Entreprises de groupe ou entreprises indépendantes : quel impact sur les réallocations d emplois ?
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Les flux de créations et de destructions brutes d'emplois donnent une information sur le nombre de postes créés ou détruits chaque année par les entreprises. Ces flux varient en particulier en fonction de la taille des entreprises, de leur secteur d'activité ou de leur appartenance ou non à un groupe. Les données disponibles sur les groupes permettent bien de mettre en évidence les caractéristiques des réallocations d'emplois propres à chacun des deux types d'entreprises : entreprises indépendantes ou entreprises de groupe. Les taux de création et de destruction brutes sont plus faibles dans les entreprises appartenant à un groupe, car elles sont en moyenne plus grandes. En neutralisant l'effet de la taille, on montre l'asymétrie qui existe dans un cycle entre les entreprises indépendantes et les entreprises de groupe : ainsi, les destructions brutes d'emplois sont plus importantes dans ces dernières pendant la récession de 1993. À taille, capital productif et taux de croissance donnés, les entreprises de groupe connaissent de plus grandes fluctuations de l'emploi.

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Langue Français

Extrait

EMPLOI
Entreprises de groupe
ou entreprises indépendantes :
quel impact sur les réallocations
d’emplois ?
Richard Duhautois et Philippe Lagarde*
Les flux de créations et de destructions brutes d’emplois donnent une information sur le
nombre de postes créés ou détruits chaque année par les entreprises. Ces flux varient en
particulier en fonction de la taille des entreprises, de leur secteur d’activité ou de leur
appartenance ou non à un groupe. Les données disponibles sur les groupes permettent
bien de mettre en évidence les caractéristiques des réallocations d’emplois propres à
chacun des deux types d’entreprises : entreprises indépendantes ou entreprises de
groupe.
Les taux de création et de destruction brutes sont plus faibles dans les entreprises
appartenant à un groupe, car elles sont en moyenne plus grandes. En neutralisant l’effet
de la taille, on montre l’asymétrie qui existe dans un cycle entre les entreprises
indépendantes et les entreprises de groupe : ainsi, les destructions brutes d’emplois sont
plus importantes dans ces dernières pendant la récession de 1993. À taille, capital
productif et taux de croissance donnés, les entreprises de groupe connaissent de plus
grandes fluctuations de l’emploi.
* Richard Duhautois appartient au Centre d’études de l’emploi (richard.duhautois@cee.enpc.fr), Philippe Lagarde à la
division Marchés et stratégies d’entreprises de l’Insee (philippe.lagarde@insee.fr).
Les auteurs remercient deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques sur une précédente version de cet article, ainsi
que Didier Blanchet et Sébastien Roux.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 380, 2004 63epuis le début des années 1990, une littéra- toire inverse de la création de groupes : la désa-
ture empirique s’est développée pour grégation. Le groupe est issu de « l’éclatementD
mesurer la mobilité des salariés sur le marché du institutionnel de l’entreprise » : d’abord, une
travail. Les créations et les destructions brutes entreprise se développe par croissance interne ;
d’emplois constituent l’un des aspects de cette ensuite, elle atteint une dimension qui l’oblige à
mobilité et leur mesure permet d’appréhender ouvrir son capital ; enfin, les firmes mettent en
les changements qui s’opèrent au sein des entre- place des coopérations. (1) (2)
prises et des secteurs d’activité (1). Quel que
soit le pays ou la période, les résultats des études Quelle que soit l’approche – agrégation ou
sont concordants : il existe de nombreuses créa- désagrégation –, le propre du groupe est d’asso-
tions et destructions brutes d’emplois. Ces créa- cier la concentration financière et la déconcen-
tions et destructions dépendent souvent de tration technique. La tête de groupe s’occupe
caractéristiques propres à l’entreprise. Des des transactions intra-groupes : elle optimise
effets de taille, d’âge, d’intensité capitalistique l’allocation des ressources entre les membres du
et de concentration sont à l’œuvre pour expli- groupe. Notamment, elle opère des prélève-
quer les nombreuses réallocations d’emplois au ments de dividendes à ses filiales qu’elle redis-
sein des différents secteurs. tribue sous forme d’apports ou de prêts de capi-
taux sur d’autres filiales et elle peut s’occuper
La plupart des études sur les flux d’emplois de l’optimisation de la gestion de l’emploi. En
s’accordent à dire que les taux de réallocations fait, il existe au sein des groupes un marché du
d’emplois diminuent avec la taille des entrepri- travail propre (Batsch, 1996 ; Delarre et Duhau-
ses. Les petites et les grandes entreprises sont tois, 2004 ; Picart, 2004).
différentes à plusieurs égards : leur offre, leur
demande de travail, leur politique salariale et Cette étude a deux buts : isoler et mesurer les
leur mode de propriété. Les grandes entreprises réallocations (3) d’emplois dans les entreprises
appartiennent plus souvent à un groupe. Depuis qui appartiennent à un groupe d’une part, véri-
1985, le nombre de groupes a été multiplié par fier si ces dernières connaissent des variations
dix (Chabanas, 2002). C’est surtout le nombre d’emplois plus importantes que les entreprises
de groupes de moins de 500 salariés (appelés les indépendantes au cours du cycle d’autre part.
« micro-groupes ») qui a augmenté, le nombre L’idée réside dans le fait que si les coûts de tran-
des autres groupes restant stable. La prise en saction sont réduits lorsqu’une entreprise est
compte de la dimension « groupe » et son effet dans un groupe, la réallocation du facteur travail
sur l’emploi à partir de données françaises ont s’y fait plus souvent et plus rapidement lors de
été mesurés par Boccara (1998). Auparavant, un chocs conjoncturels.
article très informatif sur l’impact des créations,
disparitions et restructurations d’entreprises sur
Ici, on utilise un appariement des fichiers admi-l’emploi montrait l’importance de ces dernières
nistratifs d’entreprises (BRN) et l’enquêtesur les créations d’emplois au cours de la
Liaisons financières (LIFI), qui recense lespériode 1984-1988 (Berthier et Parent, 1994).
entreprises ayant des liens financiers avecCes auteurs montrent, entre autres, que l’aug-
d’autres, entre 1991 et 2001. On décrit d’abordmentation de l’emploi dans les PME à la fin des
les réallocations d’emplois selon plusieurs critè-années 1980 est en partie due aux réductions
res avant de mesurer l’ampleur des flux dans lesd’effectifs des grandes entreprises (2). Cepen-
entreprises indépendantes et dans celles quidant, le nombre d’emplois dans les petites entre-
appartiennent à un groupe en contrôlant d’autresprises a augmenté du fait notamment de la ter-
caractéristiques des entreprises.tiarisation de l’économie (Picart, 2004).
La structure de groupe est une forme d’organi-
1. Cf. Davis et Haltiwanger (1990,1992,1998), Davis, Haltiwanger
sation voulue par les firmes. L’histoire suggère et Schuh (1996), Schivardi (2003), Lagarde, Maurin et Torelli
(1994,1996), Nocke (1994), Greenan et Guellec (2000), Karamé etdeux types de modalités de création de groupes :
Mihoubi (1998), Duhautois (2002, 2005), Crépon et Duhautois
l’agrégation et la désagrégation (Batsch, 1995). (2004) et l’OCDE (1994, 1997) et sur les flux de main-d’œuvre
proprement dits Abowd, Corbel et Kramarz (1999), et les travauxChandler (1977) décrit trois étapes de
de Tomasini (2003) à partir des DMMO.
l’agrégation : d’abord, des entreprises indépen- 2. Le passage sous la barre des 500 salariés gonfle artificielle-
ment le nombre de PME.dantes forment une entente ; ensuite, leur rap-
3. Les réallocations sont entendues ici comme l’ensemble desprochement donne naissance à une forme juridi- variations d’emplois entre les entreprises. À des flux positifs de
variation d’emploi dans certaines entreprises, correspondent desque, trust ou holding ; enfin, le pouvoir de
flux négatifs dans d’autres. On peut décrire les réallocationsdécision se centralise pour la cohésion stratégi-
comme la somme des flux de créations et de destructions
que. De Montmorillon (1986) décrit une trajec- d’emplois (cf. encadré).
64 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 380, 2004réponse à ces questions (comme les contrats, lesLa moitié des salariés du secteur privé
marchés internes, etc.), mais il est difficile detravaille dans un groupe
tirer des conclusions sur la politique d’emploi
des groupes, tant les situations sont hétérogènes.En 1999, environ 6,3 millions de salariés tra-
On connaît assez bien le comportement de cer-vaillent dans des groupes d’entreprises, soit prati-
tains groupes à travers les nombreuses mono-quement 50 % des salariés des entreprises du sec-
graphies disponibles (rapports de gestion parteur privé (Skalitz, 2002). Ces entreprises
exemple), mais il paraît illusoire de vouloirappartiennent essentiellement aux secteurs de
appréhender les politiques d’emploi des grou-l’automobile, de l’énergie et de la production de
pes à travers la statistique, tant les déterminantsbiens intermédiaires. Skalitz (2002) note que
de celles-ci sont divers et varient d’un groupe àdeux tiers des entreprises de plu

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