Jitsukaga, yamabushi des premières années de Meiji, et le shugendô - article ; n°2 ; vol.193, pg 187-211
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1978 - Volume 193 - Numéro 2 - Pages 187-211
La pratique de l'abandon du corps est bien connue au Japon par un certain nombre de textes qui permettent d'en faire remonter les débuts à l'êpoque de Nara. Or, non seulement l'authenticité, mais aussi la persistance de cette pratique jusqu'à l'ère Meiji, furent confirmées par les traditions orales et écrites relatives au yamabushi Jitsukaga.
La vie de celui-ci, essentiellement vouée à l'ascèse dans les montagnes, et ce qui fit l'essentiel de sa foi et de sa pensée, sont en effet relatés par les écrits qu'il laissa et par ceux de ses fidèles. L'abandon volontaire qu'il fit de son corps en 1884, en se jetant du haut de la cascade de Nachi, confirmé par les récits de ceux qui sortirent son corps de l'eau et l'enterrèrent, est à l'origine du culte qui lui est encore rendu actuellement. C'est par là qu'il reçut l'appellation de « Jitsukaga Reijin » (âme divinisée).
L'examen des textes de sa main ou des livres de prière et rituels qui étaient en sa possession, révèle que ceux-ci avaient pour principales sources à la fois le bouddhisme ésotérique et un ensemble de conceptions appuyées sur le Sûtra du Lotus (Hokekyô). C'est là un trait commun aux différents foyers du shugendô, pour lesquels l'ascèse consistant à réciter ou à copier et enterrer ce sutra, est par excellence le moyen d'expier ses fautes et celle d'autrui, condition même de l'obtention de l'état de Bouddha en son corps (sokushinjôbutsu).
L'époque critique que fut pour le bouddhisme et le shugendô cette période de Meiji, ne fut pas sans donner naissance à des mouvements d'opposition. C'est dans ce sens que l'on peut considérer la lutte isolée de Jitsukaga, qui tenta de restaurer la pratique essentielle pour le shugendô de l'entrée dans la montagne, sur toute la longueur du mont Omine, et fit preuve par ailleurs dans ses activités d'une volonté de préservation de la tradition.
Ainsi l'abandon du corps du yamabushi Jitsukaga, qui en lui-même est l'ascèse ultime du shugendô, doit-il en outre recevoir l'éclairage particulier de son époque pour trouver sa place dans l'histoire du shugendô.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A.-M. Bouchy
Jitsukaga, yamabushi des premières années de Meiji, et le
shugendô
In: Revue de l'histoire des religions, tome 193 n°2, 1978. pp. 187-211.
Résumé
La pratique de l'abandon du corps est bien connue au Japon par un certain nombre de textes qui permettent d'en faire remonter
les débuts à l'êpoque de Nara. Or, non seulement l'authenticité, mais aussi la persistance de cette pratique jusqu'à l'ère Meiji,
furent confirmées par les traditions orales et écrites relatives au "yamabushi" Jitsukaga.
La vie de celui-ci, essentiellement vouée à l'ascèse dans les montagnes, et ce qui fit l'essentiel de sa foi et de sa pensée, sont en
effet relatés par les écrits qu'il laissa et par ceux de ses fidèles. L'abandon volontaire qu'il fit de son corps en 1884, en se jetant
du haut de la cascade de Nachi, confirmé par les récits de ceux qui sortirent son corps de l'eau et l'enterrèrent, est à l'origine du
culte qui lui est encore rendu actuellement. C'est par là qu'il reçut l'appellation de « Jitsukaga Reijin » (âme divinisée).
L'examen des textes de sa main ou des livres de prière et rituels qui étaient en sa possession, révèle que ceux-ci avaient pour
principales sources à la fois le bouddhisme ésotérique et un ensemble de conceptions appuyées sur le Sûtra du Lotus
("Hokekyô"). C'est là un trait commun aux différents foyers du "shugendô", pour lesquels l'ascèse consistant à réciter ou à copier
et enterrer ce sutra, est par excellence le moyen d'expier ses fautes et celle d'autrui, condition même de l'obtention de l'état de
Bouddha en son corps ("sokushinjôbutsu").
L'époque critique que fut pour le bouddhisme et le "shugendô" cette période de Meiji, ne fut pas sans donner naissance à des
mouvements d'opposition. C'est dans ce sens que l'on peut considérer la lutte isolée de Jitsukaga, qui tenta de restaurer la
pratique essentielle pour le "shugendô" de l'entrée dans la montagne, sur toute la longueur du mont Omine, et fit preuve par
ailleurs dans ses activités d'une volonté de préservation de la tradition.
Ainsi l'abandon du corps du "yamabushi" Jitsukaga, qui en lui-même est l'ascèse ultime du "shugendô", doit-il en outre recevoir
l'éclairage particulier de son époque pour trouver sa place dans l'histoire du "shugendô".
Citer ce document / Cite this document :
Bouchy A.-M. Jitsukaga, yamabushi des premières années de Meiji, et le shugendô. In: Revue de l'histoire des religions, tome
193 n°2, 1978. pp. 187-211.
doi : 10.3406/rhr.1978.6665
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1978_num_193_2_6665ÎJf
JITSUKAGA
YAMABUSHI DES PREMIÈRES ANNÉES DE MEIJI
ET LE SHUGENDÔ
La pratique de V abandon du corps est bien connue au Japon
par un certain nombre de textes qui permettent d'en faire remonter
les débuts à Vêpoque de Nara. Or, non seulement l'authenticité,
mais aussi la persistance de cette pratique jusqu'à l'ère Meiji,
furent confirmées par les traditions orales et écrites relatives au
yamabushi Jitsukaga.
La vie de celui-ci, essentiellement vouée à V ascèse dans les
montagnes, et ce qui fit l'essentiel de sa foi et de sa pensée, sont
en effet relatés par les écrits qu'il laissa et par ceux de ses fidèles.
L'abandon volontaire qu'il fit de son corps en 1884, en se jetant
du haut de la cascade de Nachi, confirmé par les récils de ceux
qui sortirent son corps de Veau et l'enterrèrent, est à l'origine du
culte qui lui est encore rendu actuellement. C'est par là qu'il
reçut l'appellation de « Jitsukaga Reijin » (âme divinisée).
L'examen des textes de sa main ou des livres de prière et
rituels qui étaient en sa possession, révèle que ceux-ci avaient
pour principales sources à la fois le bouddhisme ésotérique et
un ensemble de conceptions appuyées sur le Sûtra du Lotus
(Hokekyô). C'est là un trait commun aux différents foyers du
shugendô, pour lesquels l'ascèse consistant à réciter ou à copier
et enterrer ce sutra, est par excellence le moyen d'expier ses
fautes et celle d'aulrui, condition même de l'obtention de l'état
de Bouddha en son corps (sokushinjôbutsu).
L'époque critique que fut pour le bouddhisme et le shugendô
cette période de Meiji, ne fut pas sans donner naissance à des
mouvements d'opposition. C'est dans ce sens que l'on peut
considérer la lutte isolée de Jitsukaga, qui tenta de restaurer la
pratique essentielle pour le shugendô de l'entrée dans la mon-
Revue de l'histoire des religions, n° 2/1978 188 A. -M. Bouchy
lagne, sur toute la longueur du mont Omine, et fît preuve par
ailleurs dans ses activités d'une volonté de préservation de la
tradition.
Ainsi l'abandon du corps du yamabushi Jitsukaga, qui
en lui-même est l'ascèse ultime du shugendô, doit-il en outre
recevoir l'éclairage particulier de son époque pour trouver sa
place dans l'histoire du shugendô.
Au moment où la restauration de Meiji, séparant boud
dhisme et shinto, interdisait la pratique du shugendô1 et
contraignait les yamabushi1 à se faire prêtres shintoïstes ou
paysans, l'un d'entre eux, Hayashi Jitsukaga, non seulement
continua cette pratique avec ferveur, mais encore alla jusqu'à
« abandonner son corps » en se jetant du haut de la cascade
de Nachi2 en l'année 17 de Meiji (1884). Si l'on en croit les
1. Shugendô et yamabushi. La forme religieuse la plus ancienne au Japon
fut le sangaku shûkyô (religion des montagnes). Ceux qui la pratiquaient furent
nommés yamabushi (celui qui couche dans les montagnes), terme dû à leur
mode de vie. A l'origine, comme l'une de leurs pratiques essentielles fut d'assurer
la permanence d'un feu, symbole des âmes des morts, qui étaient censées se
rassembler dans ces montagnes où on les vénérait sous le nom de yama no kami
(kami de la montagne), les yamabushi reçurent également le nom de hijiri
(qui semble pouvoir s'expliquer par « celui qui contrôle le feu »). A cette forme
originelle de religion japonaise vinrent s'ajouter des éléments empruntés à
des croyances chinoises d'astrologie et de géomancie (ommyôdô ) et des éléments
bouddhiques (en particulier des éléments d'ésotérisme et d'amidisme). L'ensemble
regroupé sous forme de religion populaire se répandit dans le peuple.
Les yamabushi se rassemblèrent progressivement autour de montagnes
devenues des centres de pratiques, donnant ainsi naissance au shugendô.
Lorsque ces groupes de shugendô eurent tendance à se séparer en deux sectes
(cf. n. 7 et 32), les éléments religieux du culte des yamabushi furent dogmatises
par les doctrines ésotériques dont ils empruntèrent termes et notions. Mais ils
s'appliquaient ici en fait à une réalité religieuse plus proche du chamanisme
que de l'ésotérisme pur et se réclamant essentiellement de pratiques ascéti
ques dans les montagnes.
Cf. H. B. Earhard, A Religious Study of the Mount Haguro Sect of Shugendô,
Tôkyô, Sophia University, 1970 ; Sh. Gorai, Yama no shûkyô, Tankôsha, 1970 ;
Id., Konohagoromo, Tôyôbunko, 1975 ; G. Renondeau, Le Shugendô, histoire,
doctrine et rites des anachorètes dits yamabushi, Cahiers de la Société asiatique,
vol. XVIII, Paris, 1975 ; H. O. Rotermund, Die Yamabushi, Aspekte ihres
Glaubens, Lebens und ihrer sozialen Funktion im japanischen Mitteralter,
Monograhien zur Vôlkerkunde, V, Hamburg, 1968 ; T. Wakamori, Shugendôshi
kenkyû, Tôyôbunko, 1972.
2. Nachi (cf. plan, p. 193). Nachi fait partie de l'ensemble des trois lieux
saints de Kumano, le plus ancien centre du shugendô, qui est aussi terre de
cette « religion des montagnes » (sangaku shûkyô) connue depuis avant l'époque
de Nara. Ces trois lieux de pèlerinage et d'ascèses sont Shingû, Hongû et la
montagne de Nachi.
Les deux particularités de Nachi sont d'une part le mont Myôhô, qui 189 Jilsukaga
écrits qu'il laissa, ainsi que les inscriptions qu'il grava sur de
nombreuses stèles et les traditions rapportées par les fidèles

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