L illuminisme et la genèse du romantisme français - article ; n°65 ; vol.14, pg 468-474
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1928 - Volume 14 - Numéro 65 - Pages 468-474
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1928
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Auguste Viatte
L'illuminisme et la genèse du romantisme français
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 14. N°65, 1928. pp. 468-474.
Citer ce document / Cite this document :
Viatte Auguste. L'illuminisme et la genèse du romantisme français. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 14. N°65,
1928. pp. 468-474.
doi : 10.3406/rhef.1928.2486
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1928_num_14_65_2486L'
ILLUMINISME
ET LA GENÈSE DU ROMANTISME FRANÇAIS
La souplesse de la vie échappe à nos classifications. Si des
raisons didactiques nous obligent à les maintenir, si des disci
plines séparées s'imposent, elles s'éclairent mutuellement;
oublier cette interdépendance serait fausser les perspectives.
Un mouvement tel que l'illuminisme nous offre un intérêt
multiple. L'historien de la société décrira les chapelles secrètes
du xvme siècle, et tentera de débrouiller la question contro
versée de leurs rapports avec la Révolution; l'historien de la
philosophie montrera dans leurs doctrines la déviation de cer
taines tendances protestantes, la dégénérescence du plato
nisme et comme une renaissance du gnosticisme; l'historien
des lettres y dépeindra l'un des éléments qui transformèrent
la psychologie française à l'aube du romantisme : il nous y
fera voir un aspect inédit du « mal du siècle » au temps de
Werther, de ce renouveau de mysticisme, dans tous les sens
-du mot, qui prépare l'éclosion du lyrisme. Mais ils sauront
que ces divers points de vue se compénètrent, et représentent
autant de branches d'une même science : l'histoire de l'esprit
humain.
Comment la France de l'Encyclopédie est-elle devenue la
France de Chateaubriand ? c'est toujours le problème essentiel
qui domine l'époque. Plusieurs facteurs l'expliquent. On a
mis en avant l'influence de Rousseau, celle de la Révolution,
le dépaysement des émigrés; peut-être a-t-on trop méconnu,
jusqu'ici, l'action des illuminés.
Pourtant, si les histoires générales n'en tiennent guère
compte, les monographies ne manquent pas. Mais le parti-pris
les fausse. Celles des sceptiques nous agacent à la longue par
leur continuelle ironie; celles des disciples manquent effroy
ablement de sens critique; mieux vaut passer sous silence les
polémistes qui s'obstinent à chercher partout un prétendu ET ROMANTISME FRANÇAIS - 46!) ILLUMINISME
complot révolutionnaire. Peu nous importe l'explication théo
rique des faits : que l'on admette des manifestations divines
ou diaboliques, des forces naturelles inconnues, l'illusion, le
charlatanisme, une seule chose préoccupe l'histoire, ce sont
les faits eux-mêmes, c'est le prestige exercé, même sur de bons
esprits, par ces doctrines bizarres. Voilà ce qu'il nous faut
décrire. Et comme la plupart des monographies n'observeront
nullement cette méthode objective, force nous est de ne les
utiliser qu'à bon escient; il faut que des documents authen
tiques en garantissent la véracité. 'Parmi ces eux-
mêmes, on choisira. Méfions-nous des mémorialistes, qui
recueillent volontiers des racontars invraisemblables. Consult
ons, plutôt, les traités où les illuminés exposent leur doctrine
exotérique; mais leur obscurité volontaire requiert du lecteur
une longue patience; il lui faut se familiariser avec tout un
vocabulaire; des énigmes subsisteront toujours. Les corre
spondances nous fournissent une autre source essentielle; c'est
là que les initiés s'épanchent avec le moins de retenue; c'est
par là qu'on élucide aussi les allusions contenues dans cer
taines œuvres littéraires; quelque analogie apparente qu'of
frent les textes, il ne faut rien conclure avant de posséder la
preuve de relations tangibles entre leurs auteurs.
La lecture des manuscrits transformera donc complètement
une étude de ce genre. Ils se groupent en certaines régions
bien déterminées : Paris et ses environs, la vallée du Rhône,
la Suisse et lés pays germaniques ou Scandinaves; contrées
de passage, où les civilisations débordent les unes sur les
autres, où se rencontrent des représentants de toute l'Europe.
Et cela souligne un des traits caractéristiques de l'illumi-
nisme, phénomène européen beaucoup plus que français, phé
nomène qui ne peut bien s'expliquer qu'à la lumière de la
littérature comparée.
La complexité de cette doctrine rend assez malaisé de dis
tinguer des périodes dans son évolution. Une seule coupure
frappe: celle que détermine, en 1800, la polémique de Barruel.
Si l'on a la précaution de ne pas imaginer de barrières trop
rigjdes, on peut reconnaître cinq phases, sur lesquelles che
vauchent, d'ailleurs, certaines carrières, telles que celle de 470 REVUE D'HISTOIRE DE t'ÉGLISR DB FRANCE
Saint-Martin ; ne cherchons pas à mettre plus d'ordre : ce
serait défigurer une matière dont le propre est la confusion.
I. On ne saurait délimiter les origines de l'illuminisme; de
tout temps, certains thaumaturges ont prétendu se tenir en
relations avec la Divinité, indépendamment des Eglises; depuis
vingt siècles, un certain nombre d'idées ont concrétisé une
véritable tradition occulte; il faudrait remonter jusqu'à Pytha-
gore pour assister à l'eclosion de ces systèmes qui jamais ne
moururent entièrement; en plein xvne siècle, au moment où
Mrae Guyon les perpétriomphait partout une religion d'Etat,
tuait chez les catholiques, Arnold de Pordage chez les pro
testants. Mais ces systèmes exercent un attrait nouveau à
partir du moment où l'Encyclopédie ébranle les croyances,
où le divorce grandit entre raison et sensibilité. Du moment
que les maîtres du jour affichent un rationalisme provocant,
il est naturel que d'autres arborent la bannière de la sensi
bilité, non seulement spirituelle mais physique. En réaction
contre la vie des salons, les uns reviennent à la nature, les
autres en embrassent même le côté nocturne, comme dit le
théosophe allemand Schubert; et, en même temps, M™" de
Warens, comme Saint-Martin, attribuent le premier rang à
l'amour quiétiste.
Un élément nouveau, la Loge, caractérise cette renaissance.
A toufes les époques, L'illuminisme s'était réfugié volontiers
dans les sociétés secrètes. La franc-maçonnerie, qui l'absor
bera désormais, provient, à la fois, d'origines professionnelles,
occultistes et politiques; deux ou trois sectes différentes
fusionnent sous ce nom; c'est ce qui rend si difficile d'en
apprécier le rôle. Martinès de Pasqually, les Swendenborgiens,
les Illuminés de Copenhague, tous les pseudo-mystiques
de 1770 utilisent ce cadre. Ils nous apparaissent comme des
gens terrifiés devant le mystère, méfiants envers les profanes,
orgueilleux de former la rare élite à qui se dévoile le monde
spirituel.
II. La crainte du bras séculier, celle aussi du ridicule dimi
nuent, et peu à peu la notoriété de l'illuminisme se répand
dans les salons. On y rencontre des apôtres, Saint-Martin,
Lavater; des charlatans, ainsi Cagliostro, et des savants,
comme Mesmer, qui interprètent arbitrairement des faits ILLUMINISME ET ROMANTISME FRANÇAIS 471
réels. L'illuminisme devient une curiosité mondaine. On écoute
le « prophète » comme on regarderait un être curieux ; aux
manifestations « sensibles» du Très-Haut succèdent les
visions les plus grossières; ce sont des fantômes, des anges,
c'est Moïse et Elie qui descendent du ciel pour inaugurer la
Loge cagliostrienne de Lyon... Les sociétés secrètes pullulent
à prix réduit. L'illuminisme, se vulgarise et se parodie, si bien
qu'un Saint-Martin, un Cazotte s'en retirent dégoûtés. Mais
cette popularité de mauvais aloi lui vaut son premier affle
urement littéraire, dans la vie d'un Ramond, dans l'œuvre de
Cazotte, de Sébastien Mercier, de Restif de la Bretonne, de
Bonneville...
III. Avec ces derniers, nous entrons dans la période révolu
tionnaire; et l'on peut dire de l'illuminisme ce que Sainte-
Beuve dit quelque part du pré-romantisme

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