Le soutien financier de la famille : une forme essentielle de la solidarité
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Le soutien financier de la famille a une place, certes inégale, mais essentielle dans les revenus des ménages. Les bénéficiaires de cette aide sont souvent des jeunes ou des ménages d'origine aisée. Parmi ces derniers, la part des personnes aidées augmente selon l'écart par rapport à leur milieu social d'origine. Le soutien familial permet alors de compenser une régression de statut social. Inversement, parmi les ménages d'origine ouvrière, la proportion des personnes aidées ainsi que le montant des aides augmentent selon le niveau de l'ascension sociale. Le soutien familial correspond dans ce cas à une logique d'émancipation sociale. L'effet du soutien financier de la famille sur le budget des ménages les plus démunis n'est pas négligeable. Parmi les ménages dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 2 300 francs (montant du RMI pour une personne seule) avant toute aide, le seul soutien financier de la famille permet à la moitié de ceux qui en ont bénéficié de franchir ce seuil. Les aides publiques sous conditions de ressources, autre complément pour ces ménages à faible revenu, représentent un apport significatif en particulier pour les jeunes, les familles nombreuses ou monoparentales. Le niveau de vie de ces ménages s'accroît sensiblement quand ils ont recours simultanément à ces deux formes d'aide. Peut-on dire que les aides publiques se substituent au soutien familial ? Une étude, réalisée après la mise en place du RMI, conclut plutôt à une superposition et une complémentarité des deux formes d'aides (publique et familiale) qu'à une réelle substitution. Le soutien financier de la famille est plus fréquent pour les personnes qui perçoivent le RMI de façon durable que pour celles qui ne le perçoivent plus depuis plusieurs mois.

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Langue Français

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CONDITIONS DE VIE
Le soutien financier
de la famille : une forme
essentielle de la solidarité
Serge Paugam Le soutien financier de la famille a une place, certes inégale, mais essentielle dans
et Jean-Paul les revenus des ménages. Les bénéficiaires de cette aide sont souvent des jeunes ou
Zoyem * des ménages d’origine aisée. Parmi ces derniers, la part des personnes aidées
augmente selon l’écart par rapport à leur milieu social d’origine. Le soutien
familial permet alors de compenser une régression de statut social. Inversement,
parmi les ménages d’origine ouvrière, la proportion des personnes aidées ainsi que
le montant des aides augmentent selon le niveau de l’ascension sociale. Le soutien
familial correspond dans ce cas à une logique d’émancipation sociale.
L’effet du soutien financier de la famille sur le budget des ménages les plus
démunis n’est pas négligeable. Parmi les ménages dont le revenu par unité de
consommation est inférieur à 2 300 francs (montant du RMI pour une personne
seule) avant toute aide, le seul soutien financier de la famille permet à la moitié de
ceux qui en ont bénéficié de franchir ce seuil. Les aides publiques sous conditions
de ressources, autre complément pour ces ménages à faible revenu, représentent
un apport significatif en particulier pour les jeunes, les familles nombreuses ou
monoparentales. Le niveau de vie de ces ménages s’accroît sensiblement quand ils
ont recours simultanément à ces deux formes d’aide.
Peut-on dire que les aides publiques se substituent au soutien familial ? Une étude,
réalisée après la mise en place du RMI, conclut plutôt à une superposition et une
*Serge Paugam est
chercheur à l’Observa- complémentarité des deux formes d’aides (publique et familiale) qu’à une réelle
toire sociologique du substitution. Le soutien financier de la famille est plus fréquent pour les personnes
changement (FNSP/
CNRS) et au Labora- qui perçoivent le RMI de façon durable que pour celles qui ne le perçoivent plus
toire de sociologie depuis plusieurs mois.quantitative (Crest/Insee)
et Jean-Paul Zoyem fait
partie du Sesi (ministère
des Affaires sociales). ans les années soixante et soixante-dix, mille étendue se maintenaient en dépit des pro-
Les auteurs remercient Dplusieurs sociologues ont attiré l’atten- nostics sur l’inadaptation progressive de ceD. Verger et S. Lollivier
pour leur aide pré- tion sur le maintien de l’entraide familiale modèle aux exigences de la société industrielle
cieuse lors de la (Rémy, 1967 ; Bott, 1971 ; Pitrou, 1977). Le et de la mobilité sociale. Certes, les observa-
réalisation de cet arti-
modèle de la famille étendue que l’on avait teurs de l’époque ne restaient pas indifférentscle.
Les noms et dates entre tendance auparavant à opposer au modèle de la aux particularités, par milieux sociaux, de
parenthèses renvoient famille nucléaire n’apparaissait plus en voie de l’entraide familiale, mais d’une façon géné-
à la bibliographie en fin
disparition. Certains traits principaux de la fa- rale, l’isolement ou la rupture vis-à-vis de lad’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 308-309-310, 1997 - 8/9/10 187famille et des formes de soutien qu’elle peut des situations professionnelles et familiales, au
procurer semblait rester un phénomène margi- retrait du marché de l’emploi et à la dépendance
nal (1). Par ailleurs, cette permanence des liens à l’égard des transferts sociaux et des formes1. À partir d’une enquête
du Credoc réalisée en de solidarité entre ménages n’impliquait pas, institutionnelles de l’assistance ? Depuis le dé-
1973, A. Pitrou (1977) pour eux, une absence d’évolution de la fa- but des années quatre-vingt-dix, plusieurs re-
constatait que 7 à 8 %
mille. Les résultats des enquêtes aboutissaient, cherches ont montré que la possibilité d’êtredes ménages se décla-
raient en rupture ou en réalité, à la conclusion nuancée selon aidé par ses proches en cas de difficultés est
semi-rupture avec leurs laquelle les relations et les formes d’entraide d’autant plus faible que le degré de précarité de
parents.
entre ménages se maintenaient de façon à la l’emploi est élevé (Paugam et al., 1993) et que
fois souple et efficace sans empêcher toutefois les personnes les plus défavorisées économi-
la famille conjugale d’être ou de se sentir auto- quement le sont également par rapport à la so-
nome par rapport au reste de la famille. Autre- lidarité familiale (Barry et al., 1996). Pour
ment dit, loin de disparaître, l’entraide prolonger ces travaux, on examine ici, de fa-
familiale continuait à assurer une forme essen- çon plus approfondie, la relation entre l’en-
tielle de lien entre les générations dans un ca- traide économique au sein de la famille
dre moins contraignant que celui de la famille étendue et la situation des ménages selon leur
traditionnelle. J. Rémy (1967) se demandait place dans l’emploi et l’importance de leurs
même à cette époque, si la recherche spontanée difficultés financières. L’analyse des caracté-
de contacts familiaux dans un climat d’en- ristiques démographiques et sociales des mé-
traide et de détente n’était pas corrélative nages qui déclarent pouvoir être aidés par la
d’une diminution de la contrainte exercée dans famille en cas de difficultés et de ceux qui ont
la famille étendue. reçu effectivement un soutien familial, aide à
dégager les logiques sociales et à apporter des
Ces analyses réalisées dans une période éco- éléments de réponse aux questions suivan-
nomique caractérisée par une forte croissance tes : quelle est l’incidence des aides de la fa-
et une situation de quasi plein emploi sont-el- mille sur le niveau de vie des ménages à bas
les encore valables aujourd’hui ? Comment revenu ? Les aides publiques se substituent-
évolue l’entraide familiale face à la précarité elles aux aides familiales ?
Encadré 1
SOURCES UTILISÉES
Trois enquêtes ont été principalement utilisées dans leur famille, même s’ils le sont de façon différente
cette étude : deux enquêtes de l’Insee, Conditions selon leur milieu social, et les retraités le sont très
de vie des ménages de 1993-1994 et Budget de fa- peu. Dans l’enquête du Cerc sur les allocataires du
mille de 1995, et l’enquête RMI réalisée dans le RMI, l’échantillon de la première vague était de
cadre de l’évaluation nationale du revenu minimum 1 990 personnes, celui de la seconde vague de
d’insertion par le Centre d’étude des revenus et des 1 488 et celui de la troisième de 1 171. Un redres-
coûts (Cerc) en 1990-1991. De façon plus marginale, sement de l’échantillon a été réalisé à la troisième
les résultats de la première vague du Panel européen vague. On pouvait s’attendre à ce que les allocatai-
des ménages ont été mobilisés pour établir une com- res aient quelques réticences à répondre aux
paraison de cadrage avec d’autres pays. questions sur les aides de leur famille : ils auraient
pu, en effet, interpréter ces dernières comme un
Les deux premières sont des enquêtes sur l’ensem- contrôle de ressources (qui est effectué régulière-
ble de la population, l’une et l’autre réalisées auprès ment dans le cadre du RMI) et donc refuser de
d’un échantillon représentatif. L’échantillon de la troi- donner cette information. Cette hypothèse ne s’est
sième enquête a été tiré dans les fichiers pas vérifiée. Sur l’échantillon de la première vague,
d’allocataires de neuf départements au mois de mai le taux de réponse était de 95 %, ce qui permet une
1990 ; cette enquête présente l’avantage d’avoir été analyse approfondie. Les non-réponses représen-
réalisée de façon longitudinale : les mêmes person- taient moins de 1 % à la deuxième et à la troisième
nes ont été interviewées trois fois à six mois vague : certaines personnes n’ont sans doute pas
d’intervalle. voulu dévoiler au début de l’enquête cet aspect de
leur vie privée ; cette méfiance s’est atténuée au
Pour les deux enquêtes de l’Insee, le champ de cours des vagues suivantes. Les personnes qui
l’étude a été limité à la population des ménages dont n’ont pas répondu étaient plus nombreuses parmi
la personne de référence est âgée de 18 à 64 ans celles qui n’entretenaient aucune relation r&

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