L affaire des Essais nucléaires et la notion de jugement déclaratoire - article ; n°1 ; vol.21, pg 278-293
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Description

Annuaire français de droit international - Année 1975 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 278-293
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 85
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Jean-Pierre Ritter
L'affaire des Essais nucléaires et la notion de jugement
déclaratoire
In: Annuaire français de droit international, volume 21, 1975. pp. 278-293.
Citer ce document / Cite this document :
Ritter Jean-Pierre. L'affaire des Essais nucléaires et la notion de jugement déclaratoire. In: Annuaire français de droit
international, volume 21, 1975. pp. 278-293.
doi : 10.3406/afdi.1975.2331
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1975_num_21_1_2331L'AFFAIRE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
ET LA NOTION DE JUGEMENT DÉCLARATOIRE
Jean-Pierre RITTER
Les jugements rendus, le 20 décembre 1974, par la Cour internationale
de Justice dans l'affaire des essais nucléaires ont suscité de nombreux
commentaires. Parmi les problèmes juridiques complexes que soulevait le
litige entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande d'une part, la France d'autre
part, la notion de jugement déclaratoire a joué un rôle important dans le
raisonnement de la Cour.
Dans ses conclusions, le gouvernement australien demande à la Cour
de « dire et juger que [...] la poursuite des essais atmosphériques d'armes
nucléaires dans l'océan Pacifique Sud n'est pas compatible avec les règles
applicables du droit international et ordonner à la République française
de ne plus faire de tels essais > (1).
De son côté, la Nouvelle-Zélande « prie la Cour de dire et juger que
les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives effectués par le
gouvernement français dans la région du Pacifique Sud constituent une
violation des droits de la Nouvelle-Zélande au regard du droit international
et que ces seront enfreints par tout nouvel essai > (2).
Dans ses décisions du 20 décembre 1974(3), la Cour déclare que l'objet
(*) Jean-Pierre Ritter : membre du Service juridique du Département politique
fédéral suisse à Berne (1959-1963), puis chef de la Section du droit international public
(1970-1974). Précédentes publications dans cet Annuaire en 1961 et 1962.
ha présente étude exprime exclusivement les vues 'personnelles de l'auteur.
(1) Conclusions écrites de l'Australie, citées dans le jugement (C.U., Recueil 1974,
p. 256) .
(2)écrites de la Nouvelle-Zélande, citées dans le jugement (C.I.J. Recueil
1974, p. 460).
(3) La Cour a traité les demandes de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande en deux
instances séparées et elle a rendu sur ces affaires deux arrêts distincts, qui sont semblables
pour l'essentiel, mais qui, vu le libellé des conclusions respectives, diffèrent précisément
sur la question qui nous intéresse, celle du jugement déclaratoire. Dans un but de simplifi
cation, nous citerons, lorsque cela est possible, le seul jugement concernant l'Australie.
Quant une référence à l'autre arrêt sera indispensable, nous le préciserons. Nous applique
rons le même mode de citation aux opinions dissidentes, bien que leur texte diffère plus
sensiblement d'une instance à l'autre. LA NOTION DE JUGEMENT DÉCLARATOIRE 279
de la demande est d'obtenir la cessation des essais (4). Elle relève ensuite
qu'il est survenu en cours d'instance certaines déclarations officielles de la
France rendant publique l'intention de cet Etat de ne plus effectuer d'essais.
La Cour définit ces déclarations comme des actes unilatéraux créant une
obligation juridique (5). Elle constate cet engagement de la France et en
déduit que le but des demandeurs a été atteint. Le différend a donc disparu
et la demande est sans objet.
Ce raisonnement suppose évidemment que les conclusions des deman
deurs n'aient pas appelé un jugement déclaratoire car, si tel avait été le
cas, aucun fait postérieur ne pouvait plus changer les données du différend
et la question dont était saisie la Cour restait posée.
La Cour a effectivement traité ce point. Elle a déclaré qu'à son avis,
la demande de l'Australie ne tendait pas à un prononcé déclaratoire. Si
tel était, en revanche, bien le cas de la Nouvelle-Zélande, cet Etat, cepen
dant, recherchait pour l'avenir une garantie que les déclarations de la
France lui accordaient et qui rendaient inutile un jugement déclaratoire
sur le passé.
Deux problèmes sont ainsi soulevés par les arrêts du 20 décem
bre 1974 : au sujet de la demande de l'Australie, la compréhension du
concept de jugement déclaratoire, s'agissant notamment de conclusions
orientées vers l'avenir; au sujet des conclusions de la Nouvelle-Zélande,
la portée d'une demande de prononcé déclaratoire sur des faits passés,
lorsque, par hypothèse, la question litigieuse ne se pose plus pour l'avenir.
Tels sont les deux objets qui retiendront notre attention.
L'arrêt sur la demande de l'Australie contient le passage suivant :
«En l'espèce, il apparaît nettement que l'affaire trouve son origine dans
les essais nucléaires atmosphériques effectués par la France dans la région du
Pacifique Sud et que le demandeur a eu pour objectif initial et conserve pour
objectif ultime la cessation de ces essais; dans ces conditions, on ne saurait
considérer que sa demande tende à obtenir un jugement déclaratoire. Dès lors
que l'arrêt dont l'Australie sollicite le prononcé devrait se fonder d'après elle
sur une constatation de la Cour relative aux questions de droit, une telle cons
tatation ne serait qu'un moyen utilisé en vue d'une fin et non une fin en soi. La
Cour a bien entendu conscience du rôle joué par les jugements déclaratoires
mais la présente affaire n'est pas de celles où un tel jugement est demandé » (6).
Au contraire du jugement, l'opinon dissidente commune, rédigée par
quatre membres de la Cour, MM. Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga,
Sir Humphrey Waldock, et celle du juge ad hoc désigné par l'Australie,
(4) C.IJ., Recueil 1974, pp. 260 et 263.
(5) Op. cit., pp. 269-270.
(6) Op. cit., p. 263. 280 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Sir Garfield Barwick, retiennent que le demandeur requérait un jugement
déclaratoire, que c'était d'ailleurs là son objectif. Pour les juges dissidents,
la déclaration est l'essentiel ; l'injonction que le gouvernement australien
prie la Cour d'adresser au gouvernement français est une conséquence
accessoire de la déclaration, conséquence qui pourrait même être superflue
si la France acceptait de donner des assurances quant aux conséquences
qu'elle tirerait elle-même d'un prononcé déclaratoire (7).
Il ne fait pas de doute que l'interdiction est une conséquence de la
déclaration. Il existe entre l'une et l'autre un lien indissoluble, qui est admis
aussi bien par la Cour que par les juges dissidents. Seulement, pour la
Cour, la déclaration est un motif à l'appui de l'interdiction, tandis que,
pour les juges dissidents, il s'agit de deux conclusions dont la première
est l'essentielle et la seconde une conséquence. Ils ajoutent que, si le raiso
nnement de la Cour est parvenu à une conclusion erronée, « cela est dû
en partie au fait que l'arrêt ne tient pas compte de l'objet et de l'utilité
d'une demande d'arrêt déclaratoire » (8).
Il peut être utile de rappeler ici certaines notions théoriques élément
aires en matière de procédure.
Un jugement est l'application d'une norme à un état de fait ; plus
précisément, il comporte (dans le cas d'une demande fondée) d'une part
une norme habilitant A à exiger de B un comportement donné, d'autre
part un comportement réel de B (passé ou encore en cours) contraire à
cette norme ; enfin, par voie de conséquence, le prononcé d'une sanction
juridique à l'égard de B, la simple constatation de l'illicéité pouvant consti
tuer la sanction. Application d'une norme générale, le jugement est lui-même
une norme particulière qui régit spécifiquement le cas donné.
Dans l'hypothèse d'un jugement qui écarte une demande comme non
fondée, la relation prétendue par le demandeur n'existe pas entre le fait
allégué et la norme invoquée. Un jugement négatif de cette sorte ne se
ramène toutefois pas simplement à un essai raté du demandeur. Il constitue
lui aussi une norme spécifique, occupant une place régulière dans l'

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