La notion de sacrifice chez un peuple « fétichiste » (les Kissi de la Guinée française) - article ; n°1 ; vol.132, pg 48-66
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1946 - Volume 132 - Numéro 1 - Pages 48-66
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Denise Paulme
La notion de sacrifice chez un peuple « fétichiste » (les Kissi de
la Guinée française)
In: Revue de l'histoire des religions, tome 132 n°1-3, 1946. pp. 48-66.
Citer ce document / Cite this document :
Paulme Denise. La notion de sacrifice chez un peuple « fétichiste » (les Kissi de la Guinée française). In: Revue de l'histoire des
religions, tome 132 n°1-3, 1946. pp. 48-66.
doi : 10.3406/rhr.1946.5518
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1946_num_132_1_5518notion de sacrifice La
chez un peuple « fétichiste
(Les Kissi de la Guinée française1)
Fétichistes, tels sont, classés d'un mot, les Kissi dans les
rapports officiels ou les courts articles qui leur ont été consa
crés jusqu'ici2. A vrai dire, le seul détail connu de leur religion
est la présence de pierres sculptées, presque toutes anthropo
morphes, qu'ils déterrent en cultivant leurs champs et posent
sur leurs autels familiaux. Ces statuettes sont bien connues
en Europe, où, à Paris, le seul Musée de l'Homme en compte
trois cent cinquante ; nous en avons nous-mêmes recueilli une
trentaine pour le Musée de l'IFAN à Dakar. Les indigènes
nomment ces pierres pomdo, « figures des morts » (de pom, la
mort) ; certains pomdo (les vrais pour les indigènes), tenus
pour l'image de chefs ou de personnages importants décédés
depuis peu, servent, comme tels, à la divination : solidement
1) Au nombre de 133.000, les Kissi peuplent en majorité le cercle de KÍS4-
dougou, à la limite de la Sierra-Leone et du Liberia. En tant que membres de
l'École Française d'Afrique (IFAN, Dakar), mon mari, André Schaeffner, et
moi-même, avons séjourné en pays Kissi de novembre 1945 à mai 1946.
2) Voir notamment : Chevalier (Auguste), La Région des sources du Niger.
La Géographie, XIX, 1909, n° 5, p. 337-352 ; Delafosse (M.), Au sujet des sta
tuettes en pierre du Kissi. Revue d'Ethnographie et de Sociologie, 1914, p. 143-
144 ; Germann (Dr Paul), Die Vôlkerstàmme im Norden von Liberia, Leipzig,
1933 ; Itier (G.), Notice au sujet de deux statuettes funéraires kissiennes. Bulletin
du Comité d'Études Historiques et Scientifiques de VA. O. F., 1926, p. 126-130 :
Laplagne (R. P. F.), Coutumes kissiennes au sujet des malades et des morts. Bull
etin du Comité d'Études Historiques et Scientifiques de VA. O. F., 1921, p. 269-
270 ; Neel (Dr H.), Deux peuplades de la frontière libérienne. L'Anthropologie,
XXIV, 1913, p. 445-475 ; Id., Statuettes en pierre et en argile de l'Afrique occi
dentale. L'Anthropologie, 1913, XXIV, p. 419-443; Poiret (J.), Village kissien.
Bulletin du Comité d'Études Historiques et Scientifiques de VA. O. F., 1933, p. 667-
678 ; Tauxier (Louis), Sur les Kissi, Nègres de la Gainée française et leurs sia-
iuetles en pierre. L'Anthropologie, XXXIV, 1934, p. 471-472. LA NOTION DE SACRIFICE 49
fixé sur un brancard mortuaire, le pomdo, comme jadis le
cadavre lui-même1, dirige ses porteurs qui inclinent tantôt à
droite, tantôt à gauche, en réponse aux questions posées. Le
mort réside habituellement au tye pom, au village des morts ;
il n'en sort que pour les séances de divination.
Les habitants actuels sont fiers de leurs pomdo, qui forment
partie intégrante d'un» maigre patrimoine. Les styles très
divers de ces statuettes, les détails d'un costume parfois
ancien, posent le problème de leur origine. Toutes nos ques
tions à ce sujet sont demeurées sans réponse. Non par méfiance
ni mauvaise volonté : les Kissi ne savent rien nous dire de
leur passé parce qu'ils en ont été totalement dépouillés et
n'ont pu garder aucune tradition historique. L'ancêtre fonda
teur de la famille ou du village n'est éloigné presque toujours
que de trois ou quatre générations ; une fois seulement, de
la bouche d'un très vieux chef, nous avons recueilli une généa
logie s'étageant sur huit générations. Dans leurs récits, les
vieillards ne remontent pas au delà de l'époque immédiate
ment antérieure à celle de Samory, dont l'incursion dans la
région a laissé un affreux souvenir : familles exterminées ou
dispersées par l'esclavage, moissons brûlées, villages incendiés,
les razzias de Samory et de ses lieutenants ont pulvérisé la
société d'alors, qui s'est reconstituée dans des villages nou
veaux, mais dépouillée de toute tradition orale, de tout héri
tage historique, légendaire ou folklorique. Comme trop sou
vent en Afrique, nous nous trouvons en présence d'une civil
isation « amnésique ».
On peut vivre sans tradition historique, on ne vit pas
désarmé, sans aucun recours contre les dangers quotidiens de
l'existence. Leurs premiers morts qui, avec des maisons et des
champs, avaient redonné aux Kissi une vie normale, sont
restés par delà le tombeau leurs protecteurs naturels. Pas de
cimetière : les morts ne sont pas séparés des vivants. La tombe
1) Comme tous leurs voisins, soudanais ou guinéens, les Kissi pratiquent
l'interrogatoire du cadavre qui, promené dans la foule, doit désigner lui-même
son « meurtrier ». 50 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
est creusée à même la case, sous la verandah ou sous la place
publique, rarement en bordure du village. Parfois, un canon
de fusil, planté verticalement en terre, aboutit à la bouche du
cadavre ; on y verse aux jours d'offrande quelques gouttes du vin
de palme qu'aimait le défunt. Quel que soit son emplacement,
la tombe d'un vieillard devient régulièrement lieu de culte.
Ce n'est pas le seul, de loin : chaque village connaît plu
sieurs montagnes sacrées, mares sacrées, arbres sacrés..., sans
compter les autels portant un nom spécial : yallo, bundo,
iumbo, lanka, pu, botà..., les autels de jumeaux, les coins de
rivière peuplés de caïmans, d'hippopotames ou de silures semi-
apprivoisés et qu'on nourrit, les carrefours, les reliques servant
aux ordalies, les autels de chasseurs, de tisserands ou de for
gerons..., enfin, les autels individuels. Les offrandes sont
déposées tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre, souvent sur plu
sieurs lieux de culte à la fois. Le grand nombre des endroits
sacrés, les aspects très divers que peuvent prendre les autels
d'un même culte dans deux villages voisins, sont la première
difficulté que rencontre l'enquêteur, tenu de procéder à un
inventaire méthodique, mais qu'il ne peut jamais espérer
complet, des autels individuels, des autels de famille, de village
et parfois de canton.
Toutefois, si cultes et autels apparaissent innombrables,
les offrandes portées sur ces autels se groupent en quelques
grandes catégories : kurie, kUo, faûadama, sara, que les indi
gènes distinguent nettement.
Kurie et kizo, déposés sur les mêmes lieux de culte, s'adres
sent aux mêmes destinataires, les ancêtres. Mais le kurie
comporte obligatoirement du riz cuit, nourriture essentielle
des vivants, alors que le kizo (on traduit par « cadeau, héri
tage ») peut s'exprimer par l'offre de coton, de kolas ou même
de boules de farine de riz crue ; le kizo correspond en générai
au sacrifice d'un animal : taureau ou, à défaut de taureau,
mouton, chèvre ou poulet. Au dire des indigènes, kizo, comme
kurie, est consommé par les assistants, après qu'un morceau
de foie a été laissé sur l'autel. LA NOTION DE SACRIFICE 51
Le faûadama, porté aux croisées des chemins, propitie les
morts auxquels, pour des raisons impérieuses, on n'a pu donner
une sépulture convenable : lépreux, foudroyé, premier-né...
Le sara, enfin, est une protection de nature variable
ordonnée par le devin, le wanayawa1, très souvent à la suite
d'un rêve du consultant. Le sara peut s'exprimer dans un
sacrifice ; il prend plus volontiers l'apparence d'une simple
amulette. Faňadama non plus que sara n'entraînent en prin
cipe la consommation des offrandes par les sacrifiants.
Destinés aux ancêtres, kurie et kho sont portés sur les
mêmes autels légués à toutes les grandes familles indivises par
leur premier ancêtre, fils ou frère de l'ancêtre du groupe de
même nom habitant le village voisin. Les prières invoquent
tou

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