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Publié par | REVUE_DE_L-HISTOIRE_DES_RELIGIONS0 |
Publié le | 01 janvier 1990 |
Nombre de lectures | 50 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Extrait
Michel Graulich
L'arbre interdit du paradis aztèque
In: Revue de l'histoire des religions, tome 207 n°1, 1990. pp. 31-64.
Abstract
The Forbidden Tree of the Aztec Paradise
The Aztec myth of paradise lost, according to which all the misfortunes of the world resulted from a creature having plucked the
fruit of a forbidden tree and having been exiled to earth with its fellow-creatures, is generally attributed to Spanish missionary
influence. The Pre-Columbian authenticity of this myth is demonstrated by numerous and highly significant variants and by
ancient rituals which reenacted them. However the similarities with the Bible are still extant, the more so while the first
trangression appears to have conditioned by what might be called the salvational structure of Aztec religion.
Résumé
Les spécialistes attribuent habituellement à l'influence des missionnaires espagnols le mythe aztèque du paradis originel, mythe
selon lequel, pour avoir cueilli le fruit d'un arbre illicite, une créature fut la cause de tous les malheurs du monde et fut exilée sur
terre avec ses congénères. Les nombreuses et très significatives variantes, proches ou éloignées, du mythe, ainsi que les
antiques rituels qui le réactualisaient prouvent cependant à satiété son authenticité précolombienne. Les similitudes avec la Bible
demeurent néanmoins, d'autant plus que la transgression première semble avoir conditionné ce qu'on pourrait appeler
l'économie du salut de la religion aztèque.
Citer ce document / Cite this document :
Graulich Michel. L'arbre interdit du paradis aztèque. In: Revue de l'histoire des religions, tome 207 n°1, 1990. pp. 31-64.
doi : 10.3406/rhr.1990.1757
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1990_num_207_1_1757MICHEL GRAULICH
Université Libre de Bruxelles
L'ARBRE INTERDIT DU PARADIS AZTÈQUE
Les spécialisies attribuent habituellement à Vinfluence des
missionnaires espagnols le mythe aztèque du paradis originel,
mythe selon lequel, pour avoir cueilli le fruit d'un arbre illicite,
une créature fut la cause de tous les malheurs du monde et fui
exilée sur terre avec ses congénères. Les nombreuses et très
significatives variantes, proches ou éloignées, du mythe, ainsi
que les antiques rituels qui le réactualisaient prouvent cependant
à satiété son authenticité précolombienne. Les similitudes avec
la Bible demeurent néanmoins, d'autant plus que la transgression
première semble avoir conditionné ce qu'on pourrait appeler
V économie du salut de la religion aztèque.
The Forbidden Tree of the Aztec Paradise
The Aztec myth of paradise lost, according to which all the
misfortunes of the world resulted from a creature having plucked
the fruit of a forbidden tree and having been exiled to earth
with its fellow-creatures, is generally attributed to Spanish
missionary influence. The Pre-Columbian authenticity of this
myth is demonstrated by numerous and highly significant
variants and by ancient rituals which reenacted them. However
the similarities with the Bible are still extant, the more so while
the first trangression appears to have conditioned by what
might be called the salvalional structure of Aztec religion.
Revue de l'Histoire des Religions, ccvii-1/1990, p. 31 à 64 Espagnols qui; au xvie siècle;* s'intéressèrent: aux Les
religions des anciens Mexicains eurent tendance, pour, mieux
les comprendre, à établir des analogies avec la Bible. Presque
tous furent frappés par ce qu'ils considérèrent comme d'éton
nantes similitudes entre les religions indiennes et le christia
nisme, qui,, dans leur optique, ne pouvaient
s'expliquer que ; par une - parodie diabolique imaginée par le
Malin, om encore par l'effet du passage f en Amérique de
quelque missionnaire,, par exemple saint Thomas, l'apôtre
des Indes.
Le dominicain Pedro de los Ríos, un des commentateurs
des codex-Telleriano-Remensis (ou de Reims) et Vaticanus A
(outRios), est très typique à cet égard; Parlant de différentes
divinités, il croit y reconnaître Adam et Eve et, à plusieurs
reprises, il fait des allusions- passablement confuses à-, un;
paradis originel aztèque où une déesse aurait mangé le fruit
d'um arbre interdit: . Devant de telles ressemblances avec-la.
Genèse, le P.1 Ríos ne. peut s'empêcher de reconnaître dans les
Indiens des descendants des Hébreux.
Cette thèse farfelue n'a pas peu contribué à jeter le discré
dit sur les parallèles bibliques de l'auteur. Aujourd'hui," les
spécialistes des religions mexicaines ne prennent pas au sérieux
le: paradis originel aztèque1. Certains donnent même l'impres
sion de croire : que la Bible a , le monopole de certains thèmes
et que, chaque fois qu'on retrouve • ceux-ci quelque part, ils
doivent nécessairement avoir été influencés par elle. Pourtant,
1. Voir par ex.J. Corona Nuňez, ' Antigiledades de-Méxicobasadasenla
recopilación de LordtKingsborough, 4 vol., Mexico,. 1964, t. 1, р.Л88, § .7 ;
A. Nowotny, dans ■ Codex Borbonicus, Bibliothèque de V Assemblée nationale,
Paris, éd. par Karl A. Nowotny, Graz, 1978, Codices Selecti, 44, p. 176 ; comment
aires de Gonzalez, Heyden, Piho, Kôhler, Riese et Soustelle dans M. Graulich,
The Metaphor of the Day in Ancient Mexican Myth and Ritual, in Current
Anthropology, 22, 1, 1981, p. 45-60, et Myths of Paradise Lost in Pre-Hispanic:
Central Mexico, in Current Anthropology, 1988, 24, 5, p. 575-588. ? interdit i dut paradis ; aztèque 33 L'arbre
lorsque Rios établit des parallèles, c'est le plus souvent à bon
escient eť je me ; propose ; de montrer, aux historiens des rel
igions que le* paradis, l'arbre et la transgression; sont bel* et
bien s préhispaniques.
La -seule façoni de procéder est de faire apparaître que 'le
mythe qu'il rapporte s'enracine profondément dans la pensée
et dans le passé méso-américains. Je montrerai donc; d'abordé
que ses assertions . sont corroborées • par des textes - de prove
nances diverses eť1 des • dessins ; précolombiens ; puis, - que * ces
mythes forment un tout cohérent ayant un sens propre ind
épendamment de las Genèse ; qu'ilexiste enoutre de multiples
variations sur les : mêmes thèmes et, enfin , que ; ces mythes
étaient réactualisés dans certaines grandes fêtes. Nous verrons
ensuite s que • le mythe du i paradis perdu n'est que le prologue
indispensable *àun autre mythe majeur -et qu'une; fois les
deux réunis, les ressemblances avec le christianisme n'en sont
que d'autant plus frappantes.
Les arbres brisés -
Selon* Rios donc, les dieux* furent créés àTamoanchan,
« autant dire le paradis terrestre », et à la grande ire de Tona-
catecuhtli et de Tonacacihuatl. ils y coupèrent des fleurs et
des branches d'un arbre. Ou bien, une femme, appelée Xochi-
quetzal, Tlazolteotl, Itzpapalotl, Ixcuina ou Ixnestli mangea :
le fruit ou la fleur, de l'arbre interdit. L'arbre se brisa et ce-
fut le début du temps, des péchés, des maux et de la discorde.
En • fait, - la : coupable fut séduite par un dieu — Tezcatlipoca
ouHuehuecoyotl — ou le séduisit et devint la mère du genre
humain. Les dieux furent expulsés du paradis et ils se répan
dirent sur la » terre et : en ; enfer2.
Tonacatecuhtli et Tonacacihuatl.. le Seigneur et la Dame
2. O»dex Telleriano-Remensis, in J. Corona Nunez, Antiguedades de Mexico...,
p.- t. 1, 217-223, p. 151-337; pi. 20-23; p. 160/ p. pi. 237, 5; p. pi. 189-191, 31. Codex pi. 6-7 Vaticanus ; p. 195, A pi. (3738) 9 ; p. 213, ou Rios, pi. 18 in ;
J. Corona Nuňez, Antiguedades de Mexico..., t. 3, p. 7-313 ; p. 77, pi. 30.
hhr — 2 ,
Michel ' Graulich 34
de notre Chair (ou de notre subsistance), appelés aussi Ome-
teotl,, « Dieu; Deux », . forment- le couple: créateur originel3..
Quant au ; paradis de Tamoanchan> xochitlicacan, « Maison
de la Descente, lieu de la fleur dressée », il est bien connu par
ailleurs: Les poésies aztèques et certains i hymnes antiques le
citent fréquemment. Muňoz i Camargo le situe au-dessus ; des
neuf î cieux, , c'est-à-dire, dans ou •» près de Г Omeyocan; le ■ Lieu
de la Dualité, demeure du % couple suprême, d'autres en font
une; terre- d'origines des: peuples, terres г dont nous verrons
qu'elles étaient < assimilées au i paradis? original4.
Ce qui, peut-être,, trouble: le plus dans- les textes ; des
commentateurs du codex Telleriano-Remensis, c'est la multip
li