L industrie dans la région de Saint-Dié  - article ; n°261 ; vol.46, pg 247-259
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Description

Annales de Géographie - Année 1937 - Volume 46 - Numéro 261 - Pages 247-259
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1937
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Baumont
L'industrie dans la région de Saint-Dié
In: Annales de Géographie. 1937, t. 46, n°261. pp. 247-259.
Citer ce document / Cite this document :
Baumont Michel. L'industrie dans la région de Saint-Dié . In: Annales de Géographie. 1937, t. 46, n°261. pp. 247-259.
doi : 10.3406/geo.1937.12126
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1937_num_46_261_12126247
L'INDUSTRIE DANS LA RÉGION DE SAINT-DIÉ *
Dans ces lointaines vallées vosgiennes s'est constitué et déve
loppé un groupe industriel puissant et varié. Un patron déodatien
aime à dire avec humour que, sur un espace aussi restreint, on tra
vaille presque toutes les matières premières : pierre, bois, fer, fonte,
cuivre, coton, lin, laine, soie, papier, carton, cuirs et produits ch
imiques, etc. La région de Saint-Dié, en effet, charpente, menuise, tré
file, fond et moule, file et tisse, mercerise, tricote et confectionne. Plus
de 15 000 ouvriers travaillent dans les usines de la région ; plus du
tiers de la population vit de l'industrie. La crise récente a fait sen
tir à toute la région l'importance et la complexité de l'édifice indust
riel dont elle est fière. Elle a pu aussi — expérience instituée par la
nature — aider le géographe à mieux en expliquer la fragile divers
ité.
I. — L'industrialisation du pays
L'explication de ce développement industriel n'est pas une. La
nature n'a guère fourni, mais l'homme a beaucoup apporté. De mat
ière première point, sauf — et c'est d'importance — le bois. Mais on
trouve sur place une force gratuite et une main-d'œuvre primitive
ment peu exigeante. Des initiatives alsaciennes, multipliées par le
véritable exode qui suivit 1870, ont exploité ces richesses, créé la
grande industrie : au début du xxe siècle les industries de la région de
Saint-Dié sont constituées et en pleine vigueur.
Évidemment, le sous-sol n'offre pas la simple richesse de la houille
ou du fer. Les quelques hectares où, à Raon, on exploite le trapp bleu
pour le macadam, les carrières renommées de Senones d'où l'on tire
le granite ne sont que des exceptions dans la région et n'ont malgré
tout qu'une importance économique limitée. Le plomb argentifère
de la Croix-aux-Mines, célèbre pendant tout le moyen âge, quand il
assurait aux ducs de Lorraine de sains écus, et que la Chanson de
Garin le Lorrain évoquait : « Le Val Saint-Dié où li argent gît », est
maintenant oublié, malgré une prospection récente et de sérieuses
promesses d'exploitation rémunératrice. Mais, quel que soit l'intérêt
des ressources minières exploitées ou à exploiter, leur influence sur
la vie de la région est pratiquement négligeable, et le sous-sol n'a pu
fournir aux habitants les revenus supplémentaires qu'exigeait une
agriculture avare de profits.
1. La région de Saint-Dié comprend les cantons de Fraize, Provenchères, Saint-
Dié, Senones et Raon (Vosges) (voir fig. 1). L'enquête dont on consigne ici les résultats
a été menée à la fin de 1935. 248 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
Le seul cadeau que la nature fit à l'homme est l'arbre. En cette
région, qui nulle part ne reçoit moins de 900 mm. d'eau par an,
l'arbre croît partout, et les forêts de résineux couvrent toutes les
pentes. 43 007 ha., soit 52 p. 100 de la superficie de la région, sont
revêtus de la sombre sapinière : pins sur les versants chauds ; sapins
sur les pentes fraîches ; épicéas des hauteurs et des plantations. Plus
des trois quarts de ces forêts, bois domaniaux et communaux, sont
soumis au régime forestier et par là même surveillés et entretenus
par l'administration. L'industrie du bois, dans un pays dont la colo
nisation primitive fut forestière, se développa de toute antiquité.
Jusqu'aux dernières années du xixe siècle, elle alimenta un trafic
par flottage sur la Meurthe, de 50 000 à 60 000 t. par an. Le bois,
encore aujourd'hui, fait travailler toute une population industrielle,
sans compter les tâcherons des campagnes.
Les ressources forestières mises à part, la région de Saint-Dié
offrit deux richesses aux premiers capitaines d'industrie : son eau,
ses hommes.
Tout naturellement, la première exploitation de la houille blanche
date de la première scierie : les quelques CV nécessaires pour actionner
la scie verticale étaient facilement fournis par tous les ruisseaux de
la montagne. Plus tard, tant qu'ateliers et usines ne demandèrent
pas de force excédant une cinquantaine de CV, on vit se multiplier les
roues d'eau : moulins à blé et à seigle, à pommes et à noix ; papeteries
traitant les chiffons locaux ; martinets et taillanderies, trouvant le
combustible sur les rives mêmes de leur canal. L'expansion indust
rielle du xixe siècle égrène naturellement ses usines le long des
vallées : la maison Géliot se fonde en 1835 à Plainfaing pour profiter
de la cascade de chutes utilisables sur la haute Meurthe ; le Rabodeau
(Bapida aqua ?) attire le groupe Laederich en 1847. Tous les industriels
pensent à utiliser la force des ruisseaux régionaux en un temps où le
voiturage de la houille est très coûteux et où, si le rendement des
chaudières est encore très bas, celui des roues et turbines est déjà
excellent. C'est ainsi que, de la première scierie aux derniers bancs
de broches, l'eau de la montagne assure la continuité historique.
Et d'autre part — là, de l'avis des industriels, n'est pas le moindre
élément d'explication — la présence, aux débuts de l'âge industriel,
d'une population besogneuse et menacée de disette, à la merci d'une
trop faible récolte de pommes de terre, tenta les patrons par la modic
ité des conditions qu'elle posait à louer ses bras. Après 1870, la mai
son С artier -Bresson de Pantin manque de main-d'œuvre parisienne.
La servante de la famille, originaire de Luvigny, raconte à son maître
que ses compatriotes sont fort pauvres et que les hivers sont longs
à dépenser sans gagner. Un voyage dans le pays décide Cartier-
Bresson, qui ouvre dans une ferme, à Luvigny, un atelier qui occupe L'INDUSTRIE DANS LA RÉGION DE SAINT-DIÉ 249
tout de suite 60 ouvrières. Tous les industriels signalent, à l'origine
de leur établissement dans la région, le désir de spéculer sur le bon
marché de la main-d'œuvre et de compenser par là l'éloignement
des matières premières et des marchés de consommation.
Cette double richesse en force et en main-d'œuvre était utilisée
dès le moyen âge. Mais il fallut une initiative étrangère au pays pour
éveiller ces forces sommeillantes en quelque sorte, et donner à la ré
gion la grande industrie : la région de Saint-Dié est une colonie indust
rielle de l'Alsace. C'est l'Alsace qui, en lui apportant le coton et en
renouvelant par contre-coup toutes ses vieilles industries, en a fait
un groupe très actif. Le premier établissement traitant le coton fut
établi le 28 nivôse an V (17 janvier 1797) à Saint-Dié par Jean-Sébast
ien Lehr, de Sainte-Marie-aux-Mines, qui fabriqua 5 200 pièces de
60 aunes de siamoise par an. Le fondateur du plus puissant groupe
de la région, Nicolas Géliot, était employé en Alsace dans une maison
de matériel textile. La vallée du Rabodeau a été animée par les Mul-
housiens Vincent, Chariot, Ponnier.
Mais l'élan définitif fut donné par la guerre de 1870, qui força
beaucoup de fabricants alsaciens à quitter l'Allemagne pour garder
en France la clientèle acquise et ne pas se heurter à une industrie
nationale favorisée par les pouvoirs publics. L'industrie vosgienne
ne fut souvent qu'une fille de l'industrie alsacienne. La Maison Schei-
decker, de Lutzelhouse, vient bâtir une filature au Rabodeau, près de
Moyenmoutier ; la filature delaine Amos, de Wasselonne, essaime un
tissage à Raon-Г Étape où on lui signale une main-d'œuvre vacante :
celle des flotteurs. Laissant dans le Bas- Rhin sa famille diriger l'usine
mère, Jules Marchai vient à Saint-Dié fonder les établissements qui,
aujourd'hui, occupent la moitié des ouvriers du textile déodatien. Ce
n'est pas un pur hasard

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