Des exégètes du XVIe siècle face à la conversion et à l'apostasie - article ; n°4 ; vol.210, pg 413-430

Thierry Wanegffelen

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1993 - Volume 210 - Numéro 4 - Pages 413-430
Sixteenth-century exegetes on conversion and apostasy
Were Catholic and Protestant exegetical works becoming increasingly « confessional » during the sixteenth century ? A study of the evangelical loci of conversion and apostasy — i.e. Peters denial, Jesus' words on denial, the parables of the Lost Sheep, the last drachma, the Prodigal Son (Mt 26, 69-75 ; Mt 10, 33 ; Lk 15), does not enable to say that this was so. Even so, in the seventeenth century, notably the episode of Peters denial, gave rise to a virulent re-reading at the time of the Jansenist crisis. As a result the role assigned to the question of grace in the breakup of Christian unity in the sixteenth century must be reassessed.
Constate-t-on au cours du XVIe siècle une « confessionalisation » des discours exégétiques catholiques et protestants ? Les cas du reniement de Pierre, de la parole de Jésus sur qui le reniera, de la parabole de la brebis et de la drachme perdues et de celle dite du fils Prodigue (Mt 26, 69-75 par. ; Mt 10, 33 par., Lc 15 par.), c'est-à-dire l'étude des lieux évangéliques de conversion et d'apostasie, ne permettent pas de répondre par l'affirmative. Pourtant, au XVIIe siècle, l'épisode du reniement de Pierre notamment donne lieu à une relecture virulente, dans le contexte de la crise janséniste. Ne devrait-on alors revenir sur le rôle de premier plan qu'aurait joué au XVIe siècle la question de la grâce dans la rupture de l'unité chrétienne ?
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: REVUE_DE_L-HISTOIRE_DES_RELIGIONS0
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 41
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Thierry Wanegffelen
Des exégètes du XVIe siècle face à la conversion et à
l'apostasie
In: Revue de l'histoire des religions, tome 210 n°4, 1993. pp. 413-430.
Abstract
Sixteenth-century exegetes on conversion and apostasy
Were Catholic and Protestant exegetical works becoming increasingly « confessional » during the sixteenth century ? A study of
the evangelical "loci" of conversion and apostasy — i.e. Peters denial, Jesus' words on denial, the parables of the Lost Sheep,
the last drachma, the Prodigal Son (Mt 26, 69-75 ; Mt 10, 33 ; Lk 15), does not enable to say that this was so. Even so, in the
seventeenth century, notably the episode of Peters denial, gave rise to a virulent re-reading at the time of the Jansenist crisis. As
a result the role assigned to the question of grace in the breakup of Christian unity in the sixteenth century must be reassessed.
Résumé
Constate-t-on au cours du XVIe siècle une « confessionalisation » des discours exégétiques catholiques et protestants ? Les cas
du reniement de Pierre, de la parole de Jésus sur qui le reniera, de la parabole de la brebis et de la drachme perdues et de celle
dite du fils Prodigue (Mt 26, 69-75 par. ; Mt 10, 33 par., Lc 15 par.), c'est-à-dire l'étude des lieux évangéliques de conversion et
d'apostasie, ne permettent pas de répondre par l'affirmative. Pourtant, au XVIIe siècle, l'épisode du reniement de Pierre
notamment donne lieu à une relecture virulente, dans le contexte de la crise janséniste. Ne devrait-on alors revenir sur le rôle de
premier plan qu'aurait joué au XVIe siècle la question de la grâce dans la rupture de l'unité chrétienne ?
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Wanegffelen Thierry. Des exégètes du XVIe siècle face à la conversion et à l'apostasie. In: Revue de l'histoire des religions,
tome 210 n°4, 1993. pp. 413-430.
doi : 10.3406/rhr.1993.1456
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1993_num_210_4_1456THIERRY WANEGFFELEN
Université Panthéon- Sorbonně (Paris I)
DES EXÉGÈTES DU XVIe SIÈCLE
FACE A LA CONVERSION ET A L'APOSTASIE
Constate-l-on au cours du XVIe siècle une « confessionali-
sation » des discours exégétiques catholiques et protestants ? Les
cas du reniement de Pierre, de la parole de Jésus sur qui le
reniera, de la parabole de la brebis et de la drachme perdues et de
celle dite du fils Prodigue (Ml 26, 69-75 par. ; Ml 10, 33 par.,
Le 15 par.), c'est-à-dire V étude des lieux évangéliques de conver
sion et d'apostasie, ne permettent pas de répondre par l'affi
rmative. Pourtant, au XVIIe siècle, Vépisode du reniement de
Pierre notamment donne lieu à une relecture virulente, dans le
contexte de la crise janséniste. Ne devrait-on alors revenir sur
le rôle de premier plan qu'aurait joué au XVIe siècle la question
de la grâce dans la rupture de l'unité chrétienne ?
Sixteenth-century exegetes on conversion and apostasy
Were (Catholic and Protestant exegelical works becoming
increasingly « confessional » during the sixteenth century ? A
study of the evangelical loci of conversion and apostasy — i.e.
Jesus' words on denial, the parables of the Lost Peters denial,
Sheep, the last drachma, the Prodigal Son (Mi 26, 69-75 ;
Ml 10, 33 ; Lk 15), does not enable to say that this was so.
Even so, in the seventeenth century, notably the episode of
Peters denial, gave rise to a virulent re-reading at the time of
the Jansenisl crisis. As a result the role assigned to the question
<>f grace in the breakup of Christian unity in the sixteenth
century must be reassessed.
Revue de l'Histoire des Religions, ссх-1/НЮЗ, p. 413 à 430 Au Père Pierre-Marie Gij.
La réformation protestante du xvie siècle s'est distingué*;
de la catholique notamment en proposant des
« relectures »x originales des grands textes scripturaires. Le
fait est admis et il suffît, pour s'en convaincre, de songer au
rôle assigné unanimement par l'historiographie au Comment
aire sur Y E pitre aux Romains de Martin Luther dans l'it
inéraire religieux de ce dernier. L' « explosion libératrice »
— l'expression est de Pierre ('haunu2 — résulte d'une véri
table expérience de « relecture ».
De tels phénomènes de « relectures » ont été bien étudiés
et il n'en sera pas question ici. Le dossier proposé porte sur
de tout autres passages scripturaires, moins fondamentaux,
bien sûr, mais c'est en cela qu'ils peuvent intéresser. L'idée
est en effet de savoir si l'apparition et la constitution de
confessions chrétiennes rivales à partir de 1Г>20 et tout au
long du xvie siècle ont ou non déterminé un changement dans
le discours exégétique global catholique et protestant. Autre
ment dit, y a-t-il eu production de discours confessionnels
distincts ou, pour le moins, « confessionalisation » du discours,
c'est-à-dire prise en compte par les exégètes de tous bords
de la nouvelle situation eeclésiologique ?
L'étude a un enjeu historiographique que vient de révéler
l'emploi de ce terme de « confessionalisation ». Une bonne
1. Le phénomène des « relectures » successives et incessantes, eu fait, des
textes bibliques a été mis en lumière par les exéjrètes contemporains, notam
ment Pierre Gibert, dont on peut consulter La Bible à la naissance de l'Histoire,
Paris, 1979. Un exemple de relecture, dans la Bible est fourni par l'un des épisodes
les plus fameux du Livre de V Exude : l'histoire du Veau d'Or ; il est exposé dans
Thierry WanejríTelen, L'historien et la Création, Eludes, t. .'!7Г>, n° 5, 1991, p. 46Г>-
47.3, en particulier p. 468-469. On voit ce que c'est que « relire » pour les exécutes
actuels : c'est prendre le môme texte, pour lui faire dire quelque chose de nou
veau, en rapport avec la situation présente.
2. Pierre Chaunu, Le temps des réformes, Histoire religieuse et système de
civilisation. La crise de la chrétienté. L'éclatement (1250-1ÓÓ0), Paris, 1975, p. .'588. exégètes du XVIe siècle 415 Des
part du travail actuel des historiens du fait religieux en
France aux xvie et xvne siècles paraît être en effet l'adap
tation au cas français de deux concepts (souvent confondus
à tort), forgés par les historiens allemands et propres à la
situation eeclésiologique et religieuse de l'espace germanique
à l'époque moderne3. Il s'agit de la Konfessionsbildung (qu'il
faudrait peut-être rendre par « construction confessionnelle »
et non par « confessionalisation » comme on le fait volontiers)
et de la Konfessionalisierung (impossible à traduire sinon par
« confessionalisation ») ; elles ne sont pas interchangeables.
La « construction confessionnelle » prétend rendre compte
d'une situation dans laquelle on voit se fonder et se mettre
en place des « Eglises » (ou « confessions ») chrétiennes rivales,
au sein desquelles se développent deux manières de vivre le
christianisme si distinctes l'une de l'autre qu'on serait presque
tenté de les définir со птн; des « religions » différentes4 ; le
concept entend même aller plus loin et faire de ces « Eglises »
le lieu de « civilisations » différentes. On aura reconnu un
thème propre à satisfaire l'historienne Janine Garrisson, atta
chée à l'idée d'une « civilisation protestante » spécifique en
France aux Huguenots des xvie et xvne siècles5.
Le concept de « confessionalisation » proprement dit
pointe un autre aspect des choses : cette seconde voie a été
frayée par les travaux indépendants l'un de l'autre, dans les
années 1970 et 1980, de Wolfa nj? Reinhard et de Heinz
.'5. Mise en place de la question dans Thierry Wunefrlïelen, « (Construction
confessionnelle » et « fnnfessionnalisation ». Les chrétiens face aux Eglises, dans
Histoire, religieuse. Eludes rassemblées el présentées par Jérôme Grondenx el
Thierry Wanegffelen, Historiens el géographes, 341, 1993, p. 121-132.
4. («e concept de Konfessionsbildung a notamment été élaboré dans les
années 1960 par Ernst Л\'аНег Zeeden : à partir des années 1560 on assiste à la
mise en place des trois ensembles confessionnels rivaux, luthérien, calviniste,
catholique ; tout les oppose, m