Les limitations légales de la recherche génétique et de la commercialisation de ses résultats : le droit français - article ; n°2 ; vol.58, pg 275-318
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 2006 - Volume 58 - Numéro 2 - Pages 275-318
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

R.I.D.C. 2-2006
I.B
LES LIMITATIONS LÉGALES DE LA RECHERCHE GÉNÉTIQUE ET DE LA COMMERCIALISATION DE SES RÉSULTATS : LE DROIT FRANÇAIS#Florence BELLIVIER*, Laurence BRUNET**, Marie-AngèleHERMITTE***, CatherineLABRUSSE-RIOU****, ChristineNOIVILLE*****INTRODUCTION La génétique, science complexe et encore largement incertaine compte tenu des données épistémologiques de la recherche fondamentale, exerce néanmoins de multiples et profondes influences sur le droit tant au regard des diverses applications qui en sont faites sur le plan médical et social, que sur les représentations sociales dominantes de la vie et de la manière de la penser ou de la gérer1. On comprend alors que, tenant compte de lhistoire européenne récente, le législateur a été conduit dans un double mouvement dune part à favoriser la recherche biomédicale en raison des promesses thérapeutiques des généticiens et dautre part à poser des limites aux diverses utilisations de la génétique. Le droit français par les lois du 29 juillet 1994 révisées par la loi du 6 août 2004 paraît plus nettement inspiré #de recherche sur le droit des sciences et des techniques réalisée dans le Centre  Étude (Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, UMR de droit comparé 8003, CNRS). *Professeur à lUniversité de Paris X Nanterre. ** Doctorante. *** de recherche au CNRS, directeur détude à lÉcole des Hautes Études en Directeur Sciences Sociales. * ***Professeur à lUniversité de Paris I Panthéon-Sorbonne. ***** Chercheur au CNRS, directeur du Centre de recherche sur le droit des sciences et des techniques. 1C. LABRUSSE-RIOU,Génétique, Dictionnaire de la justice, Paris, P.U.F. 2004.
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par la première tendance que par la seconde. Cela la conduit à mettre en place des institutions et des réglementations qui prennent place dans le code de la santé publique tandis que les principes généraux, érigés pour la plupart en normes de valeur constitutionnelle, sont situés dans le Livre I du code civil consacré aux personnes, sous le titre « du respect du corps humain » (articles 16 à 16-9). En 2004, la loi de révision adoptée le 6 août ajouta un chapitre intitulé « de lexamen des caractéristiques génétiques dune personne et de lidentification dune personne par ses empreintes génétiques » (articles 16-10 à 16-13). Mais il faut ajouter les textes qui concernent les procréations médicalement assistées et notamment ses effets sur la filiation situés aux articles 311-19 et 311-20 au titre de la filiation. Ces différents textes ont en pratique une portée différente et il est clair que la cohérence est loin dêtre toujours respectée entre les principes du code civil et les réglementations du code de la santé publique qui concernent les diverses activités biomédicales. Ces dernières procèdent dun découpage du corps humain en fonction des divers actes biomédicaux et consacrent des contradictions ou des limites aux principes du code civil qui suscitent inévitablement des interprétations différentes de leurs conséquences concrètes. Comme il paraît impossible de résumer de manière assez précise toutes les dispositions juridiques qui, en droit français, intéressent directement ou indirectement la génétique, nous avons choisi de privilégier les questions les plus importantes de létat de la science et du droit, celles notamment sur lesquelles les débats demeurent vifs en doctrine comme en pratique. Ces questions feront lobjet de la première partie de cette étude qui sattache à décrire létat du droit positif et des questions qui restent lobjet de discussions. Dans une seconde partie, nous tenterons de dégager de manière plus synthétique, à laide dexemples, les tendances générales qui sont à luvre dans le droit de la bioéthique en matière de génétique précisément. I. LÉTAT DU DROIT POSITIF FRANÇAIS SUR QUELQUES QUESTIONS CHOISIES Dans le droit contemporain et surtout depuis ladoption de la loi du 6 août 2004, le clonage et la recherche sur les cellules souches, la brevetabilité des gènes et les tests génétiques susceptibles dêtre réalisés dans de multiples occurrences, nous sont apparus comme les questions les plus importantes. Ce sont elles qui seront ici traitées.
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A. -Cellules souches embryonnaires et clonageRécemment encore, lexpérimentation sur lembryon et les cellules embryonnaires rencontrait de fortes résistances dans la société. Mais la situation sest renversée et en ce domaine lévolution législative se caractérise plutôt aujourdhui par une tendance libérale favorable à la liberté de la recherche. Un cadre juridique propice à lessor des sciences et des techniques de la génétique sest ainsi rapidement mis en place. Mais à vouloir suivre de trop près les expériences de la science et à faire le jeu de ses ambitions la loi risque au mieux de se disqualifier, au pire de devenir obsolète sitôt votée. Le temps du droit suppose pour être utile de se ménager un écart avec celui de la science. Telle est sans doute lune des leçons que lon peut retirer de létude des dispositions sur les cellules souches embryonnaires et le clonage. 1. Dispositif sur les cellules souches Lune des lois de bioéthique du 29 juillet 1994 interdisait toute expérimentation sur lembryon, réservant à titre exceptionnel la possibilité de mener des études à finalité médicale sil nétait pas porté atteinte à lembryon. Le champ possible dinvestigation était donc très limité. La démonstration à la fin des années 1990 de lexistence de cellules souches embryonnaires capables de se transformer, si elles sont correctement guidées, en nimporte quel tissu de lorganisme, et lespoir qui sen est suivi de parvenir à développer des thérapies régénératrices ont eu raison des résistances encore vives2: linterdit de 1994 a fini par céder. Dans le même temps on sapercevait pourtant que dans presque tous les tissus de lorganisme sont présents de petits groupes de cellules souches adultes capables den assurer la réparation normale3. Alors même que la recherche sur ces cellules souches adultes ne pose aucun problème éthique, que les essais cliniques menés jusquà présent sont encourageants, avec un risque de transformation maligne moindre quen cas dutilisation de cellules souches embryonnaires4français ont été convaincus de la, les pouvoirs publics 2Cf. les débats parlementaires qui ont conduit au vote de la loi du 6 août 2004, notamment ceux au Sénat en janvier 2003. 3Cf. Conseil dÉtat,Les lois de bioéthique, cinq ans après, Étude adoptée par lAssemblée générale du Conseil dÉtat, 1999, p. 21 et annexe 6 ; P. TAMBOURIN et C. THIBAULT,État des connaissances sur la reproduction des mammifères et de lhomme, et sur lutilisation des cellules indifférenciées; H. CHNEIWEISS et J.-Y NAU,Bioéthique, avis de tempête, Les nouveaux enjeux de la maîtrise du vivant,Paris, éd. Alvik, 2003, p. 138-140. 4Travaux de la Commission des affaires sociales du Sénat, 8 févr. 2006, Première table ronde sur le thème de lapplication de la loi relative à la bioéthique, intervention de A. KAHN, site internet du Sénat.
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nécessité de sengager dans la recherche sur ces cellules embryonnaires dont la plasticité est inégalée et dont lavenir thérapeutique semble infini. La loi du 6 août 2004 est ainsi venue autoriser de manière dérogatoire et pour une durée de cinq ans la recherche sur lembryon et les cellules embryonnaires afin déprouver les possibilités thérapeutiques qui sont tout particulièrement prêtées à ce type de cellules5. Du coup la formulation de larticle L. 2151-5 du Code de la santé publique, où sinscrit cette nouvelle possibilité, tient désormais de la gageure puisquelle cherche à articuler deux conceptions inconciliables de lembryon : le premier alinéa reproduit en effet linterdit posé en 1994, supposé consacrer le respect dû à lembryon, tandis que lalinéa 3 permet par dérogation que, sous certaines conditions, lembryon et les cellules embryonnaires soient lobjet de recherches, cest-à-dire de manipulations excédant la seule observation et impliquant donc sa destruction6. Examinons dabord le régime spécifique auquel la recherche sur lembryon est assortie avant de sintéresser à son domaine dapplication. a) Le régime À la permission provisoire dexpérimenter sur lembryon, le législateur a entendu donner un cadre strict, en imposant des critères de fond et en instaurant une procédure de tutelle. Dune part de telles recherches doivent être susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et ne pas pouvoir être poursuivies par une méthode alternative ; ensuite la mise en uvre de ces recherches est subordonnée à lautorisation de lAgence de biomédecine, nouvelle autorité administrative qui dispose dimportants pouvoirs de décision et de contrôle dans le champ de la bioéthique7. Au terme de la loi, lAgence doit sassurer « de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en uvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique ». La mise en oeuvre de ce dispositif était suspendue à la publication dun décret dapplication, en partie tout au moins. En effet le législateur avait lui-même prévu une solution provisoire afin que les chercheurs français soient en mesure de commencer à travailler immédiatement sur lembryon et puissent ainsi bénéficier de financements européens dans le cadre dun programme de recherche qui sachevait fin 20048: larticle 37 de la loi de 5Cf. J.-R. BINET, « La loi relative à la bioéthique, commentaire de la loi du 6 août 2006 », 3epartie,Droit de la famille, déc. 2005, n° 28, p. 7 et s.. 6 second alinéa maintient la possibilité exceptionnelle de mener des études qui ne portent Le pas atteinte à lembryon. 7Art. L. 1418-1 CSP. 8Cf. J.-Y NAU, « Le retard pris dans la révision des lois de bioéthique pourrait pénaliser les biologistes français »,Le Monde Les biologistes français autorisés à du 22 mai 2004 et aussi « importer des cellules souches embryonnaires humaines »,Le Mondedu 19 sept. 2004 ; Discours de
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