L Alméh de Vigny et l acheminement vers l esprit pur - article ; n°1 ; vol.45, pg 195-213
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1993 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 195-213
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert T. Dénommé
L'Alméh de Vigny et l'acheminement vers l'esprit pur
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1993, N°45. pp. 195-213.
Citer ce document / Cite this document :
Dénommé Robert T. L'Alméh de Vigny et l'acheminement vers l'esprit pur. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1993, N°45. pp. 195-213.
doi : 10.3406/caief.1993.1817
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1993_num_45_1_1817DE VIGNY ET L'ALMEH
L'ACHEMINEMENT VERS L'ESPRIT PUR
Communication de M. Robert T. DÉNOMMÉ
(Université de Virginie, U.S.A.)
au XLIVe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1992
Les quatre chapitres qui constituent le fragment inti
tulé L'Alméh, scènes du désert devaient, à l'origine,
s'insérer dans le roman en deux volumes, Les Français
en Egypte, que Vigny projetait pour sa suite de récits
historiques sur la noblesse (1). S'il se détourne de cette
ambition en 1831, lorsqu'il publie son roman inachevé
dans La Revue des Deux Mondes, c'est parce qu'il est
politiquement et spirituellement désarçonné par l'insta
bilité grandissante qui a abouti à la chute de la Restau
ration des Bourbons. Ses lectures et ses consultations
sur la Réforme et l'Inquisition, de 1826 à 1828, période
de gestation de L'Alméh (2), aggraveront l'inquiétude
(1) II enregistre ces remarques au sujet de son projet dans Le Journal d'un
poète, in Œuvres complètes d'Alfred de Vigny, éd. F. Baldensperger (Paris,
Gallimard, 1948), tome 2, p. 1065: «J'avais d'ailleurs le désir de faire une
suite de romans historiques qui seraient comme l'Epopée de la Noblesse
dont Cinq-Mars était le commencement. — J'en écrirai un dont l'époque est
celle de Louis XIV, un autre qui sera celle de la Révolution et l'Empire;
c'est-à-dire la fin de cette race morte socialement depuis 1789.»
(2) Pour une étude détaillée des lectures de Vigny entre 1826 et 1829, voir
le chapitre 5 de Georges Bonnefoy, La Pensée religieuse et morale d'Alfred
de Vigny. (Paris, Hachette, 1944). ROBERT DÉNOMMÉ 196
et le désarroi même qu'il ressent durant la composition
de ses quatre chapitres. Les pages qu'il écrit au sujet de
l'expédition, en 1797, de Napoléon en haute Egypte
réunissent dans le désert près de Thèbes un missionnaire
jésuite, des musulmans et un brahmane. Le texte qui en
résulte porte une dédicace à la première génération du
XIXe siècle (3), désabusée comme lui, par les événements
politiques et sociaux aussi bien que par l'ambition ef
frénée de certains individus qui se réclament de Napol
éon. Dans L'Alméh, ce que Pierre Flottes nomme «les
affres de l'émigration» (4), représente, en effet, de la
part de Vigny, les marques d'une recherche de l'esprit
pur en matière de politique et de religion. S'il y a émi
gration, c'est plutôt dans le sens d'une aventure spiri
tuelle qui doit amener Vigny à la conception d'un monde
meilleur. En travaillant sur les ébauches de ce roman,
Vigny se heurte à la question de la contamination iné
luctable du religieux par le politique. Le contexte his
torique apparaît inévitablement comme l'obstacle à la
quête de cet esprit pur.
En 1829, Vigny croit encore, en dépit de sa désaffec
tion à l'égard de la Restauration, à la possibilité du
progrès en matière politique. Il métaphorise ce qui,
pour lui, constitue la route par laquelle les grands
hommes nous guident vers ce but dans la Lettre à
Lord*** ', qui sert de préface à sa traduction d'Othello:
(3) Voir Le Journal, dans O. G, II, p. 889 : «J'ai fait ce livre pour vous et le
dédie à vous qui avez l'âge de ce siècle si jeune encore et déjà si grand [...].
Le temps a volé dans ce siècle. Une expérience de vieillesse est venue visiter
notre jeunesse étonnée, attristée, nous nous sommes sentis devenir mûrs
tout à coup aux rayons d'un astre imprévu: cet astre c'était la gloire. Le
rêve de la gloire des armes a duré treize ans pour moi. Je viens d'y mettre
fin avec effort [...]. Sentez-vous à quelle hauteur l'esprit public a porté vos
âmes?»
(4) Pierre Flottes, La Pensée politique et sociale d'Alfred de Vigny, Paris,
Belles Lettres, 1927, p. 96. L'ALMÉH DE VIGNY 1 97
Vous vous rappelez cette grande et vieille horloge que je
vous fis remarquer souvent? Eh bien! que ce souvenir me
serve à vous expliquer ma pensée ; elle est pour moi la fidèle
image de l'état des sociétés en tout temps. [...] Cette aiguille
[sur son grand cadran] ne vous représente-t-elle pas la foule
des peuples dont l'avancement s'accomplit sans secousse et
par un entraînement continuel, mais imperceptible (5) ?
Mais la chute des Bourbons et le contrecoup de la
Révolution de 1830 transforment cette foi quelque peu
circonspecte en détachement à l'égard des institutions
politiques. Il déclare, en 1832, que «l'ordre social est
toujours mauvais. De temps en temps il est seulement
supportable (6).» Son âpre désenchantement pour ce
qui concerne la politique de son temps se complique
par une hostilité croissante vis-à-vis du rôle que jouent
les institutions religieuses dans leur mission civilisatrice.
Vigny avait sans doute été frappé par la thèse soutenue
en 1824 par Benjamin Constant dans son traité De la
Religion, dans lequel celui-ci distinguait les religions
dominées par les prêtres de celles qui fonctionnaient
indépendamment de toute direction sociale: «Les rel
igions qui ont lutté avec le plus de succès contre la
puissance [celle des ministres], ont été les plus douces,
les plus humaines, les plus pures (7). » Sa propre réaction
dûment notée dans le Journal d'un poète en 1829 —
(5) La Lettre à Lord*** sur la soirée du 24 octobre 1829 et sur un système
dramatique, in O.C., I, 296-297.
(6) Journal, in II, p. 941.
(7) Bej amin Constant, De la Religion considérée dans sa source, ses formes
et ses développements, éd. Pierre Déguise, Lausanne, Bibliothèque romande,
1971. Voir pp. 170-171: «Après avoir vu comment se constituent les deux
formes que revêt la religion, celle que l'esprit humain se crée et celle que lui
ont plus fréquemment imposée les prêtres, on peut deviner le principe de
perfectionnement qui préside à l'une, et le principe stationnaire qui pèse sur
l'autre. Lorsque ces deux formes s'entrechoquent et se confondent par la
communication des peuples, si c'est l'intelligence de l'homme qui remporte
la victoire, ses idées sur la nature divine s'améliorent par une heureuse et
rapide progression. » ROBERT DÉNOMMÉ 198
« Les formes religieuses ne peuvent absorber ni une tête
puissante ni un cœur passionné » (8) — met en relief les
graves doutes qu'il entretient au sujet de la fonction de
toutes les formes de religion organisée dans la civilisation
moderne.
*
* *
Toute l'intrigue de L'Alméh est fondée sur l'informa
tion selon laquelle Napoléon et son armée doivent bien
tôt pénétrer en haute Egypte. La description que Vigny
nous fait du désert dans le premier chapitre évoque le
passé d'une ancienne civilisation, du point de vue mo
derne du narrateur. Dans cette vaste étendue tristement
uniforme qui ressemble à une « sorte de mer immobile »,
s'élèvent, à quelques lieues des grandes ruines de Thèbes,
deux colosses dont les figures « sont assises à côté l'une
de l'autre sur des trônes de granit noir, larges comme
deux collines (9).» Dès le premier paragraphe de son
récit, Vigny souligne la thématique de la stérilité et du
vide par de nombreuses et rapides allusions aux ruines,
aux débris et aux décombres parsemés un peu partout
dans ce désert silencieux. Malgré leurs têtes mutilées,
les antiques colosses semblent contempler les efforts
futiles des civilisations pour s'installer de façon durable
dans ce vaste territoire sur les bords du Nil. Le calme
qui domine la scène est rompu par le bruit d'un éléphant
que chevauche un

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