Le rôle du juge français dans l élaboration du droit musulman  algérien - article ; n°4 ; vol.15, pg 705-721
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Revue internationale de droit comparé - Année 1963 - Volume 15 - Numéro 4 - Pages 705-721
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 58
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Paul Charnay
Le rôle du juge français dans l'élaboration du droit musulman
algérien
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 15 N°4, Octobre-décembre 1963. pp. 705-721.
Citer ce document / Cite this document :
Charnay Jean-Paul. Le rôle du juge français dans l'élaboration du droit musulman algérien. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 15 N°4, Octobre-décembre 1963. pp. 705-721.
doi : 10.3406/ridc.1963.13766
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1963_num_15_4_13766LE »OLE DU JUGE FRANÇAIS
DANS L'ÉLABORATION
DU DROIT MUSULMAN ALGÉRIEN *
par
Jean-Paul CHARNAY
Chef do travaux à l'Ecole des Hautes Etudes (Sorbonne)
« L'exercice de la religion mahométane restera libre. La liberté des
habitants de toutes classes, leur propriété, leur commerce et leur indust
rie ne recevront aucune atteinte. Leurs femmes seront respectées. Le gé
néral en chef en prend l'engagement sur l'honneur » (1). Ainsi s'achev
ait, le 5 juillet 1830, la Convention passée entre le général en chef de
l'Armée française et Son Altesse le Dey d'Alger. Ce texte a fait couler
des torrents d'encre, quant à l'étendue de son domaine d'application
matérielle et territoriale (2). Il indiquait, au premier jour de la conquête,
les plus forts bastions de résistance à l'occidentalisation : la religion
et la femme.
Il devait d'ailleurs faire l'objet de nombreux malentendus, l'Islam
ne séparant pas droit et religion, comportement social et norme théolo-
gico-juridique : il est aujourd'hui banal de le rappeler, mais toute at
teinte, directe ou indirecte, à une règle du fiqh, fût-elle matériellement
de simple technique juridique, entraînera des protestations véhémentes
ou attristées, selon la situation politique.
Aussi, plus que sur cette capitulation, souvent invoquée par les mu
sulmans (3), les juges considéreront que l'application du droit musul-
(*) Extraits de La vie musulmane en Algérie d'après la jurisprudence de la
première moitié du xx« .siècle, a paraître.
Principales abréviations :
app. kab. : Chambre des appels kabyles des tribunaux civils. mus. : des musulmans des civils.
JP : Justice de paix.
KM : Chambre de révision musulmane de la Cour d'appel d'Alger.
La Revue nigérienne, tunisienne et marocaine de législation et de jurispru
dence sera simplement désignée par les mots : Revue algérienne.
(1) Le Sénatus-consulte du 14 juillet 1865, conférant aux musulmans algériens
la nationalité française, confirmera l'application de la loi musulmane.
(2) Godin, De l'application du droit musulman en Algérie, 1900.
(3) JP d'Alger-Nord, 22 janvier 1908, Revue algérienne, 1909.11.364 ; JP de
Bordj-Bou-Arreridj, 7 juin 1917, Revue algérienne, 1917.11.387. 706 LE RÔLE DU JUGE FRANÇAIS DANS 1/ÉLABORATION
man en Algérie est fondée sur son insertion dans l'ordre juridique
français par des textes français. Mais ceux-ci se bornent à énumérer les
matières musulmanes ainsi introduites dans la législation de la puissance
souveraine (4) : statut personnel, successions, immeubles non francisés ;
le juge étant invité à tenir compte des coutumes et usages des parties
dans l'interprétation des conventions, dans l'appréciation des faits et l'admission de la preuve, en matière civile et mobilière, laquelle est,
en principe, soumise à la loi française (5).
En pratique, même dans le domaine réservé, s'imposera souvent au
juge la nécessité de choisir — ou de concilier — entre les normes locales
et les normes françaises ; donc d'apprécier les valeurs qui sous-tendent
ces normes, et leur degré d'adhérence aux réalités sociologiques ambiant
es. Une difficulté supplémentaire résultant du fait que, des deux ordres
juridiques hétérogènes en présence (le vieux fond juridique maghrébin :
fiqh, parfois déformé, et coutumes — et droit français), ait eu suprématie
le droit laïc n'indiquant que les structures et les cadres des diverses ac
tivités humaines (familiales, professionnelles, administratives, mais peu
économiques, et pas sociales), sur le système déontologique (comporte
ment, morale et convenances sociales).
Aussi, au delà de la détermination de la norme à appliquer (Sec
tion I : Hésitations sur la hiérarchie des normes), le juge français est
appelé à modifier, dans leur champ d'application ou dans leur essence,
les normes composant les ordres juridiques en présence (Section II : Mot
ifs des échanges de normes).
Section I. — Hésitations sur la hiérarchie des nonnes.
Les textes français établissant la compétence de la loi locale dans
les matières réservées ne renvoient nullement à une œuvre juridique —
texte, ouvrage doctrinal — qui s'imposerait au juge. Celui-ci allait-il se
trouver abandonné au milieir des nombreuses sources de droit musulman,
recueils, gloses et commentaires, qui constituent en Islam une pullu
lante littérature ? Deux éléments devaient le sauver de ce risque de
noyade, qui aurait entraîné une certitude d'éparpillement dans la j
urisprudence. Deux éléments d'ailleurs contradictoires : l'affirmation de
principe que le juge doit appliquer les coutumes locales, non les textes,
donc rechercher la norme dans le comportement des justiciables ; et sa
tendance à s'appuyer sur un texte quasi officiel.
En effet, l'affirmation est expresse que, « en Algérie, seules les cou
tumes et non les textes des jurisconsultes musulmans ont force de loi > (6).
Affirmation qui se voulait d'abord observation sociologique — il est
aisé de montrer, au Maghreb, qu'en cas d'antagonisme entre le fiqh pur
et le droit coutumier local, celui-ci l'emporte souvent — mais non dé
nuée d'arrière-pensées : afin de permettre précisément une « évolution »
de la « coutume » (7) maghrébine. Certes, une telle évolution sera plus
facile en Kabylie que dans le reste de l'Algérie, la âada réalisant déjà
une séparation non négligeable par rapport au fiqh pur : séparation
(4) Jules Eoussier, Application du Chra au Maghreb en 1959, in Die Welt des
Islams, 1959, p. 25 et s.
(5) Décret du 17 avril 1889 ; ordonnance du 23 novembre 1944.
(6) UM 6 juin 1931, Bévue algérienne, 1933.11.202.
(7) Ce terme, appliqué parfois indistinctement à l'ensemble des matières ré
servées, sera souvent critiqué par les oulémas, cadis, muftis, etc. DU DROIT MUSULMAN ALGÉRIEN 707
peut-être d'ailleurs plus objective matériellement que psychologiquement
ressentie par les intéressés.
Mais cette évolution tend à établir une nouvelle hiérarchie des nor
mes, ne correspondant plus à la théorie classique française. En effet,
dans la constatation de cette évolution, la jurisprudence revendique un
rôle primordial (8).
Une exception cependant : si elle déclare s'inspirer de l'humanité,
du droit naturel, de l'équité (raisons assez métaphysiques), ou des prin
cipes d'ordre public et d'intérêt social (9), elle affirme, néanmoins,
qu'elle est liée, contrainte, s'il existe un texte précis, formel, de droit mu
sulman (10), et plus particulièrement du Coran (11). Le droit coranique,
au sens strict quant à son étendue d'application, constitue un noyau irré
ductible avec lequel la jurisprudence et la législation biaiseront (par
exemple : impossibilité d'interdire — sauf en Kabylie — le mariage des
impubères, mais recommandation d'éviter la consommation de ces mar
iages, et condamnation pour blessure en cas d'accomplissement), mais
qu'elles n'enfreindront pas. Toute évolution jurisprudentielle ou légale
est présentée par les tribunaux avec un grand luxe de précautions, et
l'importance du changement effectué est minimisée (12) (les comment
ateurs n'auront pas toujours cette discrétion). Mais le juge français ne
se reconnaît pas le droit de revenir à la pure doctrine coranique, lorsque
la coutume est bien enracinée, une règle de fiqh admise, sur la foi des
docteurs par la succession des générations, donne une interprétation
erronée du Coran (13).
Autre pôle de résistance à l'effort modificateur — ou, si l'on pr

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