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L'image de l'Islam dans « Une si longue Lettre » de Mariama Bâ∗ Cheikhou Diouf AbstractThis article shows that polygamy is one of the most controversial moslem institutions. Islam authorises it when itbecomes a social necessity. But when men go too far, Islam has no mechanism as to its regulation, as was the case inEgypt in 1926. The banning of marriages between moslem women and Jews or a Christians has nothing to do with theKoran ; it is the outcome of various interpretations :1- The self-centred interpretations of the Koran by a number of people.2- The confusion between clergymen (Jews and Christians) and atheists who under no circumstances are allowed tomarry a moslem woman, and vice versa.3- Sociocultural prejudices.This analysis of the concept of death in Une si longue lettre shows the way Islam is affected by African beliefs amongAfrican moslems. Sacrifies are in keeping with African traditions. Prayers, words, and mourning clothes are Koran-inspired. But ancestral traditions and customs are never far away.N'étant pas spécialiste de la littérature africaine, notre analyse se fera sous l'angle de lacivilisation islamique. Les thèmes abordés dans ce roman sont étroitement liés à l'Islam. Il s'agitnotamment de l'éducation, de la polygamie et de la mort..

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Publié le 21 février 2012
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Langue Français

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 L'image de l'Islam dans « Une si longue Lettre » de Mariama Bâ                                                         Cheikhou Diouf Abstract This article shows that polygamy is one of the most controversial moslem institutions. Islam authorises it when it becomes a social necessity. But when men go too far, Islam has no mechanism as to its regulation, as was the case in Egypt in 1926. The banning of marriages between moslem women and Jews or a Christians has nothing to do with the Koran ; it is the outcome of various interpretations : 1- The self-centred interpretations of the Koran by a number of people. 2  The confusion between clergymen (Jews and Christians) and atheists who under no circumstances are allowed to -marry a moslem woman, and vice versa. -3  Sociocultural prejudices. This analysis of the concept of death in Une si longue lettre shows the way Islam is affected by African beliefs among African moslems. Sacrifies are in keeping with African traditions. Prayers, words, and mourning clothes are Koran-inspired. But ancestral traditions and customs are never far away. N'étant pas spécialiste de la littérature africaine, notre analyse se fera sous l'angle de la civilisation islamique. Les thèmes abordés dans ce roman sont étroitement liés à l'Islam. Il s'agit notamment de l'éducation, de la polygamie et de la mort.. Dans son étude consacrée au roman « une si longue lettre » de Mariama Ba, Marie Gresillon affirme: "Le but du roman est de condamner la polygamie en particulier, pratique bien ancrée dans les mœurs, que personne ne songe à remettre en cause" 1 Cette analyse montre que la polygamie est l’institution islamique la plus critiquée par les femmes intellectuelles. Telle qu'elle est souvent pratiquée, la polygamie semblerait profiter plus aux hommes. Elle devient plus complexe dans les pays musulmans comme le Sénégal, carrefour de rencontres et de brassage des cultures des civilisations: négro-africaine, arabo-islamique et occidentale. Cette complexité se manifeste clairement à travers la pensée de Mariama Bâ, dont l'œuvre a embrassé plusieurs domaines de la vie, en relation avec l'Islam.
                                                Assistant, Université Gaston Berger de Saint-Louis. 1 Marie, Gresillon, Une si longue lettre de Mariama Bâ Issy les Moulineaux les Classiques africaines, 1986, p. 12.
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1.Education L'auteur a reçu une éducation islamique de sa famille et de son entourage, où elle a été initiée à l'école coranique avant d'être formée à l'école occidentale. Cette initiation constitua un temps fort dans sa vie. Dès la première page du roman, elle évoque ses souvenirs de l'école coranique qui sont restés gravés dans sa mémoire " Nous, nous avons usé pagnes et sandales sur le chemin caillouteux de l'école coranique" 2 . Son éducation reflète une fidèle image de la tradition musulmane qui convie hommes et femmes à l'apprentissage du Coran. C'est ce qui, de tout temps, permit aux femmes de jouer un rôle important dans le développement social et culturel de la cité, depuis l’époque des compagnons du Prophète :
Umar Ibn Al-Hattäb s'était fait aider lors de son Halïfa d'une femme parmi les "muhäjirät" ou immigrées quraysit qu'il a nommée contrôleur dans le marché de Médine. Il s'agit de Chifa Bint Abdalläh qui contrôlait les prix et prononçait des jugements en cas de litiges concernant les transactions. Au 2ème siècle de l'hégire, correspondant au 8ème de l'ère chrétienne, le mouvement scientifique islamique a commencé à se développer. Les femmes commencèrent à fréquenter les cercles des causeurs, des théologiens et des savants en religion avant de devenir des savantes et animatrices de cercles, certaines ont connu la célébrité dans les différents pays musulmans. L'une de ces célèbres femmes savantes était la servante de la mère du Calife Al Moqtadir, appelée Thomal. Elle s'est assise en 302 de l'hégire pour juger une affaire opposant deux (2) individus, en se faisant entourer des juges et des savants. Il y avait des divergences de vue entre les savants de l'Islam au sujet de l'exercice des fonctions de juge par une femme. L'Imam Attabarî, l'un des plus éminents exégètes du Coran à son époque, a admis qu'une femme peut être juge 3
Outre la justice, les femmes musulmanes ont en tout temps exercé des fonctions dans tous les domaines de la vie sociale: enseignement, finance, médecine et même armée au besoin, à côté des hommes. Au Sénégal par contre, l'apprentissage des sciences islamiques est un domaine exclusivement réservé aux hommes, sauf dans des cas extrêmement rares, où quelques rares
                                                2 Mariama Bâ : Un si longue lettre, Dakar : Nouvelles Editions Africaines, 1998, p. 7. 3  Shwqi Dayf : L’universalité de l’Islam,  l’Organisation islamique pour l’Education, Les Sciences et la culture (USESCO) 1980, pp 72-73.
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femmes musulmanes sénégalaises dont la connaissance se limite uniquement à la récitation de quelques versets coraniques. En conséquence, certaines inégalités sociales dont les femmes sont victimes au Sénégal et dans certains pays musulmans sont inhérentes à l'ignorance et à une fausse interprétation des normes islamiques. Il va s'en dire que les mouvements féministes musulmans, dont l'objectif principal est bien sûr la promotion et la défense de la cause féminine, doivent s'armer d'une solide connaissance de l'Islam. Les femmes musulmanes critiquent ce qu’elles appellent " l'impérialisme masculin", dû à l'Islam, une religion à laquelle elles croient aveuglément, sans aucune connaissance. Par conséquent, elles confondent souvent la loi islamique avec les coutumes ancestrales. Cette confusion se manifeste dans toutes les pratiques sociales. 2.Mariage polygamique Avant l'Islam, la polygamie était une pratique sociale observée tant dans la société arabe que dans la société négro-africaine. Elle y était pratiquée sans aucune réglementation. Dans son ouvrage relatif au royaume de Ghana, Al-Bakrî écrit :
Un étang-déversoir où poussent des plantes dont la racine est aphrodisiaque au plus haut point. Mais le roi en interdit l'usage, qu'il se réserve à lui seul. Il est vrai qu'il a quantité de femmes. Lorsqu'il veut aller les voir, il les avertit la veille et il prend ce médicament: de la sorte, il les visite toutes l'une après l'autre, sans ressentir la moindre fatigue. Un des rois voisins, musulman, lui fit un présent superbe, en lui demandant un peu de cette racine en échange, il ne reçut qu'un cadeau équivalent, avec une lettre ainsi conçue :" Il n'est permis aux musulmans d'épouser qu'un petit nombre de femmes. Si je t'envoyais la drogue que tu me demandes, je craindrais de te mettre dans un tel état que, ne pouvant te contenir, tu te livrerais à des excès réprouvés par ta religion. Mais je 4 t'envoie une herbe : si tu es impuissant, elle te permettra d'être père
Dans la polygamie traditionnelle, il n'y a aucune condition ni restriction pour le nombre des femmes qu'un homme peut épouser. En cela la loi musulmane paraît plus souple, plus raisonnable et plus en accord avec les besoins de la société. La narratrice qui a connu la
                                                4 Vincent, Monteil : Al Bakrî,  Cordoue 1068 Routiers de l’Afrique blanche et noire du Nord-Ouest , Dakar : IFAN. 1968,p. 69.
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polygamie traditionnelle exprime son regret et son amertume." Je pleurais tous les jours. Dès lors, ma vie a changé. Je m'étais préparée à un partage équitable selon l'Islam, le domaine polygamique. Je n'eus rien entre les mains" 5 . On ne manquera pas de remarquer que la narratrice est l'une des rares romancières et féministes à avoir apprécié la polygamie en Islam, à sa juste valeur. Par cette appréciation, l'auteur fait la différence entre la polygamie en Islam et la polygamie traditionnelle dont elle dit :
Je connais tous les pièges pour avoir fait ma propre expérience. Tu crois simple le problème polygamique. Ceux qui s'y meuvent connaissent des contraintes, des mensonges, des injustices qui alourdissent leusr consciences pour la joie éphémère d'un changement. Ces contraintes, mensonges et ces injustice qui caractérisent cette polygamie 6
Ce genre de mariage dont le motif principal est la joie éphémère d'un changement et du matérialisme, n'a rien de commun avec la polygamie en Islam citée plus haut que " la mosquée où a lieu ce mariage". Cette différence s'explique par les facteurs suivants. En Islam, le mariage est un contrat basé sur un consentement mutuel entre les deux parties contractantes. Ce qui n'est pas le cas pour le mariage de Binetou, la co-épouse de la narratrice.
Sa mère qui veut tellement sortir de sa condition médiocre et qui regrette tant sa beauté fanée dans la fumée des feux de bois; qu'elle regarde avec envie tout ce que je porte: elle se plaint à longueur de journée. Sa fille Binetou, navrée, épouse son " vieux". Sa mère a tellement pleuré. Elle a supplié sa fille de lui " donner une fin heureuse, dans une vraie maison" que l'homme leur a promise. Alors, elle a cédé sous la pression de sa mère " en furie, qui hurle sa faim et sa soif de vivre et des promesses de l'homme en question : villa, pèlerinage à la Mecquee, voiture, rente mensuelle et bijoux. Devant cette situation, Binetou fut sacrifiée "comme beaucoup d'autres sur l'autel du "matériel" 7
                                                5 Maraima Bâ, op cit, p. 69.  6 Mariama Bâ ,op cit p. 36. 7 Idem Ibid p.55.
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Son mariage polygamique est donc conclu sans aucun consentement de sa part. Alors qu'en Islam, l'échange des consentements est une condition sine qua non pour la validité du mariage. Tout consentement donné sous pression ou violence, entraîne la nullité du mariage. Donc le consentement doit être donné, conformément aux règles des valeurs morales et religieuses. Autrement dit, le mariage doit être "un acte de foi et d'amour, un don total de soi à l'être que l'on a choisi et qui vous a choisi » 8 . Tel n'est pas toujours le cas pour la plupart des mariages polygamiques conclus, sous le manteau de l'Islam, dont les recommandations ne sont toujours respectées que par une petite minorité d'hommes conscients de leur responsabilité et de leur autorité mentionnées dans le Coran, « Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu a accordé à certains sur d'autres et en vertu des dépenses qu'ils font pour assurer leur subsistance » 9 En vertu de ce verset, nous comprenons aisément que l'autorité de l’homme sur sa femme signifie que la responsabilité et toute la charge familiale reviennent au mari qui a l'obligation de subvenir à l'entretien de sa femme, quels que soient sa fortune et son rang social comme clairement expliqué dans la sourate II : « C’est au père de l’enfant qu’il incombe de nourrir et de vêtir la mère, conformément aux usages en vigueur. 10  Pour la femme, Dieu a évoqué sa responsabilité en tant que mère : « Nous avons recommandé à l’Homme ( la bienfaisance envers) ses père et mère l’a porté ( pendant 9 mois subissant pour lui peine sur peine). Son sevrage a lieu à deux ans ; sois reconnaissant envers moi ainsi qu’envers les parents 11 . Si l’homme supporte les frais de la famille, l’épouse est responsable de la vie du foyer. Dans un hadîth, le prophète Mouhamed (PSL) explique ce partage de responsabilité entre les deux dans la famille : Ibn Oumar rapporte ces propos du Prophète (PSL) : « chacun de vous est un berger et chacun de vous est responsable de son troupeau. Le prince est un berger, l’homme est un berger pour les membres de sa famille. La femme est un berger dans le foyer de son époux et vis-à-vis de ses enfants. Chacun de vous est un berger et
                                                8 Idem Ibid p 58. 9  Coran , Sourate IV, verset 34. 10  Coran Sopurate II, verset 2 33. 11 . Coran, Sourate XXI, verset 14.
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chacun de vous est responsable de son troupeau » 12 . L’analyse de ces différents passages montre que les époux son égaux devant les droits, devoirs et les responsabilités familiales. A la page 85, Mariama Bâ dénonce l'irresponsabilité, l'inconscience de Tamsir, incapable de respecter les valeurs morales et les principes religieux, violant ainsi la loi fondamentale relative à la polygamie : Et tes femmes, Tamsir? Ton revenu ne couvre ni leurs besoins ni ceux de tes dizaines d'enfants. Pour te suppléer dans tes devoirs financiers, l'une des épouses fait des travaux de teinture. L'autre vend des fruits, la troisième inlassablement tourne la manivelle de sa machine à coudre. Toi, tu te prélasses en seigneur vénéré. Obéi au doigt et à l'oeil. Je ne serai jamais le complément de ta collection. Ma maison ne sera jamais pour toi convoitée: pas des charges supplémentaires; tous les jours, et je serai de tour 13
L'auteur fait ici allusion au partage des nuits entre les épouses. En effet, le verset cité plus haut est d'une importance capitale. La notion de l'autorité dans le mariage musulman qui d'ailleurs pose souvent problème, fait l'objet de contestation de la part du mouvement féministe. L'autorité ou la prééminence est une responsabilité familiale qui n'est pas souvent assumée de la même manière par les hommes auxquels il incombe. L'autorité ou la prééminence de l'homme sur la femme s'explique par sa responsabilité au sein de la famille. Le mari a donc l'obligation de subvenir à l'entretien de sa femme. Il doit la nourrir, la loger l'habiller, s'occuper de sa santé et aussi de l'éducation de ses enfants. En conséquence, Tamsir qui fait que souffrir sa femme, n'a aucun droit à l'obéissance et à l'autorité sur sa femme. 3.Recommandations L'Islam autorise la polygamie, mais à condition que la femme soit consentante. Pour ce faire, il recommande l'équité : "Epousez deux, trois ou quatre parmi les femmes qui vous plaisent, mais si vous craignez de ne pas être équitable entre elles, alors épousez une seule. 14 » . En vertu de ce verset, la narratrice avait eu donc toutes les raisons d'espérer : "Je m'étais préparée
                                                12  An-Nawawî, Les Jardins de la piété, Alif Lyon 1999. p.238. 13 Mariama Bâ op cit , p 85 14  Coran , Sourate IV, verset 3.
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à un partage équitable selon l'Islam, dans le domaine polygamique, mais je n'en ai rien entre les mains" 15 . Contrairement à ce qu'on a l'habitude de dire, l'équité n'est pas une condition pour la conclusion du mariage polygamique. Il est écrit dans le Coran : " Vous ne pouvez jamais être équitables envers vos femmes même si vous en êtes soucieux. Ne vous penchez pas tout à fait vers l’une d’elles au point de laisser l’autre comme en suspens » 16 . C'est à dire dans une situation inconfortable qui ne serait ni celle d'une femme réellement mariée, ni celle d'une femme libre de choisir un époux. Le mari doit traiter ses femmes de la même manière, leur manifester le même égard, leur consacrer le même temps. En somme, il doit vivre la polygamie conformément à la loi. Victime de l'inconscience et de l'irresponsabilité, laissée en suspens et abandonnée avec ses enfants, la narratrice raconte son calvaire dans la vie polygamique :
Le vide m'entourait. Et Modou me fuyait. Les tentatives amicales ou familiales, pour le ramener au bercail, furent vaines. Une voisine du nouveau couple m'explique que la " petite" entrait en transe, chaque fois que Modou prononçait mon nom ou manifestait le désir de voir ses enfants? Il ne vint jamais plus, son nouveau bonheur recouvrit petit à petit notre souvenir. Il nous oublia 17 .
La situation est presque identique dans plusieurs familles polygamiques. La plupart des femmes sont souvent abandonnées au profit d'une plus jeune co-épouse surtout en milieu urbain comme le confirme ce passage: "J'avais entendu trop de détresses, pour ne pas comprendre la mienne. Ton cas, Aïssatou, le cas de bien d'autres femmes, méprisées, reléguées ou échangées, dont on s'est séparé comme d'un boubou usé ou démodé" 18 . En outre, à côté de ces femmes abandonnées et oubliées qui vivent en détresse, il y a d'autres familles polygames où règnent la tranquillité, la paix, la cohésion et le bonheur. Cette contradiction s'explique par la multiplicité des véritables causes des maux dont souffrent les femmes dans les mariages polygamiques. En effet, la loi islamique autorise la polygamie mais à condition que la femme elle-même soit                                                 15 Mariama Bâ op cit p. 24. 16 Coran, Sourate IV , verset 129. 17 Mariama Bâ op cit ,p 69. 18 Mariama Bâ op cit , p. 62.
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d'accord et consente à ce genre de mariage. Nous avons expliqué qu'on ne peut pas obliger une femme à contracter mariage sans son consentement.. Mais si la deuxième, la troisième ou la quatrième accepte d'être une co-épouse, dans ce cas, ce n'est vraiment pas à la loi islamique qu'il faut s'en prendre :
Quant à la première femme, la polygamie dépend d'elle, lors de son mariage, elle peut faire figurer dans le contrat que son mari restera monogame, cette clause sera aussi valable qu'aux yeux de la loi islamique que n'importe quelle autre clause d'un contrat légal. Si donc une femme ignore ou ne veut pas se servir de ce droit, cc n'est pas à la législation islamique de l'y obliger 19 . En tant que facteur social, l'Islam ne s'oppose pas à l'interdiction de la polygamie ni à sa limitation à deux, à trois ou à quatre femmes si la communauté en décide ainsi. Mais au Sénégal, son interdiction ou sa limitation mérite une réflexion, car d'autres maux pourraient en découler, pour la société ou pour les femmes : Je pense à Jacqline, qui en fut atteint. Jacqline cette Ivoirienne qui avait désobéi à ses parents protestants pour épouser Samba Diack. En regagnant le Sénégal , elle atterrissait dans un monde différent de réactions, tempéraments et mentalité de celui où elle avait évolué. De plus, les parents de son mari-toujours les parents- la boudaient d’autant plus qu’elle ne voulait pas embrasser la religion musulmane et elle allait tous les dimanches au Temple Protestant. 20 Dans ce passage, l’auteur a touché du doigt un problème social d’actualité au Sénégal. Il s’agit du mariage entre musulmans et les non musulmans en Islam. Cette question d’une importance capitale mérite d’être abordée avec réalisme et objectivité. Pour ce faire il faut nécessairement l’analyser à la lumière du Coran. En Islam, les non musulmans se classent en deux (2) catégories : 1-Ahl-Alkitâb : gens du Livre (Juifs et Chrétiens). 2- Al-Musrikûn (Associateurs) ou Kuffâr ( Mécréants). Pour les premiers, ils ont un statut spécial en Islam. Par conséquent, le Coran a permis aux Musulmans d’épouser leurs femmes : « Vous sont permises (d’épouser) les femmes chastes parmi les croyants et les femmes chastes parmi ceux qui ont reçu le Livre avant vous (Juifs et
                                                19  La femme musulmane. Ses droits et ses devoirs, Kuwait : : Scientific research House t 1985,p.13. 20 Mriama Bâ op cit p. 64.
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Chrétiens) si vous leur donnez leur dot » 21 . En effet, si le Coran a permis au Musulman d’épouser une juive ou une chrétienne, il n’a pas dit si une musulmane peut épouser un juif ou un chrétien. Ce silence a été interprété comme interdiction mais en réalité il n’y a pas d’interdiction divine. Quant aux mécréants ou associateurs, leur mariage avec les musulmans est formellement interdit : « N’épousez pas les femmes associatrices tant qu’elles n’auraient pas la foi. Et ne donnez pas d’épouses aux associateurs tant qu’ils n’auront pas la foi » Coran, Sourate II, verset 221). Au sujet des femmes qui s’étaient exilées à Médine, le Coran précise : « Si vous savez qu’elles sont croyantes, ne les rendez pas alors aux mécréants. Ni elles ne leur sont permises (comme épouses), ni eux ne leur permis (comme époux) Coran Sourate LX verset 10). A la lumière de ces versets, il est clair qu’en aucun cas le mariage entre musulman et mécréant ne peut être permis. A ce sujet, le docteur Youcef Quaraddhaoui écrit : Bien qu’accusant les gens du Livre (Juifs et Chrétiens) de mécréants et d’errance, l’Islam a permis au musulman que les femmes des gens du Livre, tout en gardant sa propre religion d’être son épouse, la maîtresse de sa maison, sa source de tranquillité et la joie et la mère de ses enfants. Selon l’auteur, L’Islam a uniquement permis au musulman d’épouser une juive ou une chrétienne, mais il n’a jamais permis à la musulmane d’épouser un juif ou un chrétien. Car dit-il- l’homme est le maître de la maison. C’est celui qui veille aux intérêts de la femme et qui en est responsable. Cette interdiction jouit du consensus de tous les musulmans. Le principe de base en cela est qu’il doit absolument respecter la croyance de sa femme afin d’assurer la sincérité de leur rapport 22                     En effet, une analyse objective de ce texte confirme que l’interdiction faite à une musulmane d’épouser un juif ou un chrétien n’est pas une interdiction divine. Mais elle a pour origine : 1-L’interprétation personnelle du silence du Coran sur la question. 2-La confusion faite entre les gens du Livre ( Juif et Chrétien) et les mécréants ou associateurs. 3- Préjugé socioculturel. A cet égard, le comportement de Samba Diack est révélateur:
                                                21  Coran, Sourate V, verset 5. 22  Docteur Youcef Quaradhaui: Le Licite et l’Illicte en Islam . Okad Paris ,1990, pp156-157.
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Son mari qui revenait de loin, passait ses loisir à pourchasser les sénégalaises "fine", et ne prenait pas la peine de cacher ses aventures, ne respectait ni sa femme ni ses enfants. Son absence de précautions mettait sous les yeux de Jacqueline les preuves irréfutables de son inconduite: mots d'amour, talons de chèques portant les noms des bénéficiaires, factures de restaurants et de chambre d'hôtel. Jacqueline pleurait, Samba Diack "noçait". Jacqueline maigrissait. Samba Diack "noçait" toujours" 23
La situation de Jacqueline s'explique par l'irresponsabilité de certains pères de familles dont les épouses sont victimes. Ce comportement est donc un problème de société et de mentalité. Par ailleurs, l'analyse de l'ensemble de ces mariages contractés révèle que la polygamie s'explique par plusieurs facteurs. 1- Le désir de changement : il est l’un des principaux motifs de la polygamie. Pour expliquer les raisons, le professeur Dilian Van Loom des Etats Unis  écrit :
 L’expérience et les lois psychiques ont prouvé que les hommes et les femmes après une période de leur vie conjugale, n’ont plus attrait l’un pour l’autre, c’est pour cela qu’ils sont victimes de déviation sexuelle. Une étude a montré que 65,3 % des hommes mariés trompent leurs femmes en Occident 24 .  Par ailleurs, quand on se limite uniquement à l’aspect sexuel du mariage, on peut penser que la polygamie en Islam est une loi antiféministe qui favorise l’homme en lui permettant d’épouser jusqu’à quatre femmes. Mais, il est important de signaler que cette opinion n’est pas partagée même en Europe, où les valeurs chrétiennes sont encore respectées. Le célèbre philosophe allemand Arthur Schopenhaner, dans son ouvrage sur les femmes, écrit :     Chez un peuple où la polygamie est légale, il y a beaucoup de chance que la majorité des femmes possèdent un mari et un enfant, c’est-à-dire que leurs exigences psychiques et instinctives soient satisfaites. Mais en Europe où l’Eglise nous l’interdit, les femmes mariées sont plus nombreuses. Mais combien de femmes et de filles ont dû souffrir amèrement de l’absence de maris et d’enfants et combien d’entre elles, sont sous la
                                                23 Mariama Bâ op cit , p 64. 24  Cf. Seyyed Mojtaba Moussavi Lâri:  L’Islam et la civilisation Occidentale. Teheran :  centre de la diffusion des connaissances islamique , 1993, p..232.
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pression des instincts sexuels et d’autre obligation, ont dû se souiller 25        Outre la satisfaction psychique et instinctive, la polygamie assure à la majorité des femmes l’équilibre social. En effet, l’analyse du verset 129 de la sourate IX cité plus haut, révèle que la polygamie en Islam a pour objectif principal d’assurer la protection sociale et de répondre aux exigences naturelles et légitimes de la majorité des femmes. Et si une femme accepte de partager sa vie conjugale avec une ou plusieurs autres femmes, c’est parce qu’elle préfère la polygamie à la solitude. Est-il raisonnable de l’obliger à mourir dans la solitude ?. Pourquoi donc les hommes qui ont les moyens financiers et capables d’établir la justice entre leurs femmes, n’auraient-il pas le droit d’épouser des pauvres femmes afin de leur assurer la protection sociale, d’améliorer leurs conditions de vie et de préserver la société de la dépravation des mœurs ?. L’expérience a montré que la femme est la cause principale de la prostitution dans le monde. A cet effet, le docteur Gustave Lebon écrit :   Aucune coutume orientale n’a été aussi mal présentée en Europe que la polygamie et les opinions n’y ont jamais été aussi erronées. Je suis étonné et ne vois pas en quoi la polygamie légitime orientale est-elle inférieure à la polygamie hypocrite à l’occidentale. Je pense même que la polygamie légitime est plus convenable 26 .
  2- Par rapport à la pression familiale et l'attachement à la tradition et aux coutumes ancestrales l’auteur d’Une si longue lettre écrit à ce sujet:    un beau jour, Tante Nabou convoqua Mawdo et lui dit: " Mon frère Farba t'a donné la petite Nabou comme femme pour me remercier de la façon digne dont je l'ai élevée. Si tu ne la gardes pas comme épouse, je ne m'en relèverai jamais. La honte tue plus vite que la maladie". C'est pour ne pas voir sa mère mourir de honte et de chagrin que Mawdo était décidé à se rendre au rendez- vous de la nuit nuptiale. Devant cette mère , pétrie de morale ancienne, brûlée intérieurement par les féroces lois antiques, que pouvait Mawdo?. Tous les deux jours, il se rendait, la nuit, chez sa mère, voir l'autre épouse, pour que sa mère "ne meure pas", pour accomplir un devoir 27 .                                                 5 2 Seyyed Moujtaba Moussavi Lâri op cit p. 242. 26 Cf. Seyyed Mojtaba Moussavi Lâri op ct p. 243. 27 Mariama Bâ op cit p. 48.
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