Réflexion sur l Education Ethique à partir d une Parabole biblique
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Réflexion sur l'Education Ethique à partir d'une Parabole biblique

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EDUCATION ETHIQUE REFLEXION SUR LA PENSEE A PARTIR D’UNE PARABOLE DE LA BIBLE Un texte sur la pensée, ou plutôt sur la dangereuse "pente" de la simplicité qu'entraîne le refus de la complexité et du paradoxe, et le lien entre pensée et morale. Le texte part d'une méditation sur une parabole de la bible. Nul besoin d'être chrétien pour s'yintéresser… MOTS CLES : méditation, pensée, éthique, fanatisme, éducation AUTEUR : Kabellio–janvier 2015 1 MEDITATION SUR LA PENSEE… Réflexion à partir de la parabole du «Bon grain et de l’ivraie» 1–Réception et interprétation de la parabole 2–Questionnement à partir de la parabole 3–Du processus de pensée aux démarches d’éducabilité éthique Notes Kabellio. 012015 2 1–Réception et interprétation de la parabole La parabole, qu’elle procède de la simple comparaison ou de l’allégorie, participe de l’art de la narration. L’allégorie est présente dans les Evangiles au titre de l’expression allégorique, qui traduit en image un enseignement abstrait, de ce fait dérobé aux indignes et réservé à une élite [i], et qui se manifeste dans les paraboles qui sont ainsi d’authentiques allégoriesLoin du [ii].

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Publié le 27 janvier 2015
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Langue Français

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EDUCATION ETHIQUE
REFLEXION SUR LA PENSEE A PARTIR D’UNE PARABOLE DE LA BIBLE
Un texte sur la pensée, ou plutôt sur la dangereuse "pente" de la simplicité qu'entraîne le refus de la complexité et du paradoxe, et le lien entre pensée et morale. Le texte part d'une méditation sur une parabole de la bible. Nul besoin d'être chrétien pour s'yintéresser…
MOTS CLES : méditation, pensée, éthique, fanatisme, éducation AUTEUR : Kabelliojanvier 2015
1
MEDITATION SUR LA PENSEE…Réflexion à partir de la parabole du «Bon grain et de l’ivraie»
1Réception et interprétation de la parabole
2Questionnement à partir de la parabole
3Du processus de pensée aux démarches d’éducabilité éthique
Notes
Kabellio. 012015
2
1Réception et interprétation de la parabole
La parabole, qu’elle procède de la simple comparaison ou de l’allégorie, participe de l’art de la narration. L’allégorie est présente dans les Evangiles au titre de l’expression allégorique, qui traduit en image un enseignement abstrait, de ce fait dérobé aux indignes et réservé à une élite [i], et qui se manifeste dans les paraboles qui sont ainsi d’authentiques allégoriesLoin du [ii]. simple plaisir de raconter, la parabole veut frapper l’imagination, attirer l’attention et provoquer la réflexion, souvent en mettant en scène des situations inhabituelles ou paradoxales [iii]
Que nous dis la parabole du bon grain et de l’ivraie (Mt 13,24-30) ?
« Jésus leur proposa une autre parabole en disant : « Le royaume des cieux est semblable à quelqu’un qui avait semé une bonne semence dans son champ. Mais à l’heure où les hommes dorment, son ennemi vint, sema de l’ivraie [iv]parmi le froment et s’en alla. Après que la semence eut poussé et qu’elle eut produit du fruit, l’ivraie parut. Alors les serviteurs du père de famille vinrent lui dire: Seigneur, n’avais-tu pas semé une bonne semence dans ton champ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie? Et il leur dit: C’est un ennemi qui a fait cela! Ils lui répondirent : Veux-tu donc que nous allions l’arracher? Il leur dit: Non, de peur qu’en arrachant l’ivraie vous ne déraciniez en même temps le froment. Laissez l'un et l'autre croître ensemble jusqu'à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d'abord l'ivraie et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier».
Comme le souligne P. Bülher [v], l’histoire de la réception de cette parabole s’enclenche très rapidement puisque peu après avoir raconté la parabole (Mt 13, 24-30), le Christ matthéen en
propose une interprétation pour ses disciples (Mt 13, 36-43) :
« Les disciples ne comprenaient pas et dirent à Jésus : explique-nous la parabole de l’ivraie. Il leur répondit : Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme ; le champ, c'est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume : l'ivraie, ce sont les sujets du Malin ; l'ennemi qui l'a semée, c'est le diable ; la moisson, c'est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.
De même que l'on ramasse l'ivraie pour la brûler au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde : le Fils de l'homme enverra ses anges ; ils ramasseront, pour les mettre hors de son Royaume,
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toutes les causes de chute et tous ceux qui commettent l'iniquité, et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; là seront les pleurs et les grincements de dents.
Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. Entende qui a
des oreilles ! ».
Cette interprétation marque un écart par rapport à la parabole originelle puisque tandis que Jésus souligne le temps de la croissance simultanée du blé et de l’ivraie comme un temps de la patience, Matthieu exhorte sa communauté en mettant l’accent sur le tri eschatologique à venir.
Cet écart illustre aussi les débats qui se poursuivront au cours des siècles, comme lors de la période de la Réforme au XVI° siècle, entre ceux pour qui la parabole est une incitation à la patience envers la mixité de l’Eglise, et ceux pour qui la purification de l’Eglise ne peut attendre le tri qui doit s’opérer au jugement dernier. Quoique le point de vue adopté alors soit avant tout
ecclésiologique, puisque se posaient ainsi des questions relatives à la discipline au sein de l’église et à l’attitude à adopter à l’égard des hérétiques et autres âmes égarées, il nous semble y déceler les germes d’un autre débat, celui de la possibilité ou non, pour l’homme, et pour les institutions qui l’abrite, d’atteindre à un «état de pureté ».
Pour Calvin [vi], il est faux de vouloir une Eglise pure et parfaite. Il utilise la parabole pour souligner le fait que l’Eglise reste un corps mixte jusqu’au jour du jugement et qu’il faut user de patience.
Cependant, un exemple d’interprétation radicale de la parabole nous est donné par Thomas Müntzer, qui s’autorise à définir son temps comme le temps de la moisson, où Dieu vient séparer le bon grain de l’ivraie, et cela, par la main de son envoyé [vii].
Cette interprétation apocalyptique de la parabole est aussi destinée à contrer l’argumentation d’un Luther qui, lui, reste très proche, dans son interprétation, de la parabole elle-même. Ainsi de l’accent mis sur la patience car Dieu est patient et nous sommes donc aussi appelés à l’être. Mais pour Luther, il s’agit aussi de se battre contre l’idéal de pureté qui anime les tenants de
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l’interprétation apocalyptique et prophétique, ceux qui prônent la séparation entre les purs et les impurs, pour, au final, éliminer ces derniers. L’homme doit accepter sa condition, humaine trop humaine, qui rend illusoire tout rêve de pureté ici-bas, aussi il ne peut être question d’arracher
l’ivraie, car « là où il y a un chrétien, il vaut mieux supporter tout un peuple sans aucun chrétien que détruire ce chrétien avec les non-chrétiens. C’est donc par la parole et la foi qu’il faut combattre l’ivraie, plutôt que par le glaive».
Il rejoint de ce point de vue Saint-Augustin [viii]qui s’appuie sur laparabole dans son sermon pour engager l’ivraie, c’est à dire les mauvais chrétiens, à devenir du bon grain et invite les bons chrétiens à la patience. Il exhorte les mauvais chrétiens à se corriger avant la moisson (le
jugement dernier) car « ils sont dans le champ du Père de famille, et il peut se faire qu’ivraie aujourd’hui, demain ils soient bon grain.» …soulignant ainsi l’impossibilité, pour l’homme, de se substituer à Dieu pour «séparer le bon grain de l’ivraie» sans causer du dommage à l’ivraie… car que traduit l’expression « séparer…» sinon la prétention à juger et à trancher nettement entre Bien et Mal, ce qui suppose d’être capable de l’identifier de manière bien précise, de trier entre
les bons et les mauvais.
La parabole peut aussi s’interpréter dans le sens de l’intériorité, le mal et le bien coexistant en chaque homme [ix], cette patience dont il faut faire preuve doit alors s’accompagner d’une vigilance constante pour distinguer l’ivraie du bon grain en soi.
Cette approche est contestée par H. Pena-Ruiz dans son « Roman du monde » [x]lorsqu’il écrit
que l’on ne peut retenir comme interprétation le fait que le bien et le mal soient intimement mêlés en chaque homme car bon grain et ivraie étant issus de deux semences génétiquement distinctes, elles sont différentesen essence, l’ivraie ne pouvant ainsi jamais s’amender et changer
de nature.
Cependant, il nous semble que cette lecture peut s’appréhender comme un défaut d’exégèse, une interprétation trop approximative des textes de l’Ecriture qui conduit au contresens.
Contresens dangereux en ce sens qu’il peut aussi influencer une certaine représentation de la réalité pour aboutir àl’idée que cette dernière, par-delà son apparente confusion, peut être
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réduite à une chose simple; l’idée qu’elle peut donner prise àdes raisonnements limpides où le
mal est parfaitement identifié en son « essence ».
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2questionnement à partir de la parabole
La parabole ne se livre donc pas d’emblée, elle nous apparaît même comme relativement ambitieuse en cequ’elle fait appel, si l’on se place dans la perspective non-radicale, à des raisonnements, de la part de celui qui l’écoute, qui, nous semble-t-il, vont plutôt à l’encontre du sens commun [xi] quand celui-ci s’empare de la parabole pour la détourner et enune faire injonction simplificatrice.
L’ivraie elle-même n’est peut-être pas le mal en soi… Voltaire affirmait à la fin de sa vie qu'il "n'avait recueilli que de l'ivraie", c'est-à-dire rien de bon... mais ce qu'on peut comprendre de la parabole, nous semble-t-il c’est que si l'ivraie n'est pas «le bon grain» elle n'en est pas pour autant «le mauvais», elle est le grain que ne sème pas le «bon semeur», mais est cependant un grain... qui éventuellementpourra s’amender avec le temps comme l’espèrent Saint-Augustin, Calvin ou Luther.
Pour E. Blondel[xii], la parabole du bon grain et de l’ivraie, issue de l’Evangile, a fait l’objet d’un véritable détournement de sens en passant dans le langage courant puisqu’elle a directement inspiré l’expression radicale : « il faut séparer le bon grain de l’ivraie» ; devenue une expression à proprement parler antiévangélique, elle symbolise pour nous les dangers de la « tentation simplificatrice » qui guette nos sociétés face à la complexité du monde.
Danger qui se matérialise en particulier dans la recherche d’une « pureté », que d’aucun ont qualifié de « dangereuse » [xiii]. Danger aussi quand ce retournement du sens traduit la tentation de rechercher la certitude et le simple, « hors le sujet pensant », en évacuant doute et complexité.
Ainsi détournée, la parabole peut encourager une dynamique de l’exclusion et du verdict sans appel qui mène à l’éradication… car cette recherche de pureté que l’on constate du côté des tenants de l’interprétation radicale de la parabole, un champ libre d’ivraie, est le moteur fondamental du fanatisme [xiv].
Le fanatique « connaît » le Bien, et s’acharne à en extirper le Mal, ignorant par-là, qu’éliminer un mal peut entraîner un mal plus grand : « non, de peur qu’en arrachant l’ivraie vous ne déraciniez en même temps le froment» mais le fanatique n’en a cure car haïr le Mal c’est parfois haïr tout court.
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La parabole agit-elle comme le « révélateur » d’un « penchant » de l’intelligence humaine à privilégier certaines formes d’explication, les plus simples sinon les plus simplistes, plutôt que d’autres ?Lefait que l’interprétation radicale soit privilégiée par le langage, sous forme d’une expression idiomatique, est-elle l’expression de cette « pente » de l’esprit humain. Ou bien, devons-nous suivre Kant lorsqu’il évoque le «penchant de la raison à entrer avec plaisir dans l’examen le plus subtil des questions pratiques » ?[xv]
De fait, il nous semble que l’on puisse effectivement considérer que l’on a à faire à, d’une part, une interprétation « simple » de la parabole, l’interprétation radicale, qui ne laisse pas la place au doute, et aspire à une réalité simple : d’un côté, le bien, de l’autre le mal, sans « mélanges » possibles… et d’autre part, nous avons l’interprétation « complexe » qui tente de concilier les opposés en un équilibre incertain, sans les confondre cependant, c’est à dire sans laisser la porte ouverte à un quelconque relativisme mais en admettant l’existence des oppositions.
Le fait que l’interprétation radicale de la parabole ait pu déboucher sur une expression populaire nous interpelle aussi quant au choix historique, même non conscient, du simple par la multitude. «L’hommecollectif », selon l’expression de M. Conche, est-il voué à « abdiquer en autrui » sa responsabilité d’être pensant[xvi] ?
Car elle n’est pas neutre, l’expression utilisée de façon triviale, et en toutes circonstances et qui offre la « possibilité » de séparer le bon grain de l’ivraie…Cependant, le choix même de l’interprétation que nous avons qualifié plus haut de « complexe » est peut-être fondé non sur une aptitude particulière de la pensée de celui qui l’adopte mais surélément plus profond, un choix très fondamental fondé sur l’intuition peut-être, sans doute sur quelque chose qui ne serait pas de l’ordre de la pensée discursive, mais qui reste tout de même du domaine de la pensée, ce qui doit nous amener à décrire cette dernière plus loin.
En tous les cas, il nous semble difficile de décider objectivement qu’une interprétation est supérieure à une autre…le choix de l’interprétation est ainsi intéressant pour ce qu’il révèle de « qui » fait le choix.
De là, la réflexion à partir de la parabole, nous conduit à poser la question du lien entre raisonnement - « conduite de la pensée » - et éthique ; et plus loin, la possibilité de poser la question de « l’éducabilité éthique » comme l’on parle « d’éducabilité cognitive »[xvii].
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C’est donc cette perspective qui inspire et oriente notre réflexion pour la deuxième partie de ce texte qui est axée sur la formulation d’une problématique à partir d’une série de questions que (nous) nous posons. Notre démarche s’inscrit dans la recherche d’une éducation morale qui ne soit pas « éducation à la morale », ni même « éducation de la morale » mais éducation à la « disposition » morale.
Est-il envisageable de considérer que préparer l’esprit humain à la complexité, à l’incertitude peut par-là, l’élever et mener à une « qualité éthique » des raisonnements ? Un esprit apte à accepter une réalité complexe, c’est à dire où règne l’incertitude,l’aléatoire, le paradoxal est-il plus élevé éthiquement parlement ? Son ouverture aux autres est-elle plus grande ? Le développement d’une « capacité critique » peut-il amener la conscience à sortir de l’enlisement de la réalité empirique pour prendre du recul et suspendre les jugements hâtifs et moralisateurs ? Pouvons-nous ainsi nous introduire entre une morale épicurienne [xviii] fondée sur l’intérêt et une morale fondée sur l’élan du cœur incarnée par l’émotion créatrice du héros de H. Bergson [xix] pour y insérer une morale élaborée « en raison » sur fonds d’ « absolu de l’exigence morale »[xx] ?
« Travailler à bien penser : voilà le principe de la morale » écrit Pascal dans ses Pensées, rejoignant en cela Socrate, incarnation même de l’ambition de« fonder la morale en intelligence » ; mais cette conjonction de l’éthique et de la compréhension qu’appelle également E. Morin[xxi] trace-t-elle véritablement un chemin vers un bien plus grand ?
Ce travail d’intelligence peut-il inverser cette pente que l’esprit humain semble suivre inexorablement et qui le mène vers la tentation du simple, du certain, du « pur », avec les risques d’exclusions que cela comporte ?
Ce sont les notions de « compréhension », de « travailler à bien penser » qui nous interpellent, par-delà la Raison qui, constitutive de l’être humainne dévoile pas, par elle-même, les [xxii], chemins de la pensée [xxiii].
Ainsi, lorsque Saint-Augustin répond à Evodius: « s’instruire en effet, c’est comprendre, et comprendre c’est bien agir »[xxiv], il n’épuise pas à priori la question de la méthode à l’œuvre dans le procès de la compréhension. Il nous semble que la question reste entière de savoir de quoi est fait ce« comprendre », en quoi il est perfectible, c’est à dire « éducable » et si cette perfection accrue « joue » dans le sens du bien éthique.
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La lecture d’ouvrages portant sur l’éthique montre que pour certains auteurs, la relation éthique compréhensionne s’impose pas d’emblée.
Par exemple, R. Misrahi[xxv] tente de fonder la genèse de l’attitude éthique sur ce qu’il appelle « l’acte d’évaluation » qu’il conçoit comme une réponse d’une part au rationalisme Kantien et d’autre part, comme un dépassementde l’empirisme d’un Rousseau ou de la domination de l’instinct chez Nietzsche.
Le concept « d’acte d’évaluation » fondé sur le triangle du Désir, de la Réflexivité et de la Relation autrui n’intègre pas l’acte de compréhension. Pourtant, ce sujet qui affirme sa liberté dans l’expression de ses valeurs et de ses choix, qui recherche des réponses en son âme et conscience pour pouvoir distinguer le bien du mal, est un sujet pensant que le désir seul ne saurait mener.
R. Misrahi invoque une véritable conversion du sujet comme acte fondateur de la démarche éthique. Il pose l’esprit pensant comme libre, ce qui nouslaisse quelque peu dubitatif : comme si la capacité de penser impliquait nécessairement l’aptitude à penser, c’est à dire, ce que Valéry qualifiaitde « volonté de lucidité, et de netteté de l’intellect ».
Autrement dit, par-delà l’appréhension de l’ « exercice de la raison » comme un tout, et dans ce cas, réfléchir sur les conditions d’exercice ou de non-exercice de la raison, en s’inspirant de la démarche kantienne qui attribue à la pure maxime de la raison le fondement de la morale, nous souhaitons partir du « besoin de raison » de tout être humain et s’interroger sur les différentes manières de « conduire sa raison » qui initient une élévationde l’esprit dans une perspective éthique et en définir les conditions de transmission.
Ainsi, Descartes a tenté d’établir une méthode, des règles théoriques, pour bien conduire sa pensée : «ne jamais partir d’autre chose que d’une évidence certaine ; analyser chacun des termes de la pensée jusqu’aux éléments les plus simples ; ordonner ces éléments simples selon un ordre de complexité croissante, afin que les termes complexes soient clairement saisis ; vérifier que la série entière ne présente aucune lacune et que l’ordre en soit clair et complet »[xxvi].
La méthode ainsi présentée, permet-elle de développer une pensée apte à saisir la complexité de notre environnement ? Une pensée critique telle, qu’elle soit capable de dépasser le sens commun, pour tendre vers la prise en compte de facteurs multiples et paradoxaux. Une pensée capable de s’élever en s’accomplissant[xxvii].
Si, comme l’écrit H. Arendt, « la pensée renvoie à une forme de connaissance qui permet aux hommes engagés dans l’action d’accepter ce qui existe et de se réconcilier avec ce qui existe de façon irrémédiable… » alors la méthode cartésienne- décomposer un problème, progresser du
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plus simple au plus complexe, tout vérifier et ne rien oublierdevrait nous permettre d’accéder à cette ouverture de l’esprit à l’existant mais aussi à l’inconnu, à l’aléatoire, au non prédictible.
Cependant, il ne s’agit pas de chercher à élever la pensée de façon permanente sur des hauteurs« supra-humaine» ; en ce sens, nous souscrivons pleinement à l’affirmation d’H. Arendt lorsqu’elle écrit que : « aucun homme ne peut vivre sans préjugés…parce qu’une telle absence de préjugés entrainerait une vigilance surhumaine » [xxviii]. On recherchera plutôt les conditions du déploiement de la pensée, par la méthode, vers plus d’éthique[xxix].
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