Révolution américaine et éthique protestante - article ; n°1 ; vol.22, pg 18-28
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1989 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 18-28
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Liliane Crété
Révolution américaine et éthique protestante
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°22, 1989. pp. 18-28.
Citer ce document / Cite this document :
Crété Liliane. Révolution américaine et éthique protestante. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°22, 1989.
pp. 18-28.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1989_num_22_1_1300Liliane Crété
En 1815, John Adams écrivait à Thomas Jefferson : « Que voulons-
nous dire par la Révolution ? La guerre ? Elle ne fit pas partie de la Révol
ution, elle n'en fut qu'un effet et une conséquence. La Révolution était
dans l'esprit du peuple et elle s'est faite de 1760 à 1775, pendant quinze
années avant que le sang ne fût répandu à Lexington ».
Trois ans plus tard, John Adams, dans une lettre adressée au journal
iste de Baltimore Hezekiah Niles, reprenait le même thème : « Mais que
voulons-nous dire par la Révolution américaine ? Voulons-nous dire la
guerre américaine ? La était dans l'esprit et le cœur du peu
ple; un changement dans ses sentiments religieux, dans ses devoirs et ses
obligations... Ce changement radical dans les principes, les sentiments et
les affections du peuple fut la véritable Révolution américaine ».
On peut en effet affirmer que la prit naissance
non pas à Lexington, ni à Concord, mais dans la plaine d'Abraham au
Québec. La défaite de Montcalm et l'effondrement de l'empire colonial
français d'Amérique amenèrent l'indépendance de facto des treize colo
nies dix-sept ans avant qu'elles ne le devinssent de jure.
Pendant la guerre de Sept Ans, appelée fort justement par les Anglo-
américains la. French and Indian War, les colons avaient pris la mesure de
leur valeur militaire. Non seulement ils s'étaient défendus eux-mêmes,
mais ils avaient conquis. Après 1859, ils furent en position de force pour
dicter leurs conditions au Parlement de Londres : une fois la France écar
tée, aucune puissance étrangère ne menaçait les colonies. L'Espagne était
bien trop faible pour représenter un danger et les colons étaient fort capa
bles de venir à bout, seuls, des nations ou des tribus indiennes éparpillées
le long de la frontière occidentale. De plus, le commerce colonial
Liliane Crété est historienne. Dernier livre paru : La traite des nègres sous l'Ancien
Régime, Perrin, 1989.
Conférence donnée le 26 janvier 1989, à Paris, dans le cadre du cycle « Ethique protes
tante et Révolution » organisé par Etudes et Recherche d'Auteuil.
18 s'était développé avec une telle ampleur que si le libre-échange était autor
isé avec l'Europe et avec les Indes occidentales, les navires américains
pourraient aisément ravitailler les colonies en produits que celles-ci ne
fabriquaient pas déjà.
Ajoutons que la contrebande avec les Antilles espagnoles et françaises,
même au cours des guerres, était couramment pratiquée, et que les armat
eurs et marchands « américains » les plus honorables se montraient aussi
déterminés à observer scrupuleusement les lois de leurs assemblées qu'à
violer sans scrupule celles du Parlement de Londres.
Si la Grande-Bretagne sortit vainqueur du conflit, elle dut faire face à
de grandes problèmes financiers. Elle dépensa beaucoup pour défendre
ses colonies américaines. Elle le fit certes dans l'intérêt des marchands br
itanniques et non des marchands « américains », mais ces derniers n'en
avaient pas moins été protégés. Le gouvernement anglais jugea donc
impératif de faire payer aux colonies les dépenses de guerre. Seulement,
les colonies étaient déjà endettées : une dette de guerre de plus de deux
millions de dollars dont une partie avait été d'ailleurs généreusement
remise par le Parlement de Londres. Les coloniaux affirmaient avec juste
raison que les milices s'étaient mieux battues que les forces régulières br
itanniques durant le conflit, et que le commerce colonial, selon les estima
tions du grand William Pitt lui-même, devait rapporter annuellement plus
de deux millions de profit aux marchands anglais. Ne pouvaient-ils se
contenter de cela ?
Mais le grand problème, celui qui depuis une généraion agitait les
esprits et qui, finalement, amena les colonies à proclamer leur indépen
dance, était celui de l'autonomie coloniale.
Or, alors même que les colons acceptaient de plus en plus difficilement
le joug économique de la métropole, celle-ci adoptait une nouvelle polit
ique impériale infiniment plus contraignante : expansion limitée à l'Ouest;
établissement de troupes anglaises dans les nouveaux territoires; interdic
tion pour les colonies de battre monnaie; reprise en mains des services
douaniers — un décret transféra notamment la compétence des jurys
coloniaux, jugés trop complaisants, aux institutions militaires de l'Ami
rauté, dont la cour principale se trouvait à Halifax (Nouvelle Ecosse). Pis,
le décret dit Sugar Act ou Revenue Act d'avril 1764, fut suivi en 1765 par
le fameux Stamp qui mit le feu aux poudres. Le timbre, suivant
l'importance du document, variait d'un penny à six livres. Mais le prin
cipe en était inadmissible pour les colons qui, s'ils avaient toujours admis
les droits de douane parce qu'il s'agissait là d'une réglementation du com
merce extérieur des colonies, refusaient de payer des impôts intérieurs.
La protestation américaine
Le mécontentement des colons s'exprima d'abord sous la forme de
19 de pamphlets, d'articles de journaux, pétitions, essais et dissermons,
cours. Ces écrits innombrables sont très révélateurs de l'idéologie révolu
tionnaire américaine. Leurs auteurs s'inspirent de la Bible, du mouve
ment des Lumières, de la Common Law anglaise et de la littérature classi
que. Ils mettent en évidence la grande influence de cent cinquante ans
d'expérience américaine, expérience qui donne à la Révolution toute sa
force et toute sa spécificité. Les rebelles ne cherchèrent pas à renverser la
société mais à la consolider. Leur but était de conserver leur héritage de
liberté et de réaliser le destin manifeste de l'Amérique protestante. Ils
s'estimèrent toujours profondément anglais, plus anglais, parfois, que les
Anglais de la métropole et se considéraient comme les vrais défenseurs des
traditions nées de la Révolution glorieuse de 1688 qui reconnaissait un
droit de résistance contre la tyrannie. Ajoutons qu'en bons fils de la
Réforme, ils jugèrent nécessaire d'accompagner chaque protestation,
chaque initiative politique d'une légitimation théorique adressée urbi et
orbi.
Si l'on excepte deux auteurs, Thomas Paine et un pasteur baptiste
nommé John Allen, dont les écrits sont violents et qui, d'ailleurs, sont
tous deux Anglais de la métropole, tous les autres pamphlétaires se mont
rèrent étonnement raisonnables. Dans leurs écrits et leurs sermons réson
nent la colère, le mépris, l'indignation, mais jamais la haine et rarement la
peur panique. Ils cherchèrent à convaincre leurs adversaires et non à les
annihiler. Les citations abondent. C'était l'usage alors; on y trouve Vir
gile et Platon côtoyant Shakespeare, Rousseau, Montesquieu et les deux
grands maîtres de la Common Law, Lord Coke et Blackstone. Locke et
Hume occupent bien sûr une place considérable, ainsi que la Bible.
Progressivement, l'idée d'autonomie se fit plus forte et la distance cul
turelle avec les Anglais de la métropole grandit. A partir des années 1770,
l'accent fut mis sur l'appropriation du sol : celui-ci appartenait aux
colons et non à la couronne britannique. Ecoutons Joseph Warren, l'un
des pères de la rébellion au Massachusetts : « Déployant un labeur inces
sant, les colons cultivèrent le sol en friche, et ils défendirent leurs propriét
és durement acquises avec la force d'âme du chrétien et la bravoure du
héros ». Le deuxième facteur qui, selon Warren, contribua à séparer les
colons de la Couronne, fut l'absence de représentations au Parlement.
Par le biais de la question parlementaire, Warren allait mettre en parallèle
la « démocratie » du Massachuset

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