« Fides » et le secret - article ; n°2 ; vol.185, pg 141-155
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1974 - Volume 185 - Numéro 2 - Pages 141-155
La notion de Fides ne saurait se définir comme le simple respect du serment. Les rites du culte public de Fides, à Rome, tendent même à séparer, voire à opposer Fides et le serment. Fides est inséparable du secret, de l'informulé, comme le montre le rite de la main voilée. Cette main, qui symbolise l'échange de Fides, est aussi celle qui, ayant vaincu, renonce à poursuivre l'œuvre de mort et accueille le suppliant. En rendant un culte à Fides, la Rome de Numa proclame que, dorénavant, ses rapports avec les autres peuples ne seront plus régis par la force mais par un échange de services, éléments d'un droit des peuples, extérieur à la cité et valable pour tous les hommes, quels qu'ils soient.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 8
Langue Français

Extrait

Pierre Grimal
« Fides » et le secret
In: Revue de l'histoire des religions, tome 185 n°2, 1974. pp. 141-155.
Résumé
La notion de "Fides" ne saurait se définir comme le simple respect du serment. Les rites du culte public de "Fides", à Rome,
tendent même à séparer, voire à opposer "Fides" et le serment. "Fides" est inséparable du secret, de l'informulé, comme le
montre le rite de la main voilée. Cette main, qui symbolise l'échange de "Fides", est aussi celle qui, ayant vaincu, renonce à
poursuivre l'œuvre de mort et accueille le suppliant. En rendant un culte à la Rome de Numa proclame que, dorénavant,
ses rapports avec les autres peuples ne seront plus régis par la force mais par un échange de services, éléments d'un droit des
peuples, extérieur à la cité et valable pour tous les hommes, quels qu'ils soient.
Citer ce document / Cite this document :
Grimal Pierre. « Fides » et le secret. In: Revue de l'histoire des religions, tome 185 n°2, 1974. pp. 141-155.
doi : 10.3406/rhr.1974.10135
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1974_num_185_2_10135« Fides » et le secret
La notion de Fides ne saurait se définir comme le simple
respect du serment. Les rites du culte public de Fides, à Rome,
tendent même à séparer, voire à opposer Fides et le serment.
Fides est inséparable du secret, de l'informulé, comme le montre
le rite de la main voilée. Cette main, qui symbolise l'échange
de Fides, est aussi celle qui, ayant vaincu, renonce à poursuivre
l'œuvre de mort et accueille le suppliant. En rendant un culte
à Fides, la Rome de Numa proclame que, dorénavant, ses rap
ports avec les autres peuples ne seront plus régis par la force
mais par un échange de services, éléments d'un droit des peuples,
extérieur à la cité et valable pour tous les hommes, quels qu'ils
soient.
Dans les trois mémoires qu'il a consacrés à Fides, et qui
viennent d'être publiés à nouveau dans ses Eludes sur la Reli
gion romaine1, P. Boyancé a justement attiré l'attention sur
cette notion de Fides, que les Romains ont divinisée, et qui
domine toute leur vie, sociale, politique et diplomatique
— notion si parfaitement romaine que les Etoliens, lorsqu'ils
la rencontrèrent dans leurs rapports avec Rome, ne la
comprirent pas, ainsi que nous l'apprend Polybe2, tant elle
était différente de la tugtiç grecque, mot dont on se servait,
faute d'un meilleur, pour traduire en grec le terme de Fides,
depuis le début du 111e siècle av. J.-CA Mais, même après ces
trois études, il nous a semblé qu'il y avait encore matière à
glaner. Et cela en partant d'un trait propre au rite de la
Fides divinisée, aussi bien dans le culte qu'on lui rend à Rome
1) Fides romana et la vie internationale ; La main de Fides ; Les Romains,
peuples de la Fides, réunis dans Etudes sur la religion romaine, Rome, 1972.
2) Polybe, XX, 9, 10 et s. (événements de 190 av. J.-C).
3) II s'a<iit de la célèbre série monétaire de Locres. Voir P. Lévèque, Pyrrhos,
Paris, 1957, p. 547-548 ; Bettie Forte, Rome and the Romans as the Greeks saw
them, Rome, 1972, p. 9-10. 142 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
que dans celui que nous font connaître les Tables de Gubbio.
Nous savons en effet que, lorsqu'on offrait un sacrifice à
Fides, la main droite de l'officiant devait être voilée d'une
pièce d'étoffe blanche. Pour Rome, ce détail est bien attesté
par Servius, en deux passages1, une première fois pour com
menter l'épithète de сапа, mise par Virgile au nom de la
déesse, et Servius rappelle un vers d'Horace (dans l'ode à la
Fortune d'Antium), qui est lui-même fort explicite :
et albo rara Fides colit uelala panno2.
Tout le monde rapproche encore de ces témoignages la
description du rite de la Fides publica par Tite-Live : « (Numa)
institua aussi une fête solennelle de Fides ; il ordonna que les
flammes seraient portés à ce sanctuaire sur un char bâché
(curru arcualo) et qu'ils offriraient le sacrifice la main enve
loppée jusqu'aux doigts, indiquant ainsi que la Fides doit
être gardée (lulandam) et que son siège est consacré dans la
main droite également »3.
Pour la cité ombrienne, il nous suffira de renvoyer ici à
l'ouvrage classique de G. Devoto, Tabulae Iguvinae*. Le
sacrifice à Fides consistera en trois cochons de lait, avec une
offrande de grain. Le sacrifiant aura sur la main droite une
étoffe à deux pans5.
Ce rite de la main voilée paraît bien être spécial au culte
de Fides. Les tentatives pour le retrouver ailleurs ne sont
guère convaincantes6. Nulle part nous n'avons trouvé ce qui
est caractéristique : la main voilée est celle-là même qui offre
le sacrifice, et elle demeure dissimulée pendant la célébration,
1) Ad En., I, 292 et VIII, 636.
2) Odes, I, 35, 21.
3) Liv. I, 21, 4 : et sali (?) Fidei sollemne insliluil ; ad id sncrarium f lamines
bigis curru arcuato uehi iussii manuque ad digitos usque inuoluta rem diuinam
facere, significanles fidem tulandam sedemque eius etiam in dexleris sacralam esse.
Le sens de tulandam est certainement, et consciemment, ambigu. La fides doit
être « protégée » et en même temps « observée » (« gardée ») ou« garantie ».
Voir ci-dessous, p. suiv.
4) Seconde impression, Rome 1954, p. 218 (tab. VI ft 3/4).
5) Voir P. Boyancé, La main de Fides, in Etudes, op. cit., p. 122.
6) P. Boyancé, ibid., qui évoque un geste des Vestales dont la main droite
réunit sur leur poitrine les plis du voile (d'après Diet, Ant:, p. 754). « FIDES » ET LE SECRET 143
comme si elle devait rester cachée à la vue de la divinité dont
elle honore la puissance1.
Une confirmation nous semble résulter d'un passage de
Plaute, la plus romaine des comédies du Corpus plautinien.
Sosie, dans le récit qu'il fait des opérations où s'est illustré
son maître comme imperator, raconte comment les ambass
adeurs ennemis sont venus et ont supplié les vainqueurs :
« Les mains couvertes de bandelettes, ils nous prient de leur
pardonner leur faute, ils se livrent, eux, tout le divin et tout
l'humain, leur ville et leurs enfants, tous à la merci et au bon
vouloir du peuple thébain »2.
K. Latte3, qui rapproche ce passage du rite de la main
couverte, y voit la preuve que celui-ci est « d'origine
orientale », mais il n'en donne aucune preuve, sinon que le
théâtre de Plaute est d'inspiration grecque. En réalité, nul
n'hésitera à reconnaître ici un détail italique, un rite de
dediiio au vainqueur, comme l'indique clairement la formule
même de cette dediiio « in dicionem atque in arbitratum
Thebano populo »4. Invoquant la fides du vainqueur, les
ambassadeurs se présentent les mains voilées, comme il
convient lorsque l'on fait appel à cette force divine.
Le même K. Latte5 s'ingénie à enlever à ce rite de Fides
tout caractère spécifique, au prix de simplifications évidem
ment abusives. Il généralise la signification des voiles, en
assurant que c'est là simplement un exemple de la « protection
du sacré » et, à propos du char amenant les flammes au lieu
du sacrifice, rappelle que les prêtres, en général, usaient de ce
moyen de locomotion. Mais ces rapprochements sont inopé-
1) La monnaie de Tuder (Buecheler, Umhrica, Bonn, 1883) est obscure ;
elle se rapporte probablement au culte italique de Fides, mais son interprétation
est incertaine.
2) Plaute, Amph. 256 : uelalis manibus oranl ignoscamus peccnlum siium : /
deduntque se, diuina humanaque omnia, urbem et liberns / in dicionem nique in
arbitratum cuncii Thebano poplo.
3) Rômische Religionsgeschichle, p. 237.
4) Liv., I, 38, 2 : deditisne uos pnpulumque Cullatinum, urbem, agros, aquam,
terminas, delubra, utensilia, diuina humanaque omnia in meam populique Iiomani
dicionem ?
5) Op. cit., p. 237. REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 144
rants, car ils ne rendent pas compte de ce qu'il y a de plus
spécifique dans le rituel de Fides : d'abord que c'est la main
du sacrifiant qui est dissimulée sous un voile de laine, et non
les objets du culte, comme dans la ciste de Liber Pater, par
exemple ; ensuite que le char qui transporte les flamines n'est
pas quelconque, mai

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