4_3724POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 935
Bernard RAVENEL * Tunisie : le maillon faible ?
En moins de deux mois, entre septembre et novembre 1987,
deux événements majeurs en Tunisie ont attiré l'attention de
l'opinion internationale : d'abord un spectaculaire procès de
militants islamistes, ensuite la destitution « en douceur » pour « rai
sons de santé » du président Habib Bourguiba, le « Combattant
Suprême », père de l'indépendance de son pays.
Le verdict du procès caractérisé par le refus de condamner à mort
Rached Ghannouchi, l'« émir » du Mouvement de la tendance islami
que (MTI), avait été suivi quelques jours plus tard, le 2 octobre, de
la désignation par le président Bourguiba de son nouveau dauphin
constitutionnel en la personne du général Zine El Abidine Ben Ali,
succédant à l'économiste Rachid Sfar au poste de premier ministre.
A la priorité au rétablissement des équilibres financiers succédait la
priorité accordée au maintien de l'ordre public.
Le 7 novembre, dans un discours prononcé à la radio à 6 h 30 du
matin, Ben Ali déclarait que le Président à vie avait été démis de ses
fonctions pour « incapacité » sur la base d'un rapport médical. La
Constitution tunisienne prévoit en effet qu'en cas de mort ou d'inca
pacité du président de la République, il revient automatiquement au
premier ministre d'assumer les fonctions de la plus haute charge de
l'Etat. Ben Ali a donc officiellement agi dans la légalité et a affirmé
sa volonté de modifier la Constitution parce que « le pays ne peut
supporter une présidence à vie, ni une succession automatique à la tête
de l'Etat, excluant tout rôle du peuple ». Ben Ali a promis multipar
tisme et liberté de la presse.
Quel que soit le cours que le nouveau « combattant » tunisien —
présenté comme un homme pro-occidental et ami des Américains —
voudra ou pourra imprimer à la Tunisie, on peut déjà affirmer que
ce n'est pas tant l'ex-chef des services secrets qui a porté le coup de
grâce au Combattant Suprême que la tempête islamiste qui, sur
l'onde du khomeinysme iranien, souffle un peu partout dans le
monde arabo-islamique, corrodant aussi bien la très laïque Algérie
* Professeur en classe préparatoire à l'Institut d'études politiques de Paris. 936 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
que le Maroc d'Hassan II, le défenseur des croyants, sans oublier le
fragile géant égyptien... D'une certaine manière, cette sortie de scène
inattendue quoique prévisible du vieux Bourguiba constitue une
extraordinaire vengeance de l'Histoire pour l'homme qui, il y a vingt-
cinq ans, en plein Ramadan, au milieu de la journée, buvait ostensi
blement, devant la télévision, un verre d'orangeade...
Certes la Tunisie n'est pas un pays d'une importance politique
majeure dans la région nord-africaine. Elle apparaît comme un petit
pays coincé entre la Libye de l'instable Kadhafi et la puissante
Algérie, au bord d'une Méditerranée peu rassurante. Mais c'est la
zone en elle-même qui lui confère importance et poids. D'autant plus
que le renouveau islamique et la contestation de la forme occidentale
de l'Etat qui l'accompagne en Tunisie — pays qui jouissait d'une
image de relative démocratie (en particulier entre 1981 et 1983) et de
relative laïcité par rapport aux autres pays arabes — constituent un
défi social et culturel que l'Occident, après la révolution iranienne,
semble percevoir comme une menace nouvelle et diffuse. Le débat
sur la stratégie à mettre en œuvre pour y faire face (moyens
politiques et /ou militaires) est désormais ouvert de chaque côté de la
Méditerranée, surtout depuis l'expédition navale anti-iranienne des
pays membres de l'OTAN dans le Golfe. Il n'est pas dit que ce qui
vient d'arriver au personnage historique qu'était le leader tunisien
n'enclanche un mécanisme de « dominos » dans cette région traver
sée par les problèmes les plus épineux et les plus explosifs de la
planète. D'où l'intérêt de scruter la Tunisie à un moment crucial de
son devenir historique.
Une crise économique sans précédent,
un modèle de développement à bout de souffle
La vie quotidienne, comme l'action et les déclarations gouvernementa
les, révèlent le caractère déterminant de la crise économique dans
la Tunisie d'aujourd'hui.
Pour l'année 1986, l'économie tunisienne a vu en effet la plupart des
« clignotants » allumés :
— une croissance du PNB nulle et même négative (- 1 %) ;
— la réduction de la croissance du PIB, dont le taux réel par
habitant est tombé à 0,5 % par an entre 1982 et 1986, contre une
moyenne de 6,3 % entre 1971 et 1975, et de 3,6 % entre 1976 et
1981 ;
— un recul des investissements aux prix courants, de 0,6 % par an,
en moyenne, depuis 1982, contre une croissance moyenne de 7 %
entre 1976 et 1981 et de 11,8 % entre 1971 et 1975. : LE MAILLON FAIBLE ? I 937 TUNISIE
L'évolution de l'état des paiements extérieurs mesure bien l'acuité de
la crise :
— la dette extérieure se chiffre à près de 4,2 milliards de dinars au
31 décembre 1986, soit 60 % du PNB (elle en représentait 38 % en
1981 et 32 % en 1976) ;
— le ratio du service de la dette, rapporté aux emprunts extérieurs,
est passé de 37,6 % entre 1973 et 1975 à 64,5 % entre 1977 et 1981,
pour atteindre 88,5 % entre 1982 et 1985.
Autrement dit, neuf dixièmes des sommes empruntées servent à pré
sent à rembourser la dette.
Pour compléter ce tableau, il convient d'ajouter l'assèchement des
réserves en devises ; représentant 140 jours d'importation de biens et
services en 1973, et une quarantaine de jours au début des années
80, ces réserves fluctuent alors au jour le jour, autour d'un volume
dérisoire. Au cours de l'année 1986, en juillet, elles ont même à
certains moments été négatives, obligeant l'Etat à recourir à des
emprunts à très court terme (parfois la semaine) sur le marché
financier international pour régler des importations. Comme l'écrit
Jeune Afrique économie, « la côte d'alerte est atteinte » [1].

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