La tradition juridique nationale - article ; n°2 ; vol.55, pg 263-278
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 2003 - Volume 55 - Numéro 2 - Pages 263-278
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. H. Patrick Glenn
La tradition juridique nationale
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 55 N°2, Avril-juin 2003. pp. 263-278.
Citer ce document / Cite this document :
Glenn H. Patrick. La tradition juridique nationale. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 55 N°2, Avril-juin 2003. pp.
263-278.
doi : 10.3406/ridc.2003.5576
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_2003_num_55_2_5576R.I.D.C. 2-2003
LA TRADITION JURIDIQUE NATIONALE
H. Patrick GLENN *
En parcourant la littérature juridique française récente on est frappé
par l'importance des questions soulevées et par le caractère fondamental
du débat. Pour M. Cornu il est devenu nécessaire d'affirmer, et c'est le titre
de son article, qu'un Code civil n'est pas un instrument communautaire '.
Également M. Lequette s'est senti obligé de déclarer que les Droits civils
des peuples de l'Europe « constituent une pièce importante de leur histoire,
de leur culture et de leur identité », une proposition que j'aurais trouvé
indéniable, mais qui semble être niée de nos jours, par certains, du moins
en Europe 2. M. Zénati, quant à lui, parle du « dépassement du système » '
(et je reviendrai sur cette phrase), tandis que M. Gridel nous informe que
la jurisprudence de la Cour de cassation étaye ses motifs de façon croissante
de références aux principes généraux du droit privé 4. Si la doctrine fran
çaise s'est toujours préoccupée des fondements du droit national, ces
interventions récentes indiqueraient un souci encore plus profond, quant
à l'existence même du droit national. Certes, il y a eu des perturbations
de ce droit dans le passé — je le dis en me rappelant que les examens
écrits pour mon D.E. S. (de l'époque) étaient prévus pour le mois de mai
1968, et que mon université en France, l'Université de Strasbourg, est
devenue pour quelques semaines vivifiantes Libre de Stras
bourg — mais le droit national (tout droit national) ferait face maintenant
* Titulaire de la Chaire Peter M. Laing, Faculté de droit et Institut de droit comparé,
Université McGill, et Visiting Fellow, All Souls College, Oxford University. Texte d'une
conférence Grand' 21 G. Chambre Y. LEQUETTE, CORNU, présentée de « la Un devant Cour « Code Quelques de la civil Cassation. Société remarques n'est pas de un législation à instrument propos du comparée communautaire projet de le code 6 février civil », D. européen 2002.1.353. 2003 à de la
M. von Bar », D. 2002.1.2202.
3 F. ZENATI, « L'évolution des sources du droit dans les pays de droit civil », D.
2002.1.15, à la p. 20.
4 J.-P. GRIDEL, « La Cour de cassation française et les principes généraux du droit
privé », D. 2002.1.228. 264 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-2003
à des changements de caractère tectonique, plus profond, qui dépendraient
des forces qui résistent aux pouvoirs étatiques.
C'est à cause de ces circonstances que j'aimerais vous parler ce soir,
avec optimisme, de la tradition juridique nationale. Je ne le ferai pas en
niant, ou en sous-estimant, ces forces importantes de changement qui
existent en Europe, dans le monde et même à l'intérieur des États. J'admett
rais même que le droit national n'existera plus tel que nous l'avons connu.
Nous sommes cependant dans une situation qui est épistemologiquement
privilégiée, qui nous permet de voir une période de l'histoire du droit —
la période du système juridique national — qui semble s'épuiser, tandis
que d'autres sources de droit et de conceptions juridiques commencent
à s'affirmer. J'aimerais donc parler, dans un premier temps, de l'historicité
du système juridique national, en le situant dans son pour ensuite,
et c'est la partie optimiste de mes remarques, aborder dans un deuxième
temps la modernité de la tradition juridique nationale.
I. L'HISTORICITÉ DU SYSTÈME JURIDIQUE NATIONAL
On parle de nos jours, de manière exagérée, de la fin de l'État 5, et
il est vrai que la prophétie devient réalité dans certaines parties du monde 6.
C'est plutôt, cependant, la conception juridique principale de l'Etat, le
système juridique national, qui donne tous les signes d'épuisement, et
cela même pour les États les plus robustes. J'examinerai donc d'abord
les signes de cet épuisement, en empruntant volontiers la phrase de
M. Zénati du « dépassement du système », pour ensuite poser quelques
questions quant à la nature véritable du système juridique, et son rapport
avec la tradition juridique, dans ces moments les plus faibles de son
existence.
A. — Le dépassement du système juridique national
Cambacérès a eu beau protester, « Un système ! Nous n'avons
point... » lors de la codification française 7. Car si les codificateurs s'occu
paient surtout du fond du droit, sans construire au-delà de ce qui existait
déjà dans le monde du droit, Vidée de codification contribuait énormément
à l'idée de systématiser le droit national. Le changement d'emphase est
fondamental. D'une préoccupation principale avec l'art de la justice, avec
le fond du droit, on s'oriente dans une certaine mesure vers son encadre-
5 V. J.-M. GUÉHENNO, La fin de la démocratie, Paris, Flammarion, 1993, traduit
plus dramatiquement en anglais sous le titre The End of the Nation State, Minneapolis, MI,
University of Minnesota Press, 1995 ; K. OHMAE, The End of the Nation-State : The Rise
of Regional Economies, New York, Free Press, 1995 ; et, plus nuancé, M. van CREVELD,
The Rise and Decline of the State, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 ; P. BOB-
BITT, The Shield of Achilles [ :} War, Peace and the Course of History, Londres, Allen
Lane, 2002 notamment aux pp. 346, 347 sur les formes différentes de l'État, dans le temps.
6 V. infra, le texte qui accompagne la note 23.
7 Cité dans R. SÈVE, « Système et Code » dans Le système juridique, Arch. phiL dr.
31, 1986, p. 77, à la p. 82. '
1
H. P. GLENN : LA TRADITION JURIDIQUE NATIONALE 265
ment et sa structure s. Un système, selon la théorie des système, est un
cadre, délimité par ses frontières, à l'intérieur desquelles ses éléments
sont en inter-action. Il s'agit d'une construction intellectuelle, « un
mirage » selon un texte qui nous est offert par M. Gambaro 9, qui serait
attirant par sa forme mais nécessairement peu « fécond » quant à son
contenu . Pour M. Dalhuisen, dans son récent ouvrage magistral sur le
droit commercial international, il s'agit d'une manière de penser le droit
qui serait « une aberration », inadéquate pour les besoins contemporains,
et « dépassée » n. En France, M. Oppetit a conclu qu'on pense de moins
en moins le droit en termes de système, préférant tout simplement la
notion du droit comme moyen de résolution de différends 12.
Pourquoi ce désenchantement avec le système juridique national ?
Parce que, on nous dira, il y a la mondialisation, il y a la construction
de l'Europe, il y a la technologie, et tout cela est vrai. Pourquoi, cependant,
le système juridique national serait- il inadéquat pour répondre à ces nouvell
es circonstances du monde qui, selon certains, ne seraient pas si radicale
ment nouvelles 13. Il y aurait plutôt des problèmes plus profonds avec la
notion de système juridique national. Le système juridique serait structurel-
lement déficient, comme institution, comme manière de penser le droit.
Ce sont les circonstances actuelles du monde qui révèlent ses déficiences.
Le système juridique national est déficient d'abord par son positi
visme, bien qu'il y ait des nuances importantes à faire à cette affirmation,
selon le pays. Poussée à la limite, cependant, comme dans l'enseignement
de Hart en Angleterre, le système juridique devient un simple fait, fondé
sur l'obéissance constatée de la population, et qui fonctionne selon ses
règles secondaires des sources de droit jusqu'à ce qu'il... cesse de fonction
ner 14. Et c'est tout. Le fond du droit, la justice, n'y ligure pas, un reflet
philosophique sans doute de l'absence du droit matériel durant la plupart
de l'histoire de la common law l5. La doctrine du continent, cependant,
ne jouit pas d'une immunit&

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