Secta : de la ligne de conduite au groupe hétérodoxe - article ; n°1 ; vol.219, pg 5-33
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Revue de l'histoire des religions - Année 2002 - Volume 219 - Numéro 1 - Pages 5-33
Le mot secta désigna longtemps, sans connotation défavorable, une ligne de conduite ou une doctrine, surtout en parlant de philosophie. Les chrétiens lui donnèrent un sens religieux en l'utilisant, concurremment au calque haeresis, pour traduire le grec hairèsis, appliqué dès le Nouveau Testament aux groupes dissidents ou hétérodoxes. Secta suggère la déviation d'une coterie rebelle à l'unité de l'Église catholique. Ce glissement vers l'idée moderne de « secte » s'officialise à l'avènement du christianisme d'État (391-392). Au pluralisme antique, qui tenait la variété des « sectes » pour un signe de santé intellectuelle, succède une religion exclusive imposant un dogme unique. Secta tend dès lors à se confondre avec haeresis, et son emploi neutre se confine aux sciences.
From opinion to heresy : the semantic evolution of the word « secta », from its origins to the Early Middle Ages
The word secta, originally devoid of negative connotations, long referred to a line of intellectual or moral conduct, particularly in philosophy. Christians gave the term a religious overtone by using it, adjoined to the calque haeresis, to translate the Greek hairèsis, used even in the New Testament to mean dissenting or heterodox groups. Secta suggested the deviation and indiscipline of a circle placing itself outside the Catholic Church. This semantic shift towards the modern idea of a « sect » was for a long time incidental, until the adoption of Christianity as a State religion (391-392) officialized it. Classical pluralism, which considered the variety of « sects » as a sign of intellectual health, was thus replaced by an exclusive religion imposing an indisputable dogma. Secta tended to become a synonym of haeresis, and its use in a non-pejorative sense was limited to science.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pascal Boulhol
Secta : de la ligne de conduite au groupe hétérodoxe
In: Revue de l'histoire des religions, tome 219 n°1, 2002. pp. 5-33.
Résumé
Le mot "secta" désigna longtemps, sans connotation défavorable, une ligne de conduite ou une doctrine, surtout en parlant de
philosophie. Les chrétiens lui donnèrent un sens religieux en l'utilisant, concurremment au calque "haeresis", pour traduire le
grec "hairèsis", appliqué dès le Nouveau Testament aux groupes dissidents ou hétérodoxes. "Secta" suggère la déviation d'une
coterie rebelle à l'unité de l'Église catholique. Ce glissement vers l'idée moderne de « secte » s'officialise à l'avènement du
christianisme d'État (391-392). Au pluralisme antique, qui tenait la variété des « sectes » pour un signe de santé intellectuelle,
succède une religion exclusive imposant un dogme unique. "Secta" tend dès lors à se confondre avec "haeresis", et son emploi
neutre se confine aux sciences.
Abstract
From opinion to heresy : the semantic evolution of the word « secta », from its origins to the Early Middle Ages
The word "secta", originally devoid of negative connotations, long referred to a line of intellectual or moral conduct, particularly in
philosophy. Christians gave the term a religious overtone by using it, adjoined to the calque "haeresis", to translate the Greek
"hairèsis", used even in the New Testament to mean dissenting or heterodox groups. "Secta" suggested the deviation and
indiscipline of a circle placing itself outside the Catholic Church. This semantic shift towards the modern idea of a « sect » was for
a long time incidental, until the adoption of Christianity as a State religion (391-392) officialized it. Classical pluralism, which
considered the variety of « sects » as a sign of intellectual health, was thus replaced by an exclusive religion imposing an
indisputable dogma. "Secta" tended to become a synonym of "haeresis", and its use in a non-pejorative sense was limited to
science.
Citer ce document / Cite this document :
Boulhol Pascal. Secta : de la ligne de conduite au groupe hétérodoxe. In: Revue de l'histoire des religions, tome 219 n°1, 2002.
pp. 5-33.
doi : 10.3406/rhr.2002.976
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2002_num_219_1_976.
PASCAL BOULHOL
Université de Provence ( Aix-Marseille I)
Secta : de la ligne de conduite
au groupe hétérodoxe
Évolution sémantique л
jusqu'au . début du Moyen Âge
Le mot secta désigna longtemps, sans connotation défavorable, une ligne
de conduite ou une doctrine, surtout en parlant de philosophie. Les chrétiens
lui donnèrent un sens religieux en l'utilisant; concurremment au calque hae-
resis, pour, traduire le grec hairèsis, appliqué dès le Nouveau Testament aux
groupes dissidents ou hétérodoxes. Secta suggère la déviation d'une coterie
rebelle à l'unité de l'Église catholique. Ce glissement vers l'idée moderne de
«secte» s'officialise à l'avènement du christianisme d'État (391-392). Au
pluralisme antique, qui tenait la variété des « sectes » pour un signe de santé
intellectuelle, succède : une religion exclusive imposant • un ■ dogme unique.
Secta tend dès lors à se confondre avec haeresis, et son emploi neutre se
confine aux sciences..
From opinion to heresy :
the semantic evolution of the word «secta»,
from its origins to the Early Middle Ages
The word secta, originally devoid of negative connotations; long referred-
to a line of intellectual or moral conduct, particularly in philosophy. Chris
tians gave the term a religious overtone by using it, adjoined to the caique-
haeresis, to translate the Greek hairèsis, used even in the New Testament to
mean • dissenting or heterodox groups. Secta suggested the deviation and :
indiscipline of a circle placing itself outside the Catholic Church. This
semantic shift towards the modern idea of a « sect » was for a long time
incidental, until the adoption of Christianity as a State religion (391-392)
officialized it. Classical pluralism, which considered the variety of « sects »
as a sign of intellectual health, was thus replaced by an exclusive religion
imposing an indisputable dogma. Secta tended to become a synonym of haer
esis, and its use in a non-pejorative sense was limited to science:
Revue de l'histoire des religions. 219 - 1/2002, p. 5 à 33 ■■
substantif féminin secta i est' issu; du verbe* déponent» sequi; Le.
« suivre »1. Les Anciens le savaient, même si certains, par erreur, ratta
chaient le mot non seulement , à sequi, mais encore , à secare, . « cou
per »2. La secta est le fait de « suivre » quelque chose ou quelqu'un, ou
plus précisément, c'est d'abord le chemin ou la ligne fictifs qu'on suit
pour atteindre un but. Le terme appartient à la même famille lexicale
que l'adjectif secundus ( « suivant », d'où « second » ) et que la prépos
ition secundum ( « en », « le long : de », et : finalement, au ;
figuré, « suivant », « selon » ).
Communes ou • spécialisées, profanes ou religieuses, les acceptions •
de secta • dans - la langue des * premiers siècles > furent - nombreuses et
variées, ce qui ne facilite pas la tâche du, traducteur. Heureusement
pour lui, les auteurs chrétiens, conscients de cette polysémie, caractéri
sent ou environnent le mot de telle façon que le doute est assez rare.
Se proposant d'éclairer la complexité sémantique de secta et son évo
lution, notre brève enquête se divisera en deux grandes , sections :
l'emploi du mot- chez les auteurs préchrétiens ou non chrétiens
1. Voir. Alfred < Ernout et Antoine Meillet, Dictionnaire étymologique de la
langue latine; Paris, 1959- 19604, p. 608. Sur sequor comme déponent : Pierre Flo-
bert, Les verbes déponents latins, des origines à Charlemagne, Paris, Les Belles Let
tres, 1975, p. 48 et n. 3.
2. C'est le cas, au début du Ve s., de Servais, ad Aeneid. 6, 899 : secat tenet ;.
unde et « sectas » dicimus ab eo quod propositum tenent ( « "coupe" : "tient" ; d'où
vient notre mot sectae, du fait que celles-ci s'en tiennent ' à leur dessein » ). Il
donne au syntagme virgilien ille viam secat le sens de «il (main)tient sa route»,
alors que le sens est «il coupe la voie», Le. «il coupe au plus court» (Jacques
Perret). Servius - qui, comme après lui Isidore, croit les verbes sequi et secare
apparentés, et qui. dérive sans doute celui-ci de celui-là (cf. son commentaire à
Aen. 10, 107 : secat sequitur, tenet, habet, ut <VI 899> « ille viam secat ad
navem » : unde et sectas dicimus habitus animorum et instituta philosophiae circa
disciplinám) -, a d'autant plus facilement cédé à ce rapprochement que le verbe:
avait pour complément d'objet viam, qui suggère l'idée de « voie à suivre ». Isidore
de Seville, Differentiae, 17 (282), éd. С. Codofler, 1992, p. 94, dérive lui aussi secta *
de secare (Secta autem a divisione dicta est; quasi sectio), mais donne la bonne
etymologie dans ses Etymologiae (ou Origines); VIII, 3, 4 (Secta a sequendo et
tenendo nominata). Pour d'autres - exemples, v. Robert Maltby, A : Lexicon of
Ancient Latin Etymologies; -.Leeds, F. Cairns, 1991, p. 555. Le bref article de
Robert Schilling, « Le mot secta est-il frappé d'une ambiguïté originelle ? », in r
J. Granarolo (éd.), De la préhistoire à Virgile : philologie, littératures et histoires
anciennes. Hommage à René Braun, t. I, Nice, 1990, p. 245-251; comporte des
erreurs et des omissions : l'auteur ignore visiblement la définition des Differentiae
d'Isidore, et sa conviction de prouver que Servius ne dérive pas secta de secare
(p. 246 sq.) lui est propre. :
SECTA
( « païens » ) ; . l'emploi du : mot chez les ; chrétiens3. Cette manière : de
procéder, qui nous paraît la moins mauvaise,- expose toutefois à quel
ques redites, dont nous prions le lecteur de nous excuser.
LES EMPLOIS PAÏENS .<
« LIGNE DE CONDUITE »
La plus ancienne acception du terme secta, encore très proche de
son etymologie, est « ligne (ou règle) . de conduite », « maxime » (au
sens classique); « parti » (qu'on prend). Le mot relève de la sphère pra
tique ou éthique, du champ de l'action4.. Le p

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