La protection d intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de la procédure civile) - article ; n°3 ; vol.27, pg 571-597
28 pages
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La protection d'intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de la procédure civile) - article ; n°3 ; vol.27, pg 571-597

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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1975 - Volume 27 - Numéro 3 - Pages 571-597
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mauro Cappelletti
La protection d'intérêts collectifs et de groupe dans le procès
civil (Métamorphoses de la procédure civile)
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 27 N°3, Juillet-septembre 1975. pp. 571-597.
Citer ce document / Cite this document :
Cappelletti Mauro. La protection d'intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de la procédure civile).
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 27 N°3, Juillet-septembre 1975. pp. 571-597.
doi : 10.3406/ridc.1975.16426
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1975_num_27_3_16426PROTECTION D'INTÉRÊTS COLLECTIFS LA
ET DE GROUPE
DANS LE PROCÈS CIVIL
(Métamorphoses de la procédure civile)*
par
Mauro CAPPELLETTI
Directeur Professeur de l'Institut à la Faculté de droit de jurisprudence, comparé de Florence
1. Une révolution en cours dans le droit judiciaire civil. — « La*
théorie de l'action en justice — comme l'a écrit récemment un illustre pro-
cessualiste français — a été élaborée au xix« siècle dans une perspective
libérale et individualiste. Il était donc normal que la généralisation des
groupements de toute sorte, qui est la marque de nos économies modernes,
entraînât de nombreux problèmes d'adaptation » (1).
Ce n'est pas nécessairement un révolutionnaire qui aurait pu écrire
ces phrases. Et pourtant elles témoignent qu'une métamorphose profonde,
et j'oserais dire une véritable révolution, est en cours dans le domaine du
droit judiciaire civil.
Dans cette communication, je me propose d'examiner quelques unes
des causes politico-sociales et les principales manifestations juridiques de
cette révolution, qui se présente dans tous les pays modernes sous des
aspects variables et des accents différents, mais avec une profonde unité
de caractères (2).
(*) Texte de la conférence prononcée le 14 mars 1975, à l'occasion de l'Assemb
lée générale de la Société de législation comparée.
(1) Roger Perrot, « L'action en justice des syndicats professionnels, des as
sociations et des ordres professionnels », dans Annales Universitatis Scientiarum
Budapestinensis de Rolando Eötvö's Nominatae. Sectio juridica, X, Badapest, 1969,
pp. 99-106 ; voir aussi Henry Solus et Roger Perrot, Droit judiciaire privé, I,
Paris, Sirey, 1961, p. 105.
(2) Pour une étude détaillée de certains aspects du thème traité dans cette
communication, voir notre rapport général sur « Le rôle du Ministère public dans
le procès civil » présenté au IX* Congrès international de droit comparé (Téhéran,
le 4 octobre 1974), et publié à présent dans le volume M. Cappelletti et J.A.
Jolowicz, Public Interest Parties and the Active Role of the Judge in Civil Liti
gation, Milan et Dobbs Ferry, New York, Giuffrè et Oceana, 1975, p. 5 à 153. 572 LA PROTECTION D'INTERETS COLLECTIFS ET DE GROUPE
2. La complexité des sociétés contemporaines et V insuffisance d'une
protection juridique exclusivement individuelle. — II n'est pas besoin
d'être sociologue professionnel pour reconnaître que notre société (ou, si
nous voulons employer le mot ambitieux : civilisation) est une société de
production, d'échanges et de consommation de masse, certainement aussi
de conflits de masse (en matière de travail, de rapports entre classes
sociales, entre races, entre religions, etc.). Il s'ensuit que même les situa
tions de la vie, que le droit doit réglementer, sont devenues de plus en plus
complexes. En même temps, la protection juridictionnelle — la « justice »
— à son tour sera invoquée non plus seulement contre des violations de
caractère individuel, mais aussi et de plus en plus souvent de caractère
essentiellement collectif, en ce sens qu'elles concernent notamment des
groupements, des classes, des collectivités. Il s'agit, en d'autres termes,
de « violations de masse ».
En effet, la complexité de la société moderne et l'enchevêtrement
des relations économiques engendrent des situations où des actes parti
culiers peuvent porter atteinte aux intérêts d'un grand nombre de per
sonnes et présentent, de ce fait, des problèmes qui n'ont pas été envisagés
dans les litiges individuels. Ainsi, de fausses informations divulguées par
une société par actions peuvent nuire à tous les acheteurs potentiels de
ces actions ; l'imposition par un gouvernement local ou national d'une
taxe illégale peut causer des dommages à tous les citoyens soumis à son
ressort ; des manèges de monopole entrepris par des grandes sociétés
peuvent léser les intérêts de tous les petits hommes d'affaires concurrents ;
un employeur, qui calcule selon un faux barème l'indemnité des heures
supplémentaires payées à ses employés, les lèse tous ; des décharges
jetées dans une rivière endommagent les riverains en aval et tous ceux
qui ont le droit de jouir des eaux non polluées de cette rivière ; des empaq
uetages défectueux nuisent aux consommateurs de l'article empaqueté,
etc. Le danger de ces dommages, qui affectent simultanément plusieurs
individus, constitue un phénomène croissant et fréquent dans les sociétés
industrielles. Les personnes ainsi lésées sont souvent dans des conditions
inadéquates pour obtenir la protection juridictionnelle contre les préju
dices individuellement subis. Elles peuvent même ignorer leurs droits.
Leurs prétentions individuelles peuvent être trop minimes. En outre, le
risque d'encourir de gros frais engendrés par le procès peut être dispro
portionné par rapport au dédommagement possible.
Nous songeons, notamment, à un autre phénomène typique de notre
époque, un phénomène qui détermine quotidiennement la qualité de
vie et qui pourra se révéler vraiment déterminant pour la survie de la
civilisation humaine : le mégalo-urbanisme, la mégalopole qui est déjà
une réalité d'aujourd'hui, et l'œcuménopole, ou cité universelle, qui
s'esquisse à l'horizon d'un proche lendemain (3). Analysant ce phéno-
(3) Sur ce phénomène voir, par ex., les intéressantes réflexions de Arnold
Toynbee, Cities on the Move, Londres, Oxford University Press, 1970, et de Lewis
Mumford, The City in History, 1961, Penguin Books, 1966. LE PROCÈS CIVIL 578 DANS
mène dans un livre récent, l'historien anglais Arnold Toynbee donne un
avertissement qui pourrait se révéler être une prophétie :
« Ce développement... est une partie d'un phénomène qui est mond
ial. Dans tous les continents les mégalopoles se fusionnent pour former
l'œcumenopole,... [qui] va embrasser, comme son nom l'indique, la surface
du globe avec une seule structure urbaine.
« La question ouverte n'est pas de savoir si l'œcumenopole va exis
ter ; mais si son créateur, le genre humain, va devenir son maître ou sa
victime. Serons-nous capables de rendre l'inévitable œcuménopole un
habitat tolerable pour le genre humain ? » (4).
Eh bien, il semble clair que dans le cadre de ces nouveaux, gigant
esques phénomènes sociaux, aussi attirants que dangereux s'ils ne sont
pas maîtrisés à temps par l'homme, le droit, instrument d'organisation
des sociétés, doit assumer des tâches et prendre des dimensions inconnues
jusqu'à maintenant. Les activités et les rapports concernent de plus en
plus souvent des catégories entières d'individus, et non quelques individus
seulement. Les droits et les devoirs ne se présentent plus, comme dans
les codes traditionnels d'inspiration individualiste-libérale, des
droits et des devoirs essentiellement individuels, mais méta-individuels et
collectifs. Ce développement, apparu d'abord timidement et sporadique
ment dans certaines législations spéciales — surtout à partir des premières
lois spéciales en matière de rapports de travail, vers la fin du dernier
siècle — , s'est progressivement généralisé : à tel point qu'aujourd'hui
il n'y a ni constitution démocratique moderne, ni déclaration internatio
nale des droits de l'homme, qui ne proclame des droits et des devoirs
« sociaux » et « collectifs », jadis ignorés ou néglig

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