Le Code civil et l’Italie - article ; n°3 ; vol.57, pg 571-625
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 2005 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 571-625
Le Code civil accompagne l’histoire du droit civil italien depuis 1806, date à laquelle la version italienne du Code est publiée à Milan sous le titre de Code civil du Royaume d’Italie. Ce code constitue le modèle des Codes civils de l’Italie pré-unitaire, du Code civil de 1865 de l’Italie unie et représente encore un point de repère pour la culture italienne du vingtième siècle, au cours duquel une tentative d’un Code des obligations franco-italien a été élaborée. Même après le code de 1942, le Code civil français et la culture juridique française sont encore considérés comme des modèles et comme des interlocuteurs irremplaçables. Dans ces pages on examinera le Code civil
d’une façon critique suivant la perspective des juristes italiens qui en ont célébré le succès, la diffusion et l’application en Italie et on envisagera la structure des institutions de droit civil qui aujourd’hui sont encore à la base du droit civil italien. Il s’agit d’une lecture technique idéologique, sociologique qui exprime toute l’admiration pour les «Pères» du Code et en souligne la nature d’un véritable «monument historique».
The Code Civil accompagnies the history of Italian civil law from 1806, the year in which the Italian version of the code was published in Milan as «Codice civile del Regno d’italia» (Civil Code of the Kingdom of Italy). Thise code is the model of all codes of pre-unified Italy and of the first civil code of unified Italy of 1865 and continues to be a reference point for the Italian culture of the XXth century, the century in which there was an attempt to write a «Codice franco-italiano delle obligaziononi» (Franco-Italian Code of Obligations) (1929) and, after the Italian code of 1942, we continue to regard the French civil code and the French culture as a model and an unsuppressable interlocutor. In these pages the Code civil is critically examined in the perspective of Italian jurists who have celebrated its success, its spreading and application in Italy, the structure of civil law institutes are examined, institues which are still the basis of Italian civil law. It is a technical, ideological and sociological interpretation which expresses all the admiration for the «Fathers» of the code and underlines its status as an «historic monument».
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 88
Langue Français

Extrait

R.I.D.C. 3-2005
LE CODE CIVIL ET LITALIE
GuidoALPA
LeCode civil accompagne lhistoire du droit civil italien depuis 1806, date à laquelle la version italienne duCode publiée à Milan sous le titre de estCode civil du Royaume dItalieCe code constitue le modèle des Codes civils de lItalie pré-unitaire,. du Code civil de 1865 de lItalie unie et représente encore un point de repère pour la culture italienne du vingtième siècle, au cours duquel une tentative dunCode des obligations franco-italien a été élaborée. Même après le code de 1942, le Code civil français et la culture juridique française sont encore considérés comme des modèles et comme des interlocuteurs irremplaçables. Dans ces pages on examinera leCode civildune façon critique suivant la perspective des juristes italiens qui en ont célébré le succès, la diffusion et lapplication en Italie et on envisagera la structure des institutions de droit civil qui aujourdhui sont encore à la base du droit civil italien. Il sagit dune lecture technique idéologique, sociologique qui exprime toute ladmiration pour les « Pères » duCodeet en souligne la nature dun véritable « monument historique ». The Code Civil accompagnies the history of Italian civil law from 1806, the year in which the Italian version of the code was published in Milan as « Codice civile del Regno ditalia » (Civil Code of the Kingdom of Italy). Thise code is the model of all codes of pre-unified Italy and of the first civil code of unified Italy of 1865 and continues to be a reference point for the Italian culture of the XXth century, the century in which there was an attempt to write a « Codice franco-italiano delle obligaziononi » (Franco-Italian Code of Obligations) (1929) and, after the Italian code of 1942, we continue to regard the French civil code and the French culture as a model and an unsuppressable interlocutor. In these pages the Code civil is critically examined in the perspective of Italian jurists who have celebrated its success, its spreading and application in Italy, the structure of civil law institutes are examined, institues which are still the basis of Italian civil law. It is a technical, ideological and sociological interpretation which expresses all the admiration for the « Fathers » of the code and underlines its status as an « historic monument ». Professeur à lUniversité de Rome « La Sapienza », avocat à la Cour de cassation.
572 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 3-2005
I. LIDÉE DE CODE, LA RÉVOLUTION ET LES REFLETS EN ITALIE Il ne faut pas croire que lidée de codification était étrangère aux expériences italiennes avant la conquête napoléonienne. Cest seulement lidée de codification des lois civiles qui était étrangère, alors quil existait bien des « codes », cest-à-dire des recueils ordonnés de règles dans des secteurs bien déterminés du système, tels que le secteur des procédures civile et pénale. Les initiatives en ce sens sont multiples, puisquil sagit, en grande partie, de « consolidations » plutôt que de rédactions de codes au sens moderne. Parmi ces initiatives, celles qui se font remarquer sont les Constitutions de la Maison de Savoie, dans la version des années 1722-1723, refaites par la suite en 1770. Il sagit bien sûr de règles qui concernent surtout ladministration de la justice, puisque ceci est la signification politique de lintervention du monarque dans la législation entre particuliers : la garantie dun procès effectué devant ses propres ministres, cest-à-dire devant les juges qui administrent la justice au nom du monarque. Au contraire, ce qui importe le moins - car cela concerne précisément les rapports entre particuliers - cest la loi substantielle à appliquer : quil sagisse de droit romain, de coutumes, de statuts municipaux de dispositions de lAutorité, peu importe. Ce qui importe, cest que la procédure ait sonrite. Pour les Italiens aussi, lexpérimentation dun code qui traite toutes les matières du droit civil, lutilisation dun texte qui reconstruit toutes les sources en une seule trame est donc une nouveauté. Cette expérience ne pourra être faite quaprès les événements révolutionnaires de France et après la conquête napoléonienne. Fallait-il une révolution pour créer le Code civil? Cest une question inutile parce que lon ne peut pas écrire lhistoire avec des « si » ; il est clair que lon constate une continuité entre lexpérience juridique passée et le Code civil Napoléon. Ce qui est moins clair, cest si lAncien Régime à la fin du XVIIIème était naturellement destiné à se dissoudre et si la transition au système de bourgeoisie aurait pu avoir lieu sans révolutions, exils, massacres1. Pour ceux qui étudient le droit civil en France, la Révolution a une valeur fondamentale: elle représente lorigine du nouveau droit civil - du droit civil qui se dit justement moderne - et il en dérive un modèle normatif 1Ceci est la fameuse thèse de F. FURET,Critica della Rivoluzione francese,Rome-Bari, 1987 (mais v. également F. FURET et D. RICHET,La révolution française,Paris, Hachette, 1965).
G. ALPA : LE CODE CIVIL ET LITALIE
573
pour la majeure partie des pays occidentaux2. II. LES IDÉES DE LA RÉVOLUTION Les idées de la Révolution sont exprimées dans le texte de la Déclaration des droits de 1789, auquel on parvient après avoir discuté dinnombrables propositions et également des propositions individuelles3. Les points cardinaux de la Déclaration ne concernent pas seulement les droits politiques, mais ils se répercutent aussi sur la réglementation des rapports entre particuliers : la liberté et légalité des hommes en droits et le maintien des « distinctions sociales » seulement pour des raisons d« utilité commune » (art. 1) ; la sauvegarde des droits « naturels et imprescriptibles » de lhomme par toutes les agrégations politiques, cest-à-dire de la liberté, de la propriété, de la sécurité et de la résistance à loppression (art. 2) ; lexercice des droits naturels, qui doit se faire dans le respect des droits dautrui (art. 4) ; la liberté de faire tout ce qui nest pas interdit par la loi (art. 5) ; ladmission de tous les citoyens aux « dignités, bureaux et emplois publics », la seule distinction pouvant se fonder sur leur capacité, sur les vertus et sur leur talent (art. 6); la liberté de pensée et dopinion (arts. 10 et 11) ; la propriété, qui est définie comme un droit « inviolable et sacré », dont on ne peut être privé que par nécessité publique, constatée légalement, et avec la reconnaissance dune indemnité « juste et anticipée » (art. 17). Lexpression - très importante du point de vue idéologique - de « droits naturels » disparaît peu à peu : on la retrouve encore dans la Déclaration des droits de 1793, tandis quaprès la Terreur, elle est supprimée dans la Déclaration des droits de 1795. Et en effet larticle 1 de ce texte déclare : « Les droits de lhomme dans la société sont la liberté, légalité, la sécurité, la propriété(...) ». Lusage instrumentaire du droit naturel apparaît de toute évidence. Le droit naturel, et les droits naturels, sont ainsi peu à peu transformés en quelques années, en droits « nationaux », cest-à-dire en droits reconnus par les lois positives4. 2V. par ex. J.-L. HALPÉRIN,Histoire du droit privé français,Paris, PUF, 1996, p. 15 et s.; R.C. VAN CAENEGEM,Introduzione storica,p. 19 et s. 3 V. La déclaration des droits de lhomme et du citoyen,présentée par S. RIALS, Paris, Hachette, 1988, p. 21 et s. 4 F. GAUTHIER,Triomphe et mort du droit naturel en Révolution,1789-1795-1802, Paris, PUF, 1992. Comme on peut limaginer, la littérature en la matière était déjà très vaste, mais avec les célébrations du bicentenaire de la Révolution elle est devenue immense : à simple titre dexemple,v.les essais recueillis dans les deux fascicules deDroits, n° 8, 1988 sur « La déclaration de 1789 »et
574 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 3-2005 Il est difficile de dire si cette transformation est arrivée de façon aussi linéaire également dans notre pays: pendant tout le XIXème siècle - mais ceci est un aspect de la problématique qui concerne plus les journalistes et les politologues que les spécialistes du droit civil - des éditions et rééditions des jusnaturalistes italiens, français, allemands se sont en effet succédées. Si lon considère ces entières bibliothèques de jusnaturalistes, lidée qui fait surface est que lon voulait décrire un droit idéal auquel devait tendre le droit positif effectivement pratiqué. Le droit civil « intermédiaire » finit ainsi par se concentrer sur la propriété et sur linitiative économique : les deux piliers de léconomie nécessaires à lémergence du capitalisme et à la consolidation au pouvoir de la classe bourgeoise. Léconomie agricole et le commerce - et par la suite lindustrie - exigent une réglementation de la propriété qui soit le plus possible garantie dans la titularisation des pouvoirs du propriétaire, en même temps que la rapidité des trafics, et exigent donc des règles simples en matière dobligations et de contrats. Ce qui est bien plus important, ce sont les acquisitions sur le plan du droit public, de la représentation politique, des catégories électorales, de la répartition des pouvoirs : mais ceci est justement lhistoire la plus connue, dont nous faisons crédit à nos lecteurs. En revanche, sur le plan des causes civiles, ce qui importe est le commencement de la rédaction dun code inhérent aux rapports entre particuliers, un code précisément « civil ». Le processus délaboration dure beaucoup plus longtemps que ce que les révolutionnaires avaient imaginé, et le succès nest pas dû aux révolutionnaires mais à Napoléon, surtout parce que, pendant la Révolution, les rapports juridiques sont plus empreints du droit public que du droit privé, comme laurait observé Portalis lui-même5. Le Code représentera le modèle idéal de droit civil « pur et quasi immuable », un cadre de règles pratiques qui se substituera - en les
n° 17, 1993 sur « La révolution française et le droit »; les Actes du Colloque International de Milan, 1-3 octobre 1990,Diritto e Stato nella filosofia della Rivoluzione francese,M. A. CATTANEO (dir.),Milan, 1992, (les racines de cette philosophie se trouvent dans les pages -désormais classiques- de G. FASSO,La legge della ragione, rist., Milan, 1999). G. TARELLO,Storia della cultura giuridica moderna,p. 222 et s., consacre des pages de profonde réflexion sur la Révolution française. Pour une vue densemble, A. M. HESPANHA,Introduzione alla storia del diritto europeo,Bologne, 1997, ainsi que SANTINI, « LEuropa come spazio giuridico unitario: unarmonia nel aspetto delledissonanze », inCont.impresa/Europa, 1996, I, p. 43 et s. 5J.-E.-M. PORTALIS,Discours préliminaire sur le projet de Code civil,réédité enDiscours et rapports sur le Code civil,F. PORTALIS, Paris, 1844, et aujourdhui réédité (par unpar son fils processus de rééd. fidèle à loriginal), Centre de philosophie politique et juridique, Caen, 1992.
G. ALPA : LE CODE CIVIL ET LITALIE 575 incorporant tant que cela est possible - aux principes du droit naturel6. Mais, loin dêtre séparé de la politique, le code plongera ses racines dans les idées politiques de lépoque: le mythe que le Code civil était un « ensemble technique de règles » de lÉcole de lExégèse elle-même est mort depuis longtemps. Le Code repose sur des principes de nature politique, comme légalité des individus et lexclusion des privilèges, la défense de la propriété, le libre jeu de la concurrence, également dans les rapports de travail et lorganisation dune famille selon le modèle autoritaire et patriarcal7. III. LES EFFETS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE EN ITALIE Pour les Italiens - et plus particulièrement pour les juristes -lexpression « révolution » évoque (presque avec une irrésistibilité mécanique) la Révolution française, et avec elle, laDéclaration des droits delhomme et du citoyen : il est pourtant bien vrai que lépoque moderne apparaît déjà annoncée par la Révolution anglaise du XVIIème8 et lon ne peut pas mettre en doute lantériorité - non seulement historique, mais également culturelle - de la Révolution américaine9 celle de la France. à Mais cest un fait que dans notre pays, les idées révolutionnaires, destinées à troubler lordre constitué (cet Ancien Régime qui maintenait la rigoureuse distinction en « états » et concentrait le pouvoir dans les mains des Rois et de la noblesse, ne reconnaissait pas les droits politiques essentiels, entravait le libre commerce et surtout maintenait en vie les fiefs oulatifundiumset les excessives limites à la propriété) ont été diffusées, soutenues et défendues, comme sil sagissait dune « transplantation » en Italie de la révolution française. Ces idées circulent grâce aux documents révolutionnaires, à la victorieuse campagne dItalie de Napoléon et à la vague libertaire promue par les « constitutions jacobines ». Cependant, la fidélité historique impose de ne pas faire coïncider nos idées et nos connaissances avec les faits survenus en Italie de la fin du 6J.-L. HALPÉRIN,Limpossible Code civil,Paris, PUF, 1992, p. 287. Luvre est consacrée aux différentes rédactions du code présentées par J.-J.-R. de CAMBACÉRÈS, aujourdhui rééditées (par un processus de réédition fidèle à loriginal) in CAMBACÉRÈS,Projet de Code civil,Vaduz-Paris, 1977;v.en outre les éléments recueillis sous le titre deNaissance du Code Civil,par F. EWALD, Paris, Flammarion, 1989 ; et J. BOURDON,Napoléon au Conseil dÉtat,Notes et procès verbaux inédits de Locré, Paris, Dunan, 1963. 7J.-L. HALPÉRIN,op. cit., p. 289. 8V. G. TARELLO,op. cit.,p. 222 et s. 9G. ABBATTISTA,La rivoluzione americana, Rome-Bari, 1998.
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