Internationalisation des réseaux de R&D : une approche par les relations d entreprises
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Depuis une quinzaine d'années, l'ouverture internationale des entreprises en matière de R&D s'est développée. Quels sont les avantages qui font que, malgré des coûts d'éloignement potentiellement importants, des entreprises choisissent de déplacer tout ou une partie de leur R&D ? En théorie, les motivations qui interviennent sont au nombre de trois : l'apprentissage, ou augmentation du stock de connaissances, la conquête de nouveaux marchés ou exploitation du stock existant, et enfin, l'accès à des coûts plus faibles pour réaliser l'activité de recherche. L'objectif de cet article est de déterminer l'importance relative de ces motivations pour les entreprises françaises. L'Enquête sur les relations inter-entreprises (Erie) de 2003 permet d'appréhender les relations de R&D entre des entreprises françaises et leurs partenaires, français ou étrangers. Les résultats montrent que la complémentarité avec le partenaire de R&D, qui favorise l'apprentissage, est déterminante lorsque les entreprises choisissent d'internationaliser leur R&D. L'accès à de nouveaux marchés intervient également, mais de façon secondaire. Enfin, l'objectif de réduction des coûts n'est pas important. En particulier, on n'observe jusqu'à présent que très peu de relations avec des partenaires situés dans des pays à bas coûts.

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Langue Français

Extrait

ENTREPRISES
Inter nationalisation des réseaux
de R&D : une approche
par les relations d’entreprises
Céline Thév enot *
Depuis une quinzaine d’années, l’ouv erture internationale des entreprises en matière
de R&D s’est développée. Pourquoi, en dépit de coûts d’éloignement potentiellement
importants, des entreprises choisissent-elles de déplacer tout ou une partie de leur R&D ?
En théorie, les motivations qui interviennent sont au nombre de trois : l’apprentissage ou
augmentation du stock de connaissances, la conquête de nouveaux marchés ou exploita-
tion du stock existant, et enfi n, l’accès à des coûts plus faibles pour réaliser l’activité de
recherche. L’objectif de cet article est de déterminer l’importance relative de ces motiva-
tions pour les entreprises françaises.
L ’ Enquête sur les relations inter-entreprises Erie( ) de 2003 permet d’appréhender les
relations de R&D entre des entreprises françaises et leurs partenaires, français ou étran-
gers. Les résultats montrent que la complémentarité avec le partenaire de R&D, qui
favorise l’apprentissage, est déterminante lorsque les entreprises choisissent d’interna-
tionaliser leur R&D. L’accès à de nouveaux marchés intervient également, mais de façon
secondaire. Enfi n, l’objectif de réduction des coûts n’est pas important. En particulier,
on n’observe jusqu’à présent que très peu de relations avec des partenaires situés dans
des pays à bas coûts.

* L’auteur appartenait, au moment de la rédaction de cet article, à la Direction des statistiques d’entreprise de l’Insee.
L ’auteur remercie S. Roux, B. Nefussi, C. Lelarge et L. Bloch, ainsi que les membres du séminaire Études de la direction des statistiques
d’entreprises de l’Insee, et ceux du groupe de travail sur la globalisation de l’OCDE, où une première version de ce travail a été présentée
en novembre 2006, en particulier T. Hatzichronoglou. Il remercie également les deux relecteurs anonymes pour leurs remarques stimu-
lantes. Les erreurs qui pourraient être notées relèvent de son unique responsabilité.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 405/406, 2007 141a globalisation de l’économie concer ne En dépit de ces coûts, des forces centrifuges Laujourd’hui les sphères longtemps épar- s’exercent sur la fonction de recherche-dévelop-
gnées des fonctions de recherche-développe- pement. L’entreprise peut implanter un centre de
ment (R&D). Depuis la seconde moitié des recherche à l’étranger pour adapter sa produc-
années 1990, la place des capitaux étrangers tion aux goûts des consommateurs. Le stock de
dans les budgets de recherche de la plupart des connaissances accumulé par l’entreprise sur le
économies développées augmente (Harfi et al. , marché d’origine est enrichi par la connaissance
2007, Cnuced, 2005). Le phénomène est encore du marché-cible et permet d’adapter la produc-
plus marqué dans les économies en développe- tion. Ce facteur de proximité de la demande
ment. est historiquement le plus important (Cnuced,
2005). La littérature le résume sous le terme
Plusieurs dynamiques alimentent cette év olu- d’ exploitation du stock de connaissances de
tion. D’une part, la baisse des coûts de trans- l’entreprise (Kuemmerle, 1999 ; Patel et Vega,
port et les nouvelles technologies ont consi- 1999).
dérablement réduit les coûts d’éloignement.
D’autre part, l’organisation des fi rmes a subi La perspecti ve d’apprentissage est aussi une
de profondes mutations. L’organisation est pas- force centrifuge pour la R&D : internationali-
sée d’un système pyramidal à une structure de ser sa recherche peut permettre à une entreprise
réseau. Par nature, ce mode de fonctionnement de s’approprier un niveau d’expertise parfois
plus fragmenté se prête mieux à une dispersion indisponible sur le territoire français et d’aug-
géographique des activités. En conséquence de menter son stock de connaissances interne :
cette double évolution, c’est aujourd’hui sur c’est le motif d’ augmentation . L ’entreprise
une base mondiale que les fi rmes conçoivent et choisit alors de localiser sa recherche près de
organisent leur chaîne de valeur. centres d’expertise (von Zedwitz et Gassman,
2002) et accroît le rendement de ses dépenses
de recherche en tirant parti de la proximité avec F ace à ce phénomène, la compréhension des
son environnement, en captant des externalités mécanismes d’internationalisation de la R&D
(Audretsch et Feldman, 2004). L’approche par est importante pour les politiques publiques. Il
les compétences (par exemple, Mowery, 1998) ne s’agit pas tant d’endiguer une « fuite de la
montre que ces externalités permettent d’exploi-connaissance » que de permettre à la R&D fran-
ter la complémentarité entre les connaissances çaise de profi ter au mieux de son environnement
capitalisées par l’entreprise et les connaissances international (1) . L ’enjeu est de parvenir à attirer
apportées par son environnement relationnel. des fl ux entrants de connaissance, en particulier
L’internationalisation des fonctions de R&D se ceux dont la diffusion sera la plus profi table au
fait dans ce cas dans le but d’ augmenter le stock tissu économique (Kuemmerle, 1999) (2) .
12de connaissances.
L ’inter nationalisation des fonctions de recher -
che est pourtant coûteuse pour l’entreprise. Enfi n, les pays à bas coûts, déjà impliqués dans
L’implantation sur un marché éloigné génère la globalisation des activités de production à
un coût d’entrée et occasionne des incertitudes faible valeur ajoutée, déplacent leur offre vers
en matière de protection de la propriété intel- des activités à plus haute valeur ajoutée, comme
lectuelle, variable selon les États. Ce coût d’en- les services informatiques ou la recherche-déve-
trée est renforcé par un coût psychologique, le loppement. Cette offre concurrence directement
« biais domestique », autrement dit une préfé- des activités auparavant réalisées dans le pays
rence sans fondement rationnel des dirigeants de localisation « historique » des entreprises,
envers le pays d’origine pour y maintenir les en proposant un service analogue à un prix plus
activités de R&D (Lewis, 1999). Le morcel- bas. Le coût de la R&D et la perspective de réa-
lement de la recherche génère également des liser des économies tout en produisant un même
coûts liés à la transmission de l’informa-
tion (Barba Navaretti et Venables, 2004 ; von
Zedwitz et Gassman, 2002), que les technolo- 1. Belitz (2004) fait r emarquer, dans le cas de l’Allemagne, que
les fl ux de R&D entrants et sortants sont à considérer dans leur gies de l’information et de la communication
ensemble. Un taux important de dépenses de R&D à l’étranger ne peuvent annuler. Enfi n, des comportements n’est pas un gage de mauvaise santé de la R&D nationale, dès
lors que le pays bénéfi cie symétriquement de fl ux entrants en opportunistes peuvent apparaître lorsque la
provenance d’entreprises étrangères.R&D est réalisée en commun avec un parte-
2. « It is important for public policy makers in industrialized
naire ou sous-traitée. Ils augmentent le risque countries to consider that even seemingly small inter-country
differences in public and private commitment to R&D can deter-encouru par la fi rme et incitent à la centralisa-
mine what kind of foreign fi rms will carry out in these coun-
tion (Markusen, 2001). tries » (Kuemmerle, 1999).
142 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 405/406, 2007niveau de connaissance constitue une troisième étapes de la chaine de valeur sont dispersées
force centrifuge. géographiquement et la production dessert un
marché global.
Cet ar ticle intègre dans un même cadre théorique
les trois motivations et estime leur importance Les investissements verticaux ont lieu lorsque le
en contrôlant l’effet d’autres facteurs, comme la différentiel des coûts de production en

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