Les Juges d Israël : une invention du Deutéronomiste ? - article ; n°1 ; vol.221, pg 83-97
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Revue de l'histoire des religions - Année 2004 - Volume 221 - Numéro 1 - Pages 83-97
C'est à l'auteur deutéronomiste que l'on devrait la transformation du régime politique précédant la royauté unifiée en une judicature créée de toutes pièces, alors qu'il s'agirait simplement d'une protoroyauté. En effet, cet auteur, d'une part modifie radicalement la figure du magistrat en lui attribuant la prérogative militaire réservée au roi (Jg. II, 16, 18), d'autre part efface toute trace de fonctions royales dans sa description de chefs, dont tout porte à croire qu'il s'agit de roitelets. Les efforts du Deutéronomiste viseraient à utiliser la judicature comme repoussoir de la royauté judéenne en la présentant comme une forme d'exercice du pouvoir vouée par essence à l'échec. Le Livre des Juges se livrerait ainsi à une condamnation sans appel de la royauté du Nord.
Israel's Judges : a Deuteronomistic invention ?
The Deuteronomistic author is responsible for the transformation of the political system previous to unified kingship into completely made-up judgeship, whereas it should be considered as a proto-kingship. On one hand, he radically alters the figure of the magistrate in attributing to him the military prerogative reserved to the king (Jg. II, 16, 18). On the other hand, he covers up all traces of royal duties certainly carried out by whom one should regard as chiefs of small kingdoms. The Deuteronomist's efforts aim to use judgeship as a foil to Judean kingship in presenting it as a kind of leadership doomed to failure. So the Book of Judges seems to condemn northern kingship.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 35
Langue Français

Extrait

Isabelle de Castelbajac
Les Juges d'Israël : une invention du Deutéronomiste ?
In: Revue de l'histoire des religions, tome 221 n°1, 2004. pp. 83-97.
Résumé
C'est à l'auteur deutéronomiste que l'on devrait la transformation du régime politique précédant la royauté unifiée en une
judicature créée de toutes pièces, alors qu'il s'agirait simplement d'une protoroyauté. En effet, cet auteur, d'une part modifie
radicalement la figure du magistrat en lui attribuant la prérogative militaire réservée au roi (Jg. II, 16, 18), d'autre part efface toute
trace de fonctions royales dans sa description de chefs, dont tout porte à croire qu'il s'agit de roitelets. Les efforts du
Deutéronomiste viseraient à utiliser la judicature comme repoussoir de la royauté judéenne en la présentant comme une forme
d'exercice du pouvoir vouée par essence à l'échec. Le Livre des Juges se livrerait ainsi à une condamnation sans appel de la
royauté du Nord.
Abstract
Israel's Judges : a Deuteronomistic invention ?
The Deuteronomistic author is responsible for the transformation of the political system previous to unified kingship into
completely made-up judgeship, whereas it should be considered as a proto-kingship. On one hand, he radically alters the figure
of the magistrate in attributing to him the military prerogative reserved to the king (Jg. II, 16, 18). On the other hand, he covers up
all traces of royal duties certainly carried out by whom one should regard as chiefs of small kingdoms. The Deuteronomist's
efforts aim to use judgeship as a foil to Judean kingship in presenting it as a kind of leadership doomed to failure. So the Book of
Judges seems to condemn northern kingship.
Citer ce document / Cite this document :
Castelbajac Isabelle de. Les Juges d'Israël : une invention du Deutéronomiste ?. In: Revue de l'histoire des religions, tome 221
n°1, 2004. pp. 83-97.
doi : 10.3406/rhr.2004.901
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2004_num_221_1_901ISABELLE DE CASTELBAJAC
Équipe d'accueil 1436 de l'École Pratique des Hautes Études
(Langues, textes et histoire du monde ouest-sémitique ancien)
Les Juges d'Israël :
une invention du Deutéronomiste ?
C'est à l'auteur deutéronomiste que l'on devrait la transformation
du régime politique précédant la royauté unifiée en une judicature
créée de toutes pièces, alors qu'il s'agirait simplement d'une proto
royauté. En effet, cet auteur, d'une part modifie radicalement la figure
du magistrat en lui attribuant la prérogative militaire réservée au roi
(Jg. II, 16, 18), d'autre part efface toute trace de fonctions royales
dans sa description de chefs, dont tout porte à croire qu'il s'agit de
roitelets. Les efforts du Deutéronomiste viseraient à utiliser la judica
ture comme repoussoir de la royauté judéenne en la présentant comme
une forme d'exercice du pouvoir vouée par essence à l'échec. Le Livre
des Juges se livrerait ainsi à une condamnation sans appel de la
royauté du Nord.
Israel's Judges : a Deuteronomistic invention ?
The Deuteronomistic author is responsible for the transformation
of the political system previous to unified kingship into completely
made-up judgeship, whereas it should be considered as a proto-kingship.
On one hand, he radically alters the figure of the magistrate in attribu
ting to him the military prerogative reserved to the king (Jg. II,
16, 18). On the other hand, he covers up all traces of royal duties cer
tainly carried out by whom one should regard as chiefs of small king
doms. The Deuteronomist 's efforts aim to use judgeship as a foil to
Judean kingship in presenting it as a kind of leadership doomed to fai
lure. So the Book of Judges seems to condemn northern kingship.
Revue de l'histoire des religions, 221 - 1/2004, p. 83 à 97 84 ISABELLE DE CASTELBAJAC
La Bible, de la Genèse au deuxième Livre des Rois, présente,
l'histoire .d'Israël» en termes de succession politique : Moïse et
Josué - dirigent le peuple, dont une succession» de patriarches
avaient présidé à la formation, et annoncent une suite de Juges
(au sens de « chefs » et non de « magistrats) et de rois. Aux théo
logies qu'elle développe se mêle • donc " inextricablement une
réflexion politique, qui se trouve souvent en prise directe avec les
événements rapportés et dont la complexité résulte de la poly
phonie qui la caractérise.
Let Livre des Juges occupe une. place singulière puisqu'il
décrit une période transitoire de l'histoire d'Israël, celle qui mène
de la mort de Josué à l'avènement ; de la royauté. Ce corpus
s'insère dans l'ensemble plus vaste des livres dits « historiques »
(Josué, Livres de Samuel, Livres des ; Rois) qui se clôt sur la
chute du ; Royaume , de Juda. Il serait dû à un auteur, ou à une
école que l'on a coutume de qualifier, depuis 1943 à la. suite de
Martin Noth; de « deutéronomiste », du nom de leur inspirateur,
qui n'est autre : que l'auteur des parties les : plus anciennes du
Deutéronome. Celles-ci datent peut-être du VIIIe siècle et provien
draient du Royaume du Nord. Le Deutéronomiste aurait, pour
sa part, non.* seulement. retravaillé Ле cœur même: du Deutéro
nome, mais lui aurait ajouté des chapitres introductifs et conclu- -
sifs, et ce, dans le Royaume du Sud sous le règne de Josias (640-
609) eť durant l'exil babylonien (597-538). Il aurait procédé de
même avec les trois autres livres historiques, remaniant des récits :
parfois fort anciens et d'origines diverses.
Or l'expérience consistant à isoler ces traditions des dévelop
pements deutéronomistes ultérieurs conduit à mettre en doute la.
vraisemblance de la figure du Juge. Le Deutéronomiste poursuit
en effet la . réflexion inaugurée par l'auteur deutéronomique sur
la royauté. Marqué par la chute du Royaume du Nord (722) et
parles menaces planant sur le Royaume du Sud ou sa destruc
tion; selon qu'il s'agit du Deutéronomiste josianique ou exilique,
il entend tirer des leçons de l'Histoire. Afin de l'utiliser comme
repoussoir de la royauté judéenne, dont il est un ardent partisan,
il semble transformer le régime politique. antérieur à la royauté
unifiée en ; une judicature : créée de . toutes pièces et la ■> présenter
comme une forme d'exercice du pouvoir. vouée à l'échec. LES JUGES D'ISRAËL 85
I. L'INVENTION DE LA JUDICATURE
/ / Une initiative deutéronomiste
Pour présenter la période séparant la mort de Josué du
règne de Saul comme une suite de judicatures, le Deutéronom
iste assimile le titre de « Juge » à celui de « roi ». En effet,
une écrasante majorité d'auteurs voient dans špt, traduit généra
lement par «juge », un synonyme immémorial de mlk ( « roi » )
et de mšy* ( « sauveur » ), s'appuyant sur des textes issus d'aires
culturelles (de Mari à Carthage, en passant par la Phénicie)1 et
d'époques variées (du xviif au IVe siècle), ou survolant la litt
érature biblique2. Pourtant, une analyse exhaustive des occur
rences, dans la Bible, de la racine špt semble faire pièce à cette
théorie.
Tout porte à croire que l'exercice de la justice ait très tôt fait
partie des attributions royales, au même titre, sans doute, que la
responsabilité militaire suprême : dès la fin du XIe siècle, si l'on
attribue II Sam. XV, 4 à l'écrivain ébyataride3, mémorialiste de
la famille de David, et en tout cas au Xe siècle, d'après Ex. II, 14.
À ces passages font écho deux versets qui dateraient du
vnie siècle, Is. XVI, 5 et Michée VII, 3. La métaphore royale
dont use Ps. IX, 5 pour désigner les prérogatives judiciaires de
Yahvé ainsi que les appels à l'arbitrage royal mentionnés dans
les récits anciens4 de II Sam. XIV, 4-17, II Sam. XVI, 1-4, XIX,
1. Keith W. Whitelam, The Just King : Monarchical Judicial Authority
in Ancient Israel, Sheffield, 1979, p. 54-59.
2. Shemaryahu Talmon, « In those days, there was no king in Israel »,
in Proceedings of the Fifth World Congress of Jewish Studies, Jérusalem,
1969, p. 242; K. W. Whitelam, op. cit., p. 52-53; E. T. Mullen, «The
minor judces : Some literary and historical considerations »,

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