Éléments d introduction à une éthique professionnelle - article ; n°1 ; vol.31, pg 5-21
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1991 - Volume 31 - Numéro 1 - Pages 5-21
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Olivier Abel
Éléments d'introduction à une éthique professionnelle
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°31, 1991. pp. 5-21.
Citer ce document / Cite this document :
Abel Olivier. Éléments d'introduction à une éthique professionnelle. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°31,
1991. pp. 5-21.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1991_num_31_1_1466ELEMENTS
D'INTRODUCTION
À UNE ÉTHIQUE
PROFESSIONNELLE
Olivier Abel
Éthique et pratique
Pour tisser un réseau de questions suffisamment serré, nous com
mencerons par trois remarques pour établir quelques distinctions au
tour du concept d'« éthique ». La première de ces est que
les questions dites éthiques qui se posent avant et après l'expérience
pratique ne sont pas les mêmes. Cette distinction ne disqualifie pas les
questions éthiques « naïves » : l'éthique spécialisée des praticiens doit
prendre en compte les motifs (même naïfs et souvent identitaires)
d'une morale spontanée. Mais en retour, une éthique a priori ne doit
pas tracer trop vite des catégories morales qui répondraient avant
même d'avoir entendu et éprouvé les questions (et d'avoir entendu
ceux qui véritablement «éprouvent» la question).
Entre éthique et morale, ensuite, on pourrait broder à l'infini les dif
férences et les préférences. De manière toute positive (et arbitraire), je
propose de les utiliser à la de Ricœur dans son dernier ou
vrage '. Pour mieux les distinguer et les articuler, il leur adjoint un
troisième terme, celui de sagesse.
La visée éthique prend pour point de départ le sujet désirant : c'est
en ce sens un fait universel que toute activité tend vers un bien2, mais
ce bien est relatif à chacun et à chaque « fois », et c'est pourquoi cette
visée s'inscrit pour dans une « forme de vie» spécifique.
Olivier Abel est professeur de philosophie et d'éthique à la Faculté de théologie pro
testante de Paris. La norme morale prend au contraire pour point de départ la règle, la
loi morale. Celle-ci a moins pour objet la visée du bien que l'interdic
tion du mal : elle forme un langage, et en ce sens les morales sont tou
jours plus « régionales » (liées à tel ou tel milieu), mais plus contrai
gnantes, m'obligeant à tenir compte des autres.
La sagesse pratique, dans cette perspective, apparaît dans les situa
tions-limites, tragiques, où le conflit est insoluble entre des visées
éthiques et (plus grave) entre des règles morales différentes, et aussi
légitimes les unes que les autres. Cette sagesse pratique doit alors se
frayer un chemin entre le souci des structures communes et celui du
contexte singulier, le respect de la Loi (qui ne comprend et ne
pardonne rien) et l'amour du prochain (qui est mauvais organisateur de
la réciprocité)3.
Cette polarité naissante, et qu'il ne faut pas télescoper sur un plan
unique car c'est le croisement de ces positions qui tisse la densité du
débat éthique, peut être retrouvée sur les formes de la demande
contemporaine d'éthique4. D'une part en effet nous rencontrons une
demande de cohérence5, de non-contradiction, entre les différentes va
leurs qui déchirent notre vie6. Il nous faut retrouver une Loi fonda
mentale. Cette demande de consensus, de solidité (éventuellement de
solidarité), se justifie dans un monde où l'on a perdu le sol ; on a le
sentiment que si l'on perd cette surface invariante, c'est-à-dire simple
ment saisonnière, qui est celle des travaux et des jours depuis l'aube
de l'humanité, les variations ne sont plus que des dérives folles.
D'autre part, dans un monde où la division du travail et la spéciali
sation technique s'augmentent des conséquences lointaines (plané
taires et pour les générations à venir) de nos décisions instrumentali-
sées, il faut une éthique qui ne s'embarrasse pas de morale générale et
de bons sentiments, mais qui réponde à la hauteur des problèmes tech
niques, de la gravité des problèmes posés et des conséquences de nos
choix et de nos conduites actuelles. D'où l'éclatement de l'éthique en
éthiques spécialisées et une pluralisation de l'éthique selon les sphères
d'activité, chacune ayant à développer une déontologie propre7.
A partir de cette polarité on peut distribuer les questions sur deux
plans principaux. Le premier considère l'agent et le patient (« qui » uti
lise, produit, agit, subit, décide, obéit, communique...), bref les modal
ités relationnelles et subjectives des métiers. C'est d'ailleurs la partie
où l'on s'attardera le plus à la pluralité concrète des biens visés par les
agents, et donc aussi à la pluralité des règles. Le deuxième plan procé
dera d'une réflexion plus « civique », sur la manière d'organiser le
débat éthique, la responsabilité commune, et de penser le « bien com- mun ». Nous voudrions ne pas conclure sans porter le débat à l'échelle
planétaire : Quels contrepoids éthiques pour maîtriser la croissance
technique ? Ce programme peut paraître gigantesque, mais il s'agit
seulement d'un d'interrogations ; manière de replacer telle
ou telle question dans le paysage plus vaste où elle se pose.
LA PLURALITE DES BIENS.
On pourrait introduire à la diversité des règles par le biais historique
de la diversité des morales, formes d'identification culturelle où s'en
racine le conflit des légitimations. Mais cette pluralité-là est souvent
intériorisée sous une éthique plus pragmatique et plus consensuelle, et
elle ne permet pas de mettre à nu une pluralité plus immédiate, qui af
fecte la visée éthique dans son consensus et son universalité même: le
bien visé par l'action des hommes est pluriel.
1. La variété dans la distribution sociale des biens.
Nous prendrons pour fil conducteur le débat sur l'unité ou la plural
ité des règles de justice entre J. Rawls et M. Walzer. On le sait, dans
sa Théorie de la justice, le premier cherche une règle de la justice
comme équité, qui puisse être admise par tous. Son argumentation est
basée sur la théorie des jeux. Une règle est juste, dit-il, si ceux qui y
sont soumis auraient pu y souscrire, chacun, en calculant leur intérêt
derrière un voile fictif d'ignorance quant à leurs positions sociales, et
s'ils parviennent tous aux mêmes conclusions. La règle préférée sera
alors celle qui n'admet des inégalités que dans la mesure où celles-ci
sont quand même plus avantageuses pour les plus défavorisés qu'une grande'
règle de plus égalité. L'argumentation de Rawls repose donc
sur un consensus, un « contrat », et suppose une universalisation poss
ible.
- Mais favorisés ou défavorisés sur quelle échelle, dans quels types
d'avantages ? Ce qu'objecte M. Walzer, dans Spheres of justice, c'est
qu'il y a une irréductible pluralité des types d'avantages et de biens
(emploi, héritage, milieu, famille, éducation, pénibilité du travail,
cadre de vie, santé, dignité civique, ou religieuse, sécurité sociale,
etc.). L'équité concrète, toujours trahie au niveau d'une conception
universaliste des personnes, doit être cherchée dans une
pluraliste des biens. Ceux-ci ne peuvent pas tous être comptabilisés
sur une seule échelle, dans une seule « monnaie ». L'estimation des contributions au bien commun et des parts reçues
de celui-ci est variable selon les époques, le milieux et les caractères,
et d'ailleurs « les hommes et les femmes doivent leur identité concrète
à la manière dont ils reçoivent et créent, donc possèdent et emploient,
les biens sociaux ». L'intérêt de cette analyse n'est pas tant le relat
ivisme introduit dans les règles de justice8, que l'attention portée au fait
que chaque agent établit sans le savoir sa propre hiérarchie de l'agir
(que fait-il d'abord de son temps, quelles sont ses visées préférent
ielles, etc.).Surtout elle permet de redifférencier l

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