Les critères qualificatifs pour la protection littéraire et artistique en droit français - article ; n°2 ; vol.46, pg 507-519
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1994 - Volume 46 - Numéro 2 - Pages 507-519
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Pierre-Yves Gautier
Les critères qualificatifs pour la protection littéraire et artistique
en droit français
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994. pp. 507-519.
Citer ce document / Cite this document :
Gautier Pierre-Yves. Les critères qualificatifs pour la protection littéraire et artistique en droit français. In: Revue internationale
de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994. pp. 507-519.
doi : 10.3406/ridc.1994.4886
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1994_num_46_2_4886R.I.D.C. 2-1994
LES CRITÈRES QUALITATIFS
POUR LA PROTECTION LITTÉRAIRE
ET ARTISTIQUE EN DROIT FRANÇAIS
Pierre-Yves GAUTIER
Professeur à l'Université de Caen Basse-Normandie
1. — Tout le monde connaît le chef-d'œuvre de l'auteur américain
Margaret Mitchell, « Autant en emporte le vent », immortalisé au cinéma
par Vivian Leigh et Clark Gable ; il y a quelques années, un écrivain
français a eu l'idée de reprendre le thème et les personnages principaux
du roman, pour en tirer (sans requérir l'autorisation du Trust) un nouvel
ouvrage, transposé dans la France de la deuxième guerre mondiale et
intitulé « La bicyclette bleue » ; le livre a connu un fort succès, avec
beaucoup de « chuchotements » sur les emprunts non dissimulés aux avent
ures mouvementées de Scarlett O'Hara, Rhett Butler et Ashley pendant
la guerre de Sécession ; le Trust Margaret Mitchell, ayant fini par avoir
vent de ce démarquage, fit un procès à l'auteur français et à son éditeur
qu'il gagna devant le tribunal de grande instance, en décembre 1989 ;
l'auteur français fit appel et dans un arrêt du 21 novembre 1990, la Cour
d'appel de Paris infirma le jugement et débouta complètement les héritiers
de leur demande en interdiction de diffusion du livre et en condamnation
en paiement de dommages-intérêts (1).
Pour ce faire, c'est principalement sur le terrain des critères qualitatifs
de la protection des œuvres littéraires qu'elle se plaça ; voici un extrait
significatif de la décision, après avoir rappelé le thème commun des deux
livres respectifs : « Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si "La
bicyclette bleue" et "Autant en emporte le vent" ont incontestablement
(1) D. 1991.85, note crit. P. Y. GAUTIER. 508 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994
pour point de départ une anecdote identique, la situation banale qui y
est décrite n'est pas susceptible d'appropriation; considérant en effet
que le thème d'une jeune fille qui se jette à la tête d'un garçon qui lui
en préfère une autre, alors qu'elle est elle-même aimée d'un homme plus
âgé, est totalement dépourvu d'originalité».
Nous voilà déjà dans le vif du sujet : en théorie, la Cour de Paris
avait raison de dénoncer la banalité de la situation amoureuse à trois
personnes (on aperçoit déjà qu'en droit français, l'originalité a tendance
à se définir de façon négative, par son antonyme) ; cependant, les avocats
et les juges du premier degré avaient fait un travail considérable, dont
la Cour ne tint aucun compte dans sa décision : sur deux colonnes, ils
avaient extrait des deux livres, à titre de comparaison, des passages entiers,
notamment de dialogues entre les personnages ; il ne s'agissait donc pas
seulement de la reprise d'un simple canevas, mais d'un recopiage en
règle, à peine maquillé, de certaines parties de l'ouvrage. La censure était
assez inéluctable et elle intervint effectivement dans un arrêt rendu par
la Première chambre civile de la Cour de cassation, le 4 février 1992 :
« Attendu que ces seules considérations ne dispensaient pas la Cour d'ap
pel de rechercher, comme l'avaient fait les juges du premier degré, si
par leur composition ou leur expression, les scènes et les dialogues d' "Au
tant en emporte le vent" et de "La bicyclette bleue", qui décrivent et
mettent en œuvre des rapports comparables entre les personnages en
présence, ne comportent pas des ressemblances telles que, dans le second
roman, ces épisodes constituent des reproductions ou des adaptations de
ceux du premier, dont elles sont la reprise » (2).
Ainsi, la Cour de Paris, qui s'était retranchée derrière les termes
confortables de la propriété littéraire et artistique, « originalité » et « banal
ité », se voit reprocher de n'être pas entrée dans les détails, de s'être
contentée de se cantonner dans les abstractions de la langue juridique.
Voilà la première leçon d'humilité à recevoir, quant aux critères
qualitatifs des œuvres : derrière les définitions savantes, il y a la technique
des magistrats, le temps qu'ils prennent pour analyser l'œuvre ; de ce
point de vue, il n'y a pas de meilleur instrument que leurs vérifications
personnelles (qui leur sont permises par la loi française de procédure
civile).
Mais l'affaire rebondit, car la Cour d'appel de renvoi refusa de
s'incliner devant la position de la Cour suprême... et débouta à son tour
le Trust Mitchell (3) : il faudrait, selon cette juridiction, ne pas tenir
compte des « pulsions humaines » des personnages principaux, identiques
dans les deux romans et en rapport avec les événements, mais de « libre
parcours » donc non protégeables et s'attacher essentiellement au contexte
historique différent, brossé dans chaque œuvre ainsi qu'au style caractéris
tique qui est le leur.
L'affaire va donc sans doute revenir devant la Cour de cassation,
qui se réunira peut-être en Assemblée plénière, sa formation la plus
(2) D. 1992.182 note P. Y. GAUTIER ; J.C.P. 1992.11.21930, obs. X. DAVERAT.
(3) Versailles, 15 déc. 1993, D. 1994.132, note P.Y.GAUTIER. P.-Y. GAUTIER : PROTECTION LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE 509
solennelle, rassemblée par le Premier Président lorsque se pose une ques
tion de principe ou que les Cours d'appel font sécession (ce qui est
doublement le cas ici).
2. — Le mot « originalité » est donc la clé de la bataille, qui permett
ra à l'œuvre d'accéder aux faveurs de la loi, et dans les cas de contrefaçon
comme dans l'affaire « Autant en emporte le vent », de faire condamner le
contrefacteur ; l'originalité de la première œuvre est en effet une condition
préalable au succès de l'action.
Il est le « standard » de protection en droit français, comme dans
nombre de pays, dont les États-Unis, éloignés de nos conceptions du point
de vue de la consistance et de l'attribution des droits d'auteur, mais fort
proches, quant aux conditions de protection et aux définitions.
On commencera par envisager la confection du « standard » de l'origi
nalité, puis il faudra voir comment se déroule son application quotidienne
par les tribunaux.
I. LA CONFECTION DU « STANDARD » DE L'ORIGINALITE
A. — Les sources du critère « originalité »
3. — Curieusement, alors que l'originalité est le maître-mot, le
concept-phare du droit français de la propriété littéraire et artistique, le
Code de la propriété intellectuelle ne l'a pas érigé en critère de base,
pour la protection des diverses œuvres de l'esprit ; tout au plus y trouve-
t-on une allusion à propos des titres à l'article L. 112-4.
Autant dire que la source de l'originalité est la jurisprudence des
juridictions françaises ; ce sont les juges qui, au fil des années, ont posé
cette condition, qui se trouve rappelée et vérifiée dans les motifs des
jugements lorsque l'adversaire de celui qui se prévaut d'un monopole
d'exploitation sur son œuvre vient jeter le doute sur l'originalité — la
qualité fondamentale de celle-ci.
Du point de vue de la charge de la preuve, les magistrats ont procédé,
par faveur pour l'auteur alléguant le pillage de son œuvre, à un renverse
ment probatoire : alors que la règle générale du droit français est que la
preuve incombe au demandeur (actori incumbit probatio), ici, en fonction
de l'existence d'une originalité suffisante pour protéger son œuvre, ils
décident le plus souvent que c'est au contraire au défendeur à prouver
que l'œuvre, support de l

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