La légende des Danaïdes - article ; n°2 ; vol.136, pg 129-138
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1949 - Volume 136 - Numéro 2 - Pages 129-138
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

E. Benveniste
La légende des Danaïdes
In: Revue de l'histoire des religions, tome 136 n°2-3, 1949. pp. 129-138.
Citer ce document / Cite this document :
Benveniste E. La légende des Danaïdes. In: Revue de l'histoire des religions, tome 136 n°2-3, 1949. pp. 129-138.
doi : 10.3406/rhr.1949.5682
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1949_num_136_2_5682légende des Danaïdes La
Sous sa forme ancienne, telle que la tradition littéraire
Га exploitée, la légende des Danaïdes " apparaît liée aux
origines des Doriens. Elle fait remonter au mariage d'une
des Danaïdes, Hypermestre, avec Lyncée, le début de la
race royale d'Argos, et c'est du père d'Hypermestre, Danaos,
que se réclame désormais le peuple qui, après s'être nommé
« pélasge », prend le nom de Danaen. Mais ce mythe n'évoque
que l'épisode final d'une légende beaucoup plus vaste, qui
avait reçu vers la fin du vie siècle av. J.-G. sa forme littéraire
dans la Danaïde, vaste épopée d'un poète inconnu. Cette
Danaïde est aujourd'hui perdue. On peut cependant se faire
une idée de son contenu en combinant les témoignages litté
raires et les données fournies par des mythographes. La trame
en a été résumée avec vraisemblance par M. P. Mazon dans
les termes suivants :
« Io, prêtresse d'Héra à Argos, est aimée de Zeus. Héra,
jalouse, la transforme en vache. Zeus continue à l'approcher
sous la forme d'un taureau. Héra lance alors sur elle un taon
qui la poursuit, délirante, à travers l'Europe et l'Asie, sans
trêve qui lui permette d'être délivrée de l'enfant conçu du
dieu. Après de longues erreurs, elle atteint l'Egypte. Là,
Zeus touche son front et souffle sur sa face. Son égarement
aussitôt cesse, elle retrouve sa forme première et donne le
jour à un fils, Épaphos, le « Toucher » de Zeus. A cet ancêtre,
issu du roi des dieux, remontent les rois de l'Egypte. — Les
arrière-petits-fîls d'Épaphos, Danaos et Égyptos, entrent
un jour en conflit. Le premier est père de cinquante filles, REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 130
le second de cinquante fils, et les Égyptiades veulent pour
femmes les Danaïdes : ils prétendent sans doute s'assurer
les droits royaux de Danaos. La guerre éclate ; Danaos
vaincu s'enfuit avec les Danaïdes sur une galère à cinquante
rames et se dirige vers Argos. — Les Pélasges, qui occupent
l'Argolide acceptent de donner un asile aux fugitifs ; mais
quand les Égyptiades, lancés à leur poursuite, débarquent
à leur tour, Danaos feint de céder : il accorde ses filles à leurs
cousins. Les noces sont à peine célébrées que, dans la même
nuit, chaque fille de Dahaoš, sur l'ordre de son père, égorge
son jeune mari. Une seule, Hýpermestre, épargne le sien,
Lyncée ; c'est d'elle que descend la race royale d 'Argos. et,
de ce jour, les Pélasges sont devenus les Danaens1. »
Or, on sait qu'une partie de cette légende formait la
matière d'une trilogie d'Eschyle, dont il nous reste le drame
des Suppliantes. L'action des Suppliantes commence au
moment où les Danaïdes viennent d'aborder avec leur père
en Argolide. Danaos demande l'hospitalité au roi d'Argos.
Celui-ci hésite, interroge les Danaïdes, puis va consulter
l'assemblée, qui acquiesce. Danaos et ses filles sont donc
admis dans la cité. A ce moment surviennent les Égyptiades
dont le héraut vient réclamer les fugitives et tente même
de les emmener. Le roi refuse de les livrer en les déclarant
protégées par l'hospitalité. Et le drame s'achève sur les
actions de grâces des Danaïdes désormais sauvées.
Ce qui nous intéresse ici est la donnée initiale, condition
du drame entier, à laquelle les commentateurs modernes ne
se sont guère arrêtés. Pourquoi les Danaïdes fuient-elles
l'Egypte ? La légende nous apprend c'est à la suite du refus
qu'elles ont opposé aux Égyptiades qui les demandaient en
mariage. Mais pourquoi repoussent-elles cette demande ?
Là est le nœud du problème.
Or ce problème est explicitement formulé au cours du
drame. Dans le dialogue qu'elles engagent avec le roi d'Argos
1) P. Mazon, Introduction aux Suppliantes dans l'éd. d'Eschyle Г, p. 5. LÉGENDE DES DANAÏDES 131 LA
pour implorer sa protection, les Danaïdes sont amenées à
motiver leur requête. Le débat présente, dans les termes où
Eschyle l'expose, un grand intérêt. On y voit comment le
poète fait plaider leur cause aux suppliantes, par quels,
arguments elles expliquent leur refus du mariage. Suivons
les questions du roi et les réponses du chœur (v. 331 sq.)1.
Le Roi. — Que demandes-tu donc en suppliante aux
dieux de la cité ? Ti 97; ç LxvsraGat, tčovS' áycovítov 0swv ... ;
Le Coryphée. — De n'être pas esclave des fils d'Êgyplos.
'Oç jju] Y^vw^oa SfAiotç AtyiiuTou yévei.. Pourquoi « esclave » ?
Parce qu'elles se trouvent seules héritières de Danaos, qui
n'a pas de descendant mâle. Elles sont donc, au regard de
la loi grecque, dans la situation des filles épiclères et par suite,
contraintes d'accepter pour époux leurs plus proches parents,
les Égyptiades. Ce mariage les asservirait à leurs époux en
ce que ceux-ci exerceraient un droit naturel en les prenant
pour femmes. — Cette réponse ne semble pas satisfaisante
au roi. Pour se rebeller ainsi contre la règle, les Danaïdes
ont-elles quelque raison qu'elles n'avouent pas ? Il insiste
donc :
Le Roi. — Est-ce question de haine ? Ou veux-lu dire
qu'ils Voffrenl un sort infâme ? Потеря хат' ě/9pav ; fj то
Le Coryphée. — Qui aimerait des maîtres qu'il lui faut
S' av cpiXouç covoïto toùç * xexnq^évouç ; C'est-à- payer ? Tiç
dire : une femme peut-elle s'attacher à un homme qu'elle
a « acheté » avec les biens dont il devient héritier ? Telle
est en effet la condition de la fille épiclère, qui achète en
quelque sorte son mari pour qu'il continue la lignée. Et c'est
bien ce que comprend le Roi, qui, défenseur de l'usage,
objecte :
Le Roi. — C'est ainsi qu'on accroît la force des maisons.
SOévoç (xèv outcoç jjisl^ov аб^гтоа (Зротснс. Le mariage de l'épi-
clère a pour but, en effet, de maintenir l'héritage dans la
1) Sauf indication contraire, la. traduction est celle de P. Mazon. 132 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
famille et de perpétuer le patrimoine. A cela les Danaïdes
répliquent :
Le Coryphée. — C'est ainsi aussi qu'en cas d'infortune,
le divorce est aisé ! Kal Sucttu^oÓvtcov y' sôfxapyjç атеаХАосу/)1*
Ce qui est à entendre comme une ironie : une fois soumise
au mariage, si je demande le divorce, j'aurai tous les torts
de mon côté. Le statut de l'épiclérat consacre la servitude
de la femme, qui ne peut ni refuser le mari que la loi lui
impose, ni divorcer sous peine d'être toujours jugée coupable.
Cette réplique semble porter. Le Roi ne s'informe plus alors
que des moyens de leur assurer protection.
Eschyle énonce donc, dans les termes du droit attique, un
problème moral : une femme doit-elle subir un mariage
imposé ? Mais la teneur de ce débat une fois éclaircie, y
trouvons-nous la solution que nous cherchions ? Il s'agissait
de comprendre pourquoi les Danaïdes se refusent si obstin
ément au mariage. Cette question demeure sans réponse. Les rai
sons qu'elles donnent n'expliquent pas leur conduite singulière.
Car, pour peu qu'on y prête attention, tout est étrange dans
ce débat. Les Danaïdes clament, dès les premiers vers de la
pièce, leur horreur du mariage. Ont-elles subi violence des
Égyptiades ? Cela n'est dit nulle part, et même en ce cas,
l'outrage ne serait qu'une conséquence du refus, h'hybris seule
des Égyptiades est incriminée2. Les prétendants se sont sans
doute montrés trop pťessants ; ils les ont moins demandées que
réclamées insolemment. Est-ce assez pour justifier la violente
aversion qu'elles professent à l'égard de tous les m&

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