Sur la nature de la mantique pratiquée à l Héraion de Pérachora - article ; n°2 ; vol.143, pg 145-169
26 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Sur la nature de la mantique pratiquée à l'Héraion de Pérachora - article ; n°2 ; vol.143, pg 145-169

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
26 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1953 - Volume 143 - Numéro 2 - Pages 145-169
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Édouard Will
Sur la nature de la mantique pratiquée à l'Héraion de Pérachora
In: Revue de l'histoire des religions, tome 143 n°2, 1953. pp. 145-169.
Citer ce document / Cite this document :
Will Édouard. Sur la nature de la mantique pratiquée à l'Héraion de Pérachora. In: Revue de l'histoire des religions, tome 143
n°2, 1953. pp. 145-169.
doi : 10.3406/rhr.1953.5950
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1953_num_143_2_5950Sur la nature de la mantique
pratiquée à l'Héraion de Pérachora
On sait par Strabon, VIII, 380, que l'Héraion de Pérachora,
qui s'élevait face à Corinthe et qu'ont dégagé de remarquables
fouilles anglaises à la veille de la guerre, était un sanctuaire
oraculaire : то tvjç 'Axpaiaç уихутгьоч "Hpaç ... то toxâouov. Le
géographe, qui est seul à mentionner ce site, ne précise mal
heureusement pas quel genre de mantique y était pratiqué.
Dans un article récent, M. T. J. Dunbabin, qui collabora aux
fouilles aux côtés du regretté Humphrey Payne et poursuit
aujourd'hui le travail de leur publication, proposait une hypo
thèse sur la nature de cet oracle1. Il partait de la découverte,
à coup sûr surprenante, de quelque 200 phiales de bronze
accumulées au fond d'un petit bassin, à proximité du temenos
du second temple d'Héra, construit au milieu du vine siècle
av. J.-C. : il est certain que cette curieuse collection requiert
une explication, que M. Dunbabin essaya de donner en pro
posant d'y voir le matériel oraculaire. Ayant envisagé divers
aspects de la divination hydromantique (lécanomancie, catop-
tromancie), il nous propose de nous représenter les patrons
des bateaux corinthiens montant à l'Héraion à la veille de
leur départ pour l'Occident, pour y chercher un omen relatif
à leur traversée : « Juste avant de pénétrer dans l'enceinte,
il arrivait au bassin sacré. Il y jetait une phiale. Si cet objet
n'était destiné qu'à faire une libation à l'entrée du sanc
tuaire, ou à puiser de l'eau pour se purifier, pourquoi jeter la
1) T. J. Dunbabin, The oracle of Hera Akraia at Pérachora, BSA, XLVI
(1951), pp. 61 sqq.
10 14Ô REVUE DE L^HISTOIRE DES RELIGIONS
phiale ? Il se peut que les omens fussent tirés de la chute du
vase dans l'eau ; s'il s'y enfonçait, l'offrande était acceptée et
on pouvait compter sur un bon voyage ; s'il flottait, cela
présageait du mauvais. « Tel était », suggère l'auteur, « le
manleion d'Héra ». « Peut-être», ajoute-t-il, « s'agissait-il d'une
cérémonie annuelle, accomplie à l'ouverture de la saison de la
navigation, ce qui expliquerait le fait qu'il y a environ
200 phiales dans le bassin de Pérachora, lequel ne peut guère
avoir été utilisé pendant plus de deux cents ans1 ». Telle est,
en gros, la conclusion, que son auteur ne propose qu'à titre
d'hypothèse, et dont nous ne prétendons pas ici démontrer
la fausseté, encore que nous voyions quelques objections à y
opposer, objections par lesquelles nous commencerons.
M. Dunbabin propose plusieurs exemples de cas « où une
phiale est jetée à l'eau (généralement à la mer) au départ
d'un voyage ou au début d'une entreprise importante ». Mais,
si nous comprenons bien ces exemples (ceux de Xerxès et
d'Alexandre sur Г Hellespont, d'Alexandre sur Г Indus, des
marins quittant Syracuse2), nous n'y voyons point trace de
divination ominale : ce sont bien plutôt des offrandes propi
tiatoires. Et, si l'on retient l'hypothèse d'une cérémonie
officielle annuelle à Pérachora, hypothèse qui a l'avantage
d'expliquer le nombre des phiales retrouvées, ce serait, nous
semble-t-il, également en ce sens qu'il faudrait l'entendre.
Aurait-on pris un unique omen pour toute la navigation d'une
année ? Et cette cérémonie aurait-elle fait mériter au
sanctuaire son nom de manleion ? Nous en doutons. L'offrande
propitiatoire n'en reste pas moins possible, et étayée par les
parallèles invoqués — encore qu'on s'attendrait à la voir faire
à la mer même plutôt que dans l'eau d'un bassin artificiel.
D'autre part, si l'on connaît des formes de mantique
ominale où la réponse dépend du flottement ou du non-
flottement d'un objet à la surface de l'eau, l'usage d'une
1) L. c, pp. 69-70.
2) L. c, pp. G8-9. MANTIQUE PRATIQUÉE A l'hÉRAION DE PÉRACHORA 147
phiale nous paraît — au moins dans le cas présent — peu
indiqué. Pour qu'un omen puisse être recherché, il faut qu'il
y ait une marge d'incertitude concernant l'issue de la consul-
tation. Jeter une phiale (c'est-à-dire une large coupe à fond
plat) d'un point quelque peu élevé dans une mer un tant soit
peu agitée sauvegarderait cette marge d'incertitude. Mais
la jeter sur le plan d'eau tranquille d'un petit bassin, du bord
de ce bassin, voilà qui laissait la part belle à l'habileté du
consultant. Du reste, si le présage favorable était donné par
l'enfoncement de la coupe, comme le pense M. Dunbabin,
il devait être difficile à obtenir, puisque la phiale, « avec sa
forme large et plate, devait avoir de bonnes chances de
flotter lorsqu'on la jetait1 » : oracle de malheur que nous
nous serions gardé de consulter...
Mais ce sont là des objections mineures, et nous n'écar
tons nullement l'idée que les 200 phiales du bassin sacré puis
sent trouver place dans une interprétation du manleion de
Pérachora.
Lorsque parut l'article de M. Dunbabin, nous avions
engagé déjà la recherche sur une autre voie : il ne sera pas
inutile de confronter les hypothèses. Nous pensons en effet
qu'il existe un texte évoquant une consultation nécroman-
tique à Pérachora, ou tout au moins une partie d'un rituel
nécromantique, et c'est Hérodote, V, 92, 73 : « (Périandre)
avait envoyé des députés au pays des Thesprotes, sur les bords
du fleuve Achéron, consulter l'oracle des morts au sujet d'un
dépôt fait par un étranger ; Mélissa [épouse décédée du
tyran] apparut, et déclara qu'elle n'indiquerait ni ne révé
lerait à quel endroit se trouvait ce dépôt, parce qu'elle avait
froid et qu'elle était nue ; car les vêtements qu'il avait fait
enterrer avec elle ne lui servaient à rien, n'ayant pas été
brûlés... Quand cette réponse eût été apportée à Périandre...
il fit ordonner par une proclamation que toutes les femmes de
Corinthe se rendissent hors de la ville au temple ďHéra (èç то
1) L. c, p. 65. 148 revue de l'histoire des religions
"Hpoaov élevai). Elles y allèrent comme pour une fête,
parées de leurs plus beaux atours ; mais lui, qui avait aposté
ses gardes, les fit toutes dépouiller pareillement, femmes
libres et servantes, fit apporter les dépouilles en monceau
dans une fosse et les y fit brûler pendant qu'il priait Mélissa
(сти[хфору)стас Se eç opuyfxa MeÀiacnr) £7T£U^o[j.evoç хатехоие). Cela
fait, il envoya consulter pour la seconde fois ; et le spectre
(то e'iScoXov) de Mélissa indiqua en quel lieu elle avait mis le
dépôt de l'étranger. »
Ce passage, qui n'a jamais, à notre connaissance, été
étudié dans son ensemble1, appelle d'abondants commentaires.
On déplorera en premier lieu que la réalité y ait été évidem
ment faussée par l'anecdote : c'est là le sort de la tradition
relative à Périandre tout entière. Le singulier épisode du
dépouillement des Corinthiennes nous est donné par d'autres
textes, mais Hérodote (le plus ancien) est le seul à nous le
donner dans ce curieux contexte religieux. L'authenticité
du fait reste discutable (tout au moins sous la forme donnée
par Hérodote) — à plus forte raison sa signification : ce n'est
du reste pas le lieu d'en discuter ici. De cet holocauste vesti
mentaire, nous ne retiendrons pour le moment que le fait
de l'holocauste.
En revanche, il ne nous semble pas douteux qu'Hérodote

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents