Les Japonais et le droit - article ; n°2 ; vol.28, pg 235-250
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 2 - Pages 235-250
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Takehisa Awaji
Les Japonais et le droit
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 28 N°2, Avril-juin 1976. pp. 235-250.
Citer ce document / Cite this document :
Awaji Takehisa. Les Japonais et le droit. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 28 N°2, Avril-juin 1976. pp. 235-250.
doi : 10.3406/ridc.1976.16653
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1976_num_28_2_16653LES JAPONAIS ET LE DROIT
par
Takehisa AWAJI
Professeur adjoint à la Faculté de droit de l'Université Rikkyo (Saint-Paul)
Les juristes de langue française connaissent bien l'histoire du droit
japonais et l'attitude des Japonais à l'égard du droit, notamment par les
écrits pénétrants et magistraux du professeur Noda (1).
Il serait donc inutile de revenir sur le sujet si des événements récents
et tragiques, en particulier la maladie de Minamata et d'autres phénomèn
es de pollution, n'avaient modifié dans les dernières années l'attitude d'un
certain nombre de Japonais. C'est ce phénomène qu'il est intéressant de
mettre en lumière. Dans ces conditions, l'histoire du droit japonais ne
sera ici rappelée que de la manière la plus brève (I). On exposera surtout
l'histoire de la maladie de Minamata et de la réaction des victimes et de
leurs familles (II) et on en cherchera l'explication dans la tradition japo
naise (III). On s'efforcera enfin de décrire le changement récent et remar
quable dans l'attitude des Japonais à l'égard du droit (IV).
I. — Histoire
Pour qui s'intéresse à ses aspects les plus récents, l'histoire du droit
japonais peut être divisée en trois périodes. La première va de l'origine
jusqu'en 1868, avec la Restauration de l'Empereur Meiji. La seconde
s'ouvre à cette date ; elle est marquée par la réception des droits occiden
taux et se clôt avec la fin de la seconde guerre mondiale. A vrai dire, on
constatera plus tard que, dans la dernière période, qui va de 1945 à nos
0) V. Yosiyuki Noda, Introduction au droit japonais, 1966 ; « Le droit
japonais », Encyclopaedia Universalis, vol. 9, 1968, p. 348 et s. ; « Le dévelop
pement du droit comparé depuis 1869 et la situation actuelle des études comparat
ives du droit au Japon », Livre du Centenaire de la Société de législation comparée,
vol. 2, 1971, p. 411 et s. V. aussi, du même auteur, « Comparative Jurisprudence in
Japan. Its Past and Present », 8 Law in Japan 1 (1975), et Introduction to Japanese
Law, traduit et présenté par Anthony H. Angelo (1976). 236 LES JAPONAIS ET LE DROIT
jours, le milieu des années 60 marque, quant à l'attitude des Japonais à
I égard du droit, un tournant assez net.
A. — Avant la Restauration de Meiji {1868).
On sait que la civilisation japonaise a subi très fortement l'influence
de la Chine. Arnold J. Toynbee, dans son ouvrage A Study of History, a
pu considérer la traditionnelle du Japon comme « la branche
japonaise » de la civilisation de l'Extrême-Orient, c'est-à-dire celle de la
Chine. Le Japon possédait pourtant sa personnalité propre. Le professeur
René David a très justement écrit que les modes de pensée japonais « ont
conservé... par rapport à la pensée chinoise, une originalité marquée »
(2).
Depuis le vu6 siècle, le Japon, centralisé à l'exemple de la Chine,
était soumis à plusieurs codes promulgués par le gouvernement impérial.
Ces codes comportent des règles répressives (Ritsu) et des règles admo-
nitives (Ryô). Ils constituent un système de droit essentiellement moral et
éducatif, inspiré du confucianisme. Ils ignorent totalement la notion de
droit subjectif, fondement des codes occidentaux.
Au XIIe siècle, la classe des guerriers {Bushi, Buke, Samurai) l'em
porte sur la noblesse de la Cour impériale. L'empereur est maintenu en
place, mais perd tout pouvoir. Un régime féodal s'instaure sous le gou
vernement de la classe militaire. Celle-ci possède son droit propre, d'ori
gine coutumière. Ce système juridique ignore lui aussi les notions de
droit subjectif ou de contrat. Il est fondé sur une idée d'ordre hiérar
chique, en particulier sur l'obligation de fidélité absolue de l'inférieur
envers le supérieur.
Au début du xvne siècle, après une longue période de guerres pri
vées, le pouvoir effectif est acquis par Tokugawa et va rester longtemps
dans sa famille. L'ordre féodal est maintenu et la hiérarchie des person
nes est encore accentuée. Quatre classes existent : les guerriers, les pay
sans, les artisans et les commerçants ; mais la séparation entre la première
et les trois dernières est absolue. A l'intérieur même d'une classe règne
l'inégalité. 11 ne peut être question de droits et d'obligations. L'ordre est
assuré par les instructions données par les supérieurs et l'obéissance des
inférieurs.
L'ère de Tokugawa se caractérise également par la fameuse politique
de fermeture du pays, qui a duré près de 250 ans. Elle a laissé le Japon
isolé du monde extérieur pour préserver l'intégrité de la société japonaise
dans ses particularités et la protéger en particulier de l'individualisme
et du christianisme. La culture traditionnelle était d'ailleurs très raffinée,
comme le montrent les estampes (Ukiyoe) de l'époque, en particulier
celles d'Utamaro, et les romans de Saikaku.
Ainsi, durant toute cette période, les rapports entre les personnes ne
sont pas réglés par le droit tel que nous le concevons. Ils sont réglés soit
(2) René David, Les grands systèmes de droit contemporains, 6° éd., 1974,
494. JAPONAIS ET LE DROIT 237 LES
par la puissance du supérieur sur l'inférieur, soit par des phénomènes
sur lesquels nous reviendrons : les Giri existant entre personnes, ou la
honte que l'on sent personnellement.
B. — De la Restauration de Meiji à la fin de la deuxième guerre mond
iale (1868-1945).
Le régime féodal de la famille Tokugawa se termine en 1 867 par la
restitution du pouvoir politique à l'Empereur (Tennô) Meiji.
Les dirigeants du nouveau gouvernement, cependant, restaient en
présence de traités inégaux que certains pays occidentaux (Etats-Unis,
Royaume-Uni, Russie, France et Pays-Bas) avaient imposés au gouver
nement de Tokugawa, lors de l'ouverture de son pays vers l'extérieur,
dans les dernières années de son autorité (1858). Ces traités étaient humil
iants, de sorte que leur abrogation constituait pour les nouveaux dir
igeants une question brûlante. Pour atteindre cet objectif, le Japon se
devait de devenir un pays moderne, équipé de codes modernes. La récep
tion des droits occidentaux apparut comme une nécessité (3). La common
law étant trop compliquée pour pouvoir être codifiée dans un bref délai,
ce sont les codes de l'Allemagne et de la France qui furent pris en
modèles. En 1880 le Code pénal et le Code d'instruction criminelle furent
promulgués. De même furent promulgués la Constitution en 1889, le
Code de procédure civile en 1890, le Code civil en 1898, le Code de
commerce en 1899.
Dans la préparation de ces documents, l'influence du droit français
fut d'abord prépondérante, grâce notamment au professeur Gustave Bois-
sonade (4), invité au Japon en 1873 pour perfectionner le système jur
idique du pays, et qui y resta plus de vingt ans. Le Boissonade
dirigea la préparation de la plupart des projets de codes et contribua à
la formation de juristes japonais. Malheureusement, comme on va le
voir, l'influence du droit français fut supplantée par celle du droit all
emand, ce qui signifie — ainsi que le démontre le professeur Noda (5) —
un échec pour le mouvement démocratique qui avait commencé à se
manifester.
Depuis 1874, en effet, un mouvement politique préconisait la liberté
et les droits de l'homme. Il n'était à vrai dire qu'à demi démocratique,
puisque la plupart de ses partisans étaient des anciens privilégiés (Bushi),
ceux du moins qui étaient inférieurs dans leur classe et mécontents de
ne pas avoir été accueillis dans le gouvernement. Ce mouvement réussit
pourtant à obtenir un certain soutien populaire. Le gouvernement chercha
(3) Yoshi

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