Montalembert et Metternich en 1849 - article ; n°156 ; vol.56, pg 71-89
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1970 - Volume 56 - Numéro 156 - Pages 71-89
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-René Derre
Montalembert et Metternich en 1849
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 56. N°156, 1970. pp. 71-89.
Citer ce document / Cite this document :
Derre Jean-René. Montalembert et Metternich en 1849. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 56. N°156, 1970. pp.
71-89.
doi : 10.3406/rhef.1970.1834
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1970_num_56_156_1834MONTALEMBERT ET METTERNICH EN 1849
A quiconque douterait encore que les conséquences des événe
ments de 1848 furent psychologiques et sociales encore plus que
politiques, les quelques documents que nous publions donneraient
à réfléchir. Ils établissent en effet, devant l'urgence du péril
couru par les gens de bien, la réconciliation de deux esprits hors du
commun, que l'échec de la Restauration et l'attitude à observer
devant les progrès du libéralisme semblaient avoir séparés à
jamais.
Pour avoir participé aux entreprises mennaisiennes (et sans
doute à l'Agence générale pour la défense de la liberté religieuse
autant qu'à l'Avenir), Montalembert avait été rangé par Metter-
nich au nombre des sectaires * que sa mission d'homme d'Etat lui
commandait de combattre par tous les moyens. On a lieu de
penser que le chancelier, s'il en avait eu la possibilité, n'aurait pas
hésité à employer la force pour réduire au silence et à l'inaction
ce trop éloquent propagandiste 2. Du moins a-t-il multiplié contre
lui les précautions policières. Lorsque Montalembert, à la fin
de 1831, accompagne Lamennais à Rome, l'ambassadeur d'Au
triche le fait surveiller au même titre que son maître, et sans une
maladresse du chancelier de l'ambassade, ce dangereux « gazetier »
n'aurait jamais obtenu, en juillet 1832, le droit de traverser le
territoire impérial pour rentrer en France 3. Soucieux du reste de
réparer la bévue de son collaborateur, l'ambassadeur Lûtzow
avait pris soin d'attirer l'attention des autorités du royaume
lombard-vénitien sur l'indésirable voyageur, et les archives de la
police locale prouvent que ses recommandations furent suivies
avec exactitude.
1. Cf. la lettre du 28 décembre 1832, citée dans notre Metternich et Lamenn
ais (Paris, 1963), p. 137 : « Les adeptes de l'abbé de La Mennais sont des
sectaires véritables... » Dans le langage du chancelier, le mot signifie à la fois
libéral et conspirateur, à la façon des carbonari. Le 19 mai 1832, sous la
même plume, les amis de Lamennais deviennent des énergumènes [ibid.,
P. 95).
2. Il a — sérieusement — regretté, à propos des Paroles d'un croyant,
que « la mode de brûler les hérétiques fût passée » [ibid., p. 156).
3. Cf. ibid., p. 43-44. 72 J.-R. DERRE
Si l'homme inquiétait, ses amitiés étaient pareillement sus
pectes. Toute puissante en Italie, la censure autrichienne avait
soin d'intercepter la correspondance envoyée de Rome par les
rédacteurs de V Avenir, afin que ce compromettant dossier pût
être transmis à la Secrétairerie d'Etat et au pape Grégoire XVI.
Certaines lettres de Montalembert y figurent en bonne place, à
des dates assez éloignées pour attester que le nom de leur signa
taire se trouva longtemps sur la liste des suspects. Lui-même (et
Metternich y fait allusion dans le premier document) dut éprouver
personnellement la rigueur des dispositions prises à son endroit :
il fut, à l'automne de 1834, invité à quitter Brescia sans avoir
eu le temps de soigner une blessure consécutive à une chute 4.
La soumission à l'encyclique Mirari vos, qu'il tint à rendre
publique en décembre de la même année, parut d'abord arranger
les choses. A. Trannoy rapporte, d'après le Journal, qu'en 1838
ce journaliste, naguère méprisé autant que redouté, s'entretient
aimablement avec un attaché de l'ambassade d'Autriche à Paris.
L'année suivante, Metternich lui-même met « empressement et
coquetterie » à lui accorder le visa qu'il demande5. Ce revirement
s'explique : l'ancien animateur de l'Agence, qui portait la sub
version jusqu'au fond de la Bavière, est devenu le pieux bio
graphe de sainte Elisabeth, et s'il affirme, à la tribune de la
Chambre des Pairs, orateur écouté, la suspicion dans laquelle il
tient désormais la démocratie, les coups aussi qu'il lui arrive de
porter au régime de Juillet n'ont rien pour déplaire à Vienne.
La lutte contre le monopole universitaire, grande préoccupation
de sa vie parlementaire, n'est-elle pas, en outre, une affaire propre
ment française, dont le calme intérieur de la double monarchie
n'a rien à redouter ?
Pourtant sa fidélité à la cause polonaise continue d'éveiller la
défiance. On sait avec quelle généreuse ardeur V Avenir avait
approuvé et soutenu la révolte de 1830. Montalembert avait alors
tenu à honneur de parler au nom de ses collègues. Son article
du 17 décembre 1830, intitulé Révolution de Pologne, ne s'était pas
contenté de « saluer la nouvelle aurore de la fière et généreuse
nation » ; il prédisait l'anéantissement tant des rois oublieux de
Dieu que de « l'œuvre impie du Congrès de Vienne ». Le 12 sep
tembre 1831, quelques pages vigoureuses, qui célébraient l'anni
versaire de la bataille du Kahlenberg, stigmatisaient au passage
la perfidie autrichienne. Or, sa vie durant, Metternich fut lecteur
4. Cf. ibid., p. 66, note 5.
5. Le romantisme politique de Montalembert avant 1843 (Paris, 1942), p. 310-
311. Sainte-Aulaire, qui connaissait l'incident de 1834, était, selon toute
vraisemblance, personnellement intervenu pour que Montalembert obtînt
satisfaction. MONT4LEMBERT ET MtTTERNICH 73
attentif de la presse française. Il devait d'autant moins oublier
ces allusions acerbes qu'elles mettaient en cause, avec son pays,
les traités de 1815 et les principes sur lesquels il entendait fonder
la paix européenne. L'assistance prêtée par Montalembert aux
réfugiés polonais renforça encore son hostilité. Après les journal
istes ou pamphlétaires libéraux, les émigrés furent en effet la
principale hantise du chancelier 6. Ils ne lui paraissaient nulle
part mieux accueillis ni plus efficacement soutenus que dans notre
pays, et nous avons évoqué ailleurs les initiatives qu'il a encou
ragées pour les faire surveiller, à Paris même, par des agents de
confiance 7. Si, pour des raisons évidentes, sa curiosité allait
d'abord vers les Italiens et les Allemands, elle n'épargnait pas les
Polonais, et leur protecteur fidèle s'en trouvait, à ses yeux, com
promis d'autant. Au début de 1846, l'affaire de Cracovie permet
de faire le point. L'occupation de cette ville libre par l'armée
impériale, à la suite des troubles qui y avaient éclaté, parut à
Louis-Philippe et à son ministre Guizot une péripétie mineure,
difficilement évitable du reste 8. Dans l'opinion, au contraire, elle
provoqua une vive émotion dont Montalembert se fit l'interprète.
En fait, autant que du dernier bastion de la liberté polonaise,
il s'agissait ici de l'ordre établi. A l'ambassadeur Apponyi, le
chancelier écrivait qu'il avait dû se résoudre à agir par souci
d'humanité, pour empêcher une population paisible de « succomber
sous la plus abjecte des tyrannies, celle d'un club de terroristes de
l'espèce la plus réprouvée » ; et situant à Paris les véritables re
sponsables, il dénonçait « la stupide et criminelle entreprise de
l'émigration polonaise », déniant à ces « hommes sans patrie »
le droit de « gouverner le monde et d'organiser les empires à leur
gré » 9. De ces conspirateurs, l'orateur de la Chambre des Pairs
se voulait, au contraire, le défenseur et l'allié. De là vient qu'en
mai 1846 Metternich ne sait voir en lui que « le champion du Polo-
nisme le plus éhonté » 10. Replacé dans son contexte, le mot
6. Les renseignements les concernant forment une partie notable de la
correspondance diplomatique autrichienne, tant qu'il fut à la tête des affaires.
7. Cf. Metternich et Lamennais, p. 57 sq.
8. L'

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