La levée et la suspension des sanctions internationales - article ; n°1 ; vol.51, pg 57-84
29 pages
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Description

Annuaire français de droit international - Année 2005 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 57-84
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. le Professeur Mathias
Forteau
La levée et la suspension des sanctions internationales
In: Annuaire français de droit international, volume 51, 2005. pp. 57-84.
Citer ce document / Cite this document :
Forteau Mathias. La levée et la suspension des sanctions internationales. In: Annuaire français de droit international, volume
51, 2005. pp. 57-84.
doi : 10.3406/afdi.2005.3873
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_2005_num_51_1_3873ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
LI - 2005 - CNRS Éditions, Pans
ETATS, STATUTS TERRITORIAUX
MAINTIEN DE LA PAIX
MAÎTRISE DES ARMEMENTS
LA LEVEE ET LA SUSPENSION
DES SANCTIONS INTERNATIONALES
Mathias FORTEAU
C'est un tropisme aussi courant qu'irritant au sein de la doctrine international
iste 1 que celui qui consiste à rendre juridiquement compte du mécanisme de sécurité
collective institué par la Charte des Nations Unies en le « publicisant » : le chapitre
VII de la Charte organiserait un régime de police dirigé contre les troubles à l'ordre
public que constitueraient les diverses atteintes à la paix définies à son article 39 2.
Si l'on comprend l'idée, il faut pourtant la dénoncer, car elle finit par renvoyer
un reflet déformé des compétences du Conseil de sécurité et par travestir la
problématique du maintien de la paix dans l'ordre international. Après tout, le
pouvoir du Conseil de sécurité n'est guère différent de celui qu'exerçaient en leur
temps les grandes puissances dans le cadre du Concert européen né du Congrès de
Vienne de 1815, à une époque où aucun cadre institutionnel permanent n'était en
charge de garantir la sécurité internationale, et il n'y a par conséquent guère de
raisons de les analyser différemment 3.
Heurtées sans doute par ce dernier raccourci, les bonnes âmes ne manqueront
pas d'objecter que les organisations internationales (donc le Conseil de sécurité)
tiennent leurs compétences de normes d'habilitation, exprimées dans leur traité
institutif, ce qui autoriserait le parallèle avec les constructions du droit public
interne et légitimerait la pression croissante exercée dans le sens d'une plus grande
soumission de l'organe principal du maintien de la paix à la règle de droit. L'action
du Conseil de sécurité s'inscrirait dans un cadre juridique prédéfini qui dicterait,
(*) Mathias FORTEAU, professeur à l'Université Lille 2.
1. Nous ne prétendons pas nous soustraire au reproche. Si le lecteur découvrait quelque incompatibilité
entre les réflexions qui suivent et des écrits antérieurs, nous assumons : cogitatum posterior derogat priori !
2. Voy. par exemple, entre autres exemples, mais de manière très symptomatique, R.-J. DUPUY,
« L'ordre public en droit international », in R. POLIN (dir.), L'ordre public, PUF, Paris, 1996, p. 109 :
l'action armée menée contre l'Irak en 1991 « a constitué une opération de police et de rétablissement de
l'ordre public sécuritaire ».
3. Voy. d'ailleurs la démarche suivie par H. ASCENSIO m L'autorité de chose décidée en droit interna
tional public, thèse Paris X-Nanterre, 4 décembre 1997, pp. 600 et s. LA LEVÉE ET LA SUSPENSION DES SANCTIONS INTERNATIONALES 58
en vertu d'un principe de légalité, ce qu'il est en son pouvoir de faire afin de sauve
garder dans l'intérêt public une situation de fait - la paix -juridiquement protégée.
C'est sûrement trahir cependant les intentions des rédacteurs de la Charte des
Nations Unies, comme sa lettre et son esprit, et méconnaître les réalités de l'ordre
juridique international dont la guerre et la paix ont toujours constitué « l'horizon
indépassable » 4, que de réduire de cette manière les compétences du Conseil de
sécurité à un simple mécanisme de police administrative comparable à celui
qu'organisent les ordres juridiques internes. Non seulement les enjeux en cause
dans l'un et l'autre cas sont d'une nature incomparable (quoi de commun, en carica
turant à peine, entre le fait d'interdire la circulation de bicyclettes dans un jardin
public en raison du risque qu'elles font encourir à la sécurité des usagers du lieu 5
et l'action menée en vue de mettre un terme à des conflits aussi complexes que
tragiques, en raison du cortège d'atrocités qui les accompagne, que ceux qui ont
frappé depuis les années quatre-vingt dix la région des Grands Lacs 6 ?) ; mais en
outre, les fonctions impliquées relèvent de dynamiques divergentes. Kant en avait
fait la remarque, la paix s'institue plus qu'elle ne se protège 7. La maintenir ou la
rétablir exige par conséquent la définition et la mise en œuvre d'un véritable projet
politique qu'il faut constamment adapter aux réalités du moment. Telle est la tâche
incommensurable assignée au Conseil de sécurité, dont ses membres ont toujours
eu pleinement conscience 8. En conséquence, cet organe s'est vu octroyer une fonc
tion de nature moins administrative que proprement gouvernementale 9, exigeant
de lui, au besoin, qu'il mette en œuvre la responsabilité d'un État et délimite ses
frontières, crée des tribunaux pénaux ou encore administre des territoires, toutes
mesures que rien ne rattache à une activité de police et que tout rapproche plutôt
de décisions imposées dans des traités de paix à l'issue de conflits armés.
S'il faut s'incliner à l'égard du Conseil de sécurité devant la logique institu
tionnelle qui anime le droit des organisations internationales, comme l'a fait le
Tribunal pénal pour l'ex- Yougoslavie dans l'affaire Tadic 10, c'est donc en ne perdant
jamais de vue que la norme d'habilitation que constitue le chapitre VII constitue
moins, en définitive, une norme d'habilitation qu'une norme A' habilitation.
L'action du Conseil de sécurité reçoit sa légitimité de son traité institutif sans
que celui-ci précise ce qu'il est légitime d'ordonner pour assurer le maintien ou le
rétablissement de la paix, laissant ce soin aux décisions de cet organe, sous la
seule réserve (minimale) que soient respectés les buts et principes du chapitre 1er
4. P.-M. DUPUY, « L'enfer et le paradigme : libres propos sur les relations du droit international
avec la persistance des guerres et l'objectif idéal du maintien de la paix », Mélanges H. Thierry, Pedone,
Paris, 1998, p. 197.
5. Conseil d'État français, 3 novembre 1982, Rossi, Recueil Lebon, p. 695.
6. Voy. CIJ, affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du
Congo c. Ouganda), arrêt du 19 décembre 2005, [http://www.icj-cij.org], §§ 26, 150 et 221.
7. E. KANT, Vers la paix perpétuelle, esquisse philosophique, 1795, traduction de J.-F. Poirier et
F. Proust, GF Flammarion, 1991, 2e section, § introductif. Il y aurait sans doute beaucoup à dire de la dif
férence qui en résulte entre le maintien de la paix et le maintien de l'ordre public.
8. Voy. tout particulièrement les débats tenus à la première séance du Conseil de sécurité le 17 janvier
1946, à un moment dramatique de l'histoire des relations internationales, S/PV.l, passim.
9. Distinction introduite à l'égard du Conseil de sécurité par G. COTTEREAU (« Rebondissement
d'octobre en Irak : la résolution 949 du Conseil de sécurité », cet Annuaire, 1994, p. 186). Pour ne pas être
forcément rigoureuse (en tout cas dans l'ordre interne : voy. D. DE BÉCHILLON, Hiérarchie des normes et
hiérarchie des fonctions normatives de l'État, Paris, Économica, 1996, pp. 101-104), cette distinction
entre fonction administrative et fonction gouvernementale a le mérite de caractériser de façon très
expressive les du Conseil de sécurité.
10. TPIY, Chambre d'appel, Le Procureur c. Dusko Tadic, 2 octobre 1995, aff. n° IT-94-1-AR72, § 28 :
« Le Conseil de sécurité est un organe d'une organisation internationale, établie par un traité qui sert de
cadre institutionnel à ladite organisation. Le Conseil de sécurité est, par conséquent, assujetti à certaines
limites constitutionnelles, aussi larges que puissent être ses pouvoirs tels que définis par la constitution ». LA LEVÉE ET LA SUSPENSION DES SANCTIONS INTERNATIONALES 59

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