Qui suis-je? Un être vivant pour certains mais sans morphologie pour d autres : mon nom ? Fœtus - article ; n°1 ; vol.52, pg 179-191
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Qui suis-je? Un être vivant pour certains mais sans morphologie pour d'autres : mon nom ? Fœtus - article ; n°1 ; vol.52, pg 179-191

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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 2000 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 179-191
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Alain Levasseur
Qui suis-je? Un être vivant pour certains mais sans morphologie
pour d'autres : mon nom ? Fœtus
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 52 N°1, Janvier-mars 2000. pp. 179-191.
Citer ce document / Cite this document :
Levasseur Alain. Qui suis-je? Un être vivant pour certains mais sans morphologie pour d'autres : mon nom ? Fœtus. In: Revue
internationale de droit comparé. Vol. 52 N°1, Janvier-mars 2000. pp. 179-191.
doi : 10.3406/ridc.2000.18144
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_2000_num_52_1_18144R.I.D.C. 1-2000
QUI SUIS-JE ?
UN ÊTRE VIVANT POUR CERTAINS
MAIS SANS MORPHOLOGIE POUR D'AUTRES
MON NOM ? FŒTUS.
Alain LEVASSEUR *
Un récent arrêt de la Cour Suprême de l'État de Louisiane vient de
ranimer, à partir des dispositions originales d'un Code civil louisianais
qui date de 1808, ce débat rempli à la fois de juridicité et de subjectivité
qu'est la définition du statut juridique du fœtus. Depuis 1808, bien évidem
ment, non seulement de nombreux amendements ont été apportés aux
articles du Code civil louisianais, mais la Cour Suprême de Louisiane,
de son côté, a donné à ces articles des interprétations que certains considè
rent bien fondées mais que d'autres n'hésitent pas à qualifier, d'un point
de vue juridique, comme manquant de « bases légales suffisantes » et,
politiquement parlant, comme « partisanes » l.
Cet amalgame de règles de droit d'origine législative et d'arrêts de
la Cour Suprême louisianaise vient d'atteindre son paroxysme d'illogisme,
d'incohérence, pour ne pas dire de nihilisme juridique, dans l'arrêt Patrick
Wartelle c. Women's and Children's Hospital, Inc. 2. La Cour, peut-être
dans sa crainte de se mettre à dos certains secteurs de l'économie locale 3,
a attribué au fœtus la moitié d'un statut juridique qui ne peut se concevoir,
en droit, que comme une entité indivisible. Comme nous allons essayer
de le démontrer ci-dessous, un fœtus, qui est une indivisibilité par nature,
ne peut être décrit par le droit civil louisianais comme ayant la personnalité
* Professeur à la Louisiana State University, directeur adjoint du Center of Civil Law
Studies.
1 Ce qui ne saurait surprendre quand on sait que les juges de l'État louisianais, y
compris les juges de la Cour Suprême, sont «élus» sur la base de «platforms» qui ne
sont pas dénuées de « coloration politique ».
i 704 So.2d 778-786, Dec. 2, 1997; Rehearing Denied Jan. 9, 1998.
3 Bailleurs de fonds potentiels pour les campagnes électorales ! REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2000 180
juridique, aussi une indivisibilité, que pour justifier l'existence de certains
droits et nier l'existence de certains autres droits. Ou bien le fœtus est
une personne et il jouit alors des droits de la « personne humaine », ou
il ne l'est pas et, là inversement, il ne bénéficie d'aucun droit.
Cette question fondamentale du statut juridique du fœtus, sans parler
de la question plus complexe encore du statut juridique de l'embryon,
est aussi d'actualité en France. En fait c'est un arrêt de la Cour d'appel
de Lyon 4 et ses références au droit des États-Unis 5 qui nous a amenés
à présenter ici des commentaires sur l'arrêt Wartelle et à comparer ainsi
les deux jurisprudences sur le même sujet.
Nous ferons d'abord un rappel rapide des attendus de l'arrêt de la
chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Lyon et nous ajouterons
quelques observations sur cet arrêt. Nous entreprendrons ensuite une étude
détaillée de l'arrêt de la Cour suprême de Louisiane.
I. L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE LYON
L'affaire portée devant la Chambre correctionnelle était donc une
affaire de droit pénal dans laquelle un médecin, le prévenu, poursuivi
pour homicide involontaire à raison d'une faute dite de négligence qui
devait entraîner la mort d'un fœtus. Non seulement la question de la
viabilité de ce fœtus âgé de 20 à 24 semaines se posait-elle mais, plus
important encore, se posait la question fondamentale du commencement
de la vie et, donc, de la personnalité humaine avec tous ses droits subjectifs.
La Chambre correctionnelle semble avoir considéré la question de
viabilité du fœtus comme « secondaire ». Cette impression ressort d'abord
du fait que la Cour traite en premier lieu de la question du commencement
de la vie et en second lieu seulement de la viabilité du fœtus ; il y a
aussi le choix des termes de l'énoncé même du premier attendu de l'arrêt
sur la question de la viabilité ; il y a également le peu d'attention que
la Cour a portée à cette question par rapport aux nombreux attendus
qu'elle devait consacrer à la du commencement de la vie.
1. La question de la viabilité du fœtus
Le premier attendu de la Cour est ainsi rédigé : « Attendu qu'ainsi
la viabilité lors de la naissance, notion scientifiquement incertaine, est
de surcroît dépourvue de toute portée juridique, la loi n'opérant aucune
distinction à cet égard». Et la Cour de poursuivre «qu'il était permis
d'attribuer à ce fœtus un âge de 20 à 21 semaines ; que l'âge du fœtus
était de 20 à 24 semaines ; qu'en tout état de cause l'âge de ce très proche de celui de certains fœtus ayant pu survivre aux États-
Unis... ; qu'ainsi tant l'application stricte des principes juridiques que les
45 Ch. On est corr. en 13 droit mars de 1997 douter ; Ministère qu'un tribunal public d'un c/ G., État JCP américain, 1997, 11-22955. en dehors de l'État
de Louisiane, et cela pour des raisons historiques, aurait fait preuve de la même curiosité
intellectuelle en s'intéressant à ce que le droit français pourrait dire en la matière. LEVASSEUR : QUI SUIS-JE ? MON NOM ? FŒTUS 181 A.
données acquises de la science que des considérations d'élémentaire bon
sens, conduisent à retenir la qualification d'homicide involontaire s' agis
sant d'une atteinte par imprudence ou négligence portée à un fœtus âgé
de 20 à 24 semaines en parfaite santé, ayant causé la mort de celui-ci » 6.
2. Le commencement de la vie
Pour arriver à sa première conclusion selon laquelle « la loi consacre
le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, sans qu'il
soit exigé que l'enfant naisse viable, du moment qu'il était en vie lors
de l'atteinte qui lui a été portée », la Chambre correctionnelle de la Cour
d'appel de Lyon étaie ses attendus sur le fondement de. trois sources de
droit: le droit interne législatif français, les conventions internationales
et la jurisprudence de la Cour de cassation.
En droit interne, l'article 1er de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975
relative à l'interruption volontaire de la grossesse a précisé que «la loi
garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie.
(qu')Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité
et selon les conditions définies par la présente loi ». La Chambre correction
nelle s'attachera fermement à ce principe comme à un roc contre lequel
viendront se briser toute interprétation juridique contraire à la généralité
de ce principe et toute tentative d'une lecture restrictive de son fondement
moral.
De surcroît, une loi de 1994 7 a introduit un nouvel article 16 dans
le Code civil, sous le titre d'un chapitre II «Du respect du corps
humain » 8. Selon cet article, « la loi assure la primauté de la personne,
interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être
humain dès le commencement de sa vie ». La Cour de Lyon ajoute dans
un attendu revêtu d'une autorité absolue que ces récentes dispositions des
articles 16, 16-1 à 16-8 du Code civil français sont déclarées être d'ordre
public par l'article 16-9 9.
La Chambre correctionnelle fait aussi appel aux conventions interna
tionales applicables en France pour donner à ses attendus une assise
juridique et morale plus sûre, moins contestable parce qu'internationale,
ne faisant donc pas de la France un cas unique.
6 « Viabilité et jurisprudence. — La jurisprudence civile a recours, en

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