Théognis et Mégare. Le poète dans l’âge de fer - article ; n°3 ; vol.201, pg 239-279
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Revue de l'histoire des religions - Année 1984 - Volume 201 - Numéro 3 - Pages 239-279
A partir de l'image clé du navire de l'Etat en proie à la tempête, métaphore de la Cité affligée par la discorde civile, la poésie de Théognis, message volontairement ambigu adressé aux agathoi, est analysée comme une œuvre générique, mettant en scène l'histoire politique et sociale de Mégare, et destinée à atteindre un auditoire panhellénique. La personnalité du poète, dans son rapport à la dikè dont la rectitude rituelle n'a d'égal que celle du législateur inspiré par Delphes, semble moins historique que mythique, et, comme la figure d'Hésiode, modelée par la poésie elle-même. Poète générique, Théognis pense la décadence de Mégare sur le mode du mythe hésiodique des races, d'un âge d'or à un âge de fer.
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Gregory Nagy
Théognis et Mégare. Le poète dans l’âge de fer
In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°3, 1984. pp. 239-279.
Résumé
A partir de l'image clé du navire de l'Etat en proie à la tempête, métaphore de la Cité affligée par la discorde civile, la poésie de
Théognis, message volontairement ambigu adressé aux "agathoi", est analysée comme une œuvre générique, mettant en scène
l'histoire politique et sociale de Mégare, et destinée à atteindre un auditoire panhellénique. La personnalité du poète, dans son
rapport à la "dikè" dont la rectitude rituelle n'a d'égal que celle du législateur inspiré par Delphes, semble moins historique que
mythique, et, comme la figure d'Hésiode, modelée par la poésie elle-même. Poète générique, Théognis pense la décadence de
Mégare sur le mode du mythe hésiodique des races, d'un âge d'or à un âge de fer.
Citer ce document / Cite this document :
Nagy Gregory. Théognis et Mégare. Le poète dans l’âge de fer. In: Revue de l'histoire des religions, tome 201 n°3, 1984. pp.
239-279.
doi : 10.3406/rhr.1984.4310
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1984_num_201_3_4310THÉOGNIS ET MÉGARE
. Le poète dans l'âge de fer* 1
A partir de Vimage clé du navire de VElal en proie à la
tempête, métaphore de la Cité affligée par la discorde civile, la
poésie de Théognis, message volontairement ambigu adressé aux
agathoi, est analysée comme une œuvre générique, mettant en
scène Vhistoire politique et sociale de Mégare, et destinée à
atteindre un auditoire panhellénique. La personnalité du poète,
dans son rapport à la dikè dont la rectitude rituelle n'a d'égal que
celle du législateur inspiré par Delphes, semble moins historique
que mythique, et, comme la figure d'Hésiode, modelée par la poésie
elle-même. Poète générique, Théognis pense la décadence de
Mégare sur le mode du mythe hésiodique des races, d'un âge d'or
à un âge de fer.
* Cet article, qui reprend et réélabore les thèmes d'une série de conférences
faites en 1982 à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (Centre de
Recherches comparées sur les Sociétés anciennes), prend place dans une enquête
plus ample dont les résultats paraîtront ultérieurement. Je tiens à remercier
chaleureusement Jeannie Carlier, qui a assuré la traduction de ce texte ; que
soit aussi remerciée Nicole Loraux pour l'écoute et l'attention qu'elle n'a cessé
de prêter à cette recherche.
1. Les traductions sont proposées comme outils d'exégèse plutôt que
comme résultats définitifs. Les citations de Solon et d'autres poètes élégiaques,
à l'exception de Théognis, suivent la numérotation de B. Gentili et C. Prato (éd.),
Poetae Elegiaci, I (Leipzig, 1979) ; la numérotation de M. L. West (éd.), Iambi
et Elegi Graeci I /II, Oxford, 1971-1972, est habituellement ajoutée entre
crochets droits.
Revue de l'Histoire des Religions, cci-3/1984 240 Gregory Nagy
§ 1. je « Si n'éprouverais j'avais mes biens nulle [khrëmata], gêne3 à me Simonide2, trouver parmi les nobles
[agathoi]*.
Mais aujourd'hui mes biens m'échappent, quoique j'aie été
conscient6, et je suis sans voix
parce que je suis sans biens6, et pourtant [si je parlais], je
serais plus conscient que beaucoup de gens7,
conscient que maintenant nous sommes emportés, voiles
blanches baissées
au-delà de la mer de Mélos, à travers la nuit ténébreuse,
et ils refusent d'écoper, et la mer passe par-dessus le bord,
des deux côtés. Il est difficile pour quiconque
de se sauver, avec tout ce qu'ils font. Ils ont déposé le pilote
[kubernëtës],
un homme noble [esthlôs], qui montait la garde, avec intelligence.
Ils s'emparent par force [bië] des biens [khrëmata] et V ordre
[kôsmos] a disparu,
il n'y a plus de division équitable [des biens] dans l'intérêt
commun
mais les marchands commandent, et les vilains [kakoi] dominent
les nobles [agathoi].
Je crains qu'une vague ne submerge le navire.
Que ces paroles restent alliisives [ainigmata], cachées par moi à
l'intention des nobles [agathoi] ;
on peut être conscient même d'un malheur [futur], si l'on est
habile [sophôs], »
Théognis, 667-682.
§ 2. Ces vers, dont je défendrai la traduction dans les pages
qui suivent, présentent le premier exemple d'un thème qui
2. Il y a peu à dire en faveur de l'opinion (fondée largement ici sur le nom
« Simonide ») selon laquelle ces vers devraient être attribués à Evénos de Paros ;
pour un résumé impartial des arguments en faveur de cette théorie, voir
B. A. Van Groningen (éd.), Théognis : Le premier livre, Amsterdam, 1966. Il
est vrai qu'on attribue à Evénos la composition d'un vers identique au vers 472
de Théognis, mais le phénomène des doublets — passages identiques dans les
traditions textuelles de Théognis et d'autres poètes déterminés — peut géné
ralement s'expliquer comme des reflets de l'héritage commun du style poétique
traditionnel. J'ai développé longuement cet argument dans Poet and Tyrant :
Theognidea 39-52, 1081-1082 b, Classical Antiquity, 2 (1983), p. 82-91.
3. Pour la syntaxe de ^8y] dans le vers 667 de Théognis, voir M. L. West,
Studies in Greek Elegy and Iambus, Berlin, 1974, p. 157.
4. Pour la syntaxe, voir Van Groningen (n. 2), p. 263-264.
5. Le participe ywaoxovzu. au vers 669 est, semble-t-il, un accusatif
masculin singulier, non un nominatif neutre pluriel ; cf. Théognis, 419 : a
|ze ouviévxa 7rapépxsToci.
6. Cf. encore Théognis, 419-420 et 177-178.
7. La traduction de ce vers suit l'interprétation de West (n. 3), p. 157. Théognis et Mégare 241
deviendra commun, traditionnel dans la poésie grecque : la
polis, la « cité-Etat », est affligée par la discorde sociale
ou — pour employer le mot grec — par la stasis8, et ce
malheur est ici assimilé à une violente tempête qui menace
le navire de l'Etat9. L'assimilation est faite, comme le révèle
le poème lui-même, dans un langage poétique cryptique et
ambigu, destiné à n'être compris que par les agathoi ou
« nobles » — à l'exclusion de ceux qui sont kakoi (« vilains »)10.
Le caractère énigmatique et exclusif de cette poésie, sou
ligné par l'expression xexpujxfxévoc toï£ àyaGowriv (« cachées à
l'intention des agathoi ») au vers 681, s'exprime aussi dans
le même vers par le mot fjvtxOw, impératif parfait du verbe
ainissomai (« dire des paroles allusives » ; pour la sémantique,
voir le nom dérivé ainigma, « énigme, devinette », comme
dans Sophocle, Œdipe-Roi, 393, 1525). Le même caractère
d'ambiguïté, d'exclusivité s'attache au nom dont dérive le
verbe ainissomai : il s'agit du mot aînos, désignant un mode
de discours poétique que seul l'auditoire à qui il est destiné
peut comprendre sans erreur11. Pour user de la terminologie
de l'Ecole linguistique de Prague : Y aînos comporte un code
avec au moins deux messages — le message vrai, pour l'audi
toire visé, et le message faux, ou brouillé, pour tous les autres.
La place manque ici pour traiter des détails qui ont été ras
semblés ailleurs12 ; il suffira de citer l'un des mots utilisés
dans le langage traditionnel de Yaînos pour désigner ceux
qui entendent son message vrai : le mot est sophôs qui,
dans le contexte de Yaînos, ne signifie pas simplement
« habile », mais « habile à comprendre la poésie »13. Une
telle sophiê (« habileté ») s'applique de la même façon au
8. Occurrences du mot stâsis chez Théognis : vv. 51, 781, 1082.
9. Autre exemple fondamental : Alcée, fr. 326 lp ; il faut noter l'expression
« stàsis des vents » au vers 1.
10. Que les kakoi sont réellement exclus apparaîtra, on l'espère, dans le
cours de la discussion.
11. Les arguments sont présentés in G. Nagy, The B

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