Le tissu productif : renouvellement à la base et stabilité au sommet
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Le renouvellement du tissu productif est au centre du débat sur la capacité de la France et de l'Europe continentale à faire face au défi de l'innovation. L'observation simultanée, entre 1985 et 2000,de la dimension groupe et de la dimension entreprise permet de nuancer le constat habituel d'un renouvellement du tissu productif très actif dans les petites entreprises et contrastant avec un club des grands groupes relativement fermé. La croissance de l'emploi salarié est la résultante de l'enchaînement de deux mouvements complémentaires : un fort dynamisme des très petites entreprises jusqu'en 1993, le relais étant pris ensuite par les grands groupes dont les effectifs s'accroissent notoirement à la fin des années 1990. Les groupes acquièrent les entreprises les plus dynamiques, dont la croissance s'avère stimulée par l'entrée dans un groupe. C'est particulièrement vrai des PME,surtout lorsqu 'elles sont acquises par de grands groupes. La croissance de ceux-ci résulte de deux mouvements contraires : une forte «croissance externe » reposant sur leurs acquisitions récentes ((autres groupes, entreprises indépendantes ou cédées par d'autres groupes), partiellement compensée par une «destruction interne » d'emplois. Ces destructions sont d 'autant plus accentuées qu'elles concernent de plus grandes entreprises pérennes. Elles sont localisées dans l'industrie et le BTP, alors que les grands groupes créent des emplois dans les services, et tout particulièrement dans le commerce. Enfin, le club des groupes européens se réorganise beaucoup plus par restructuration que par l'apparition de nouveaux membres. Cette moindre ouverture oppose l'Europe aux États-Unis.

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Langue Français

Extrait

ENTREPRISES
Le tissu productif :
renouvellement à la base
et stabilité au sommet
Claude Picart*
Le renouvellement du tissu productif est au centre du débat sur la capacité de la France
et de l’Europe continentale à faire face au défi de l’innovation. L’observation
simultanée, entre 1985 et 2000, de la dimension groupe et de la dimension entreprise
permet de nuancer le constat habituel d’un renouvellement du tissu productif très actif
dans les petites entreprises et contrastant avec un club des grands groupes relativement
fermé.
La croissance de l’emploi salarié est la résultante de l’enchaînement de deux
mouvements complémentaires : un fort dynamisme des très petites entreprises jusqu’en
1993, le relais étant pris ensuite par les grands groupes dont les effectifs s’accroissent
notoirement à la fin des années 1990.
Les groupes acquièrent les entreprises les plus dynamiques, dont la croissance s’avère
stimulée par l’entrée dans un groupe. C’est particulièrement vrai des PME, surtout
lorsqu’elles sont acquises par de grands groupes.
La croissance de ceux-ci résulte de deux mouvements contraires : une forte « croissance
externe » reposant sur leurs acquisitions récentes (autres groupes, entreprises
indépendantes ou cédées par d’autres groupes), partiellement compensée par une
« destruction interne » d’emplois. Ces destructions sont d’autant plus accentuées
qu’elles concernent de plus grandes entreprises pérennes. Elles sont localisées dans
l’industrie et le BTP, alors que les grands groupes créent des emplois dans les services,
et tout particulièrement dans le commerce.
Enfin, le club des groupes européens se réorganise beaucoup plus par restructuration que
par l’apparition de nouveaux membres. Cette moindre ouverture oppose l’Europe aux
États-Unis.
* Au moment de la rédaction de cet article, Claude Picart appartenait à la division Marchés et stratégies d’entreprise de
l’Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 371, 2004 89e renouvellement du tissu productif est L’analyse porte sur les entreprises non agricoles
pour certains auteurs (1) d’autant plus hors administrations et associations et couvre laL
essentiel à la croissance que l’on se rapproche période 1985-2000. L’encadré 1 donne une des-
de la frontière technologique (2). En effet, c’est cription détaillée de ces sources statistiques.
le processus de destruction créatrice qui est le Enfin, les conventions de dénomination des
plus efficace pour favoriser l’innovation, car il entités étudiées selon la tranche de taille ne sont
sélectionne les firmes innovantes. En revanche, pas les mêmes selon qu’il s’agit d’entreprises ou
dans un processus de développement fondé sur de groupes (cf. tableau 1). (1) (2) (3)
l’imitation de technologies existantes, les entre-
prises existantes sont mieux adaptées, car leur Déconcentration productive
taille, plus élevée que celle des nouvelles, leur et concentration financière
permet de mobiliser plus de ressources pour
investir. Le rapport Sapir (2004) déduit d’un tel
Entre 1985 et 2000, l’emploi salarié du champ
modèle que le faible renouvellement du tissu
passe de 12 millions à 14,2 millions. La crois-
productif qui caractérise l’Europe par rapport
sance des effectifs décroît avec la taille, en dépit
aux États-Unis et qui était plutôt favorable à la
d’une inflexion à la hausse des entreprises de
croissance dans la phase de rattrapage des
grande taille en milieu de période
Trente glorieuses devient maintenant un handi-
(cf. graphique I). Ce sont les TPE qui augmen-
cap. Sans entrer dans ce débat (3) cet article se
tent le plus, surtout jusqu’en 1993. Cela peut
propose de caractériser et de mesurer le renou-
être relié à la tertiarisation de l’économie (4)
vellement du tissu productif.
ainsi qu’à la diminution du poids des entrepre-
neurs individuels (5). À partir de 1997, ce sont
Le processus de renouvellement du tissu pro-
les très grandes entreprises (3 000 salariés et
ductif par destruction d’entreprises existantes et
plus) qui, après une longue période de déclin qui
création de nouvelles entreprises s’observe
semblait structurel, contribuent le plus à la forte
aussi bien en France que dans d’autres pays
poussée de l’emploi. Ce sursaut des très grandes
(Duhautois, 2002). Il met en jeu d’importants
entreprises est en fait dû au développement du
flux bruts de création et de destruction
secteur de l’intérim. Abstraction faite de ce sec-
d’emplois, dont le solde est d’autant plus positif
teur, les très grandes entreprises – par ailleurs
que les firmes sont petites (Bednarzik, 2000), et
fortes utilisatrices de ce type d’emploi – ne font
il devrait donc conduire à un renouvellement
qu’interrompre leur déclin à partir de 1994.
important du tissu productif. En revanche, la
Même si le secteur de l’intérim est le plus sou-
hiérarchie des grands groupes est, on le verra,
vent exclu du champ pour les besoins de l’étude,
étonnamment stable : l’Europe continentale se
il faut cependant garder à l’esprit la substitution
distingue des États-Unis par l’absence d’émer-
qui s’est opérée entre les salariés de grandes
gence ex nihilo de grands groupes (Cohen et
entreprises de secteurs tels que l’automobile et
Lorenzi, 2000).
les intérimaires (Gonzalez, 2003).
Prendre en compte la dimension groupe permet
La même analyse portant sur les groupes etde lever cette contradiction, dans la mesure où
les entreprises indépendantes (regroupés parl’évolution de l’emploi d’une entreprise n’est
la suite sous la dénomination d’« entitéspas la même selon qu’elle appartient ou non à un
autonomes »), conduit aussi à une forte croissancegroupe (Boccara, 1998). En s’annexant les plus
des moins de 10 salariés, ce qui est logique dansdynamiques des entreprises les plus petites, et
en assurant ensuite leur croissance, les grands
groupes concourraient en fait activement au
1. Voir par exemple Acemoglu et al. (2003).
processus de destruction créatrice. Pour vérifier 2. On distingue pour rendre compte de la croissance, les pays
qui sont à la frontière technologique de ceux qui sont en deçà decette assertion, un préalable est de décrire l’évo-
cette frontière. Les premiers doivent trouver les sources du pro-
lution de l’emploi et les flux nets d’emploi par grès technique dans leurs propres efforts de recherche et déve-
loppement. Les seconds peuvent copier les technologies destaille en fonction du niveau d’observation
pays plus avancés, ce qui leur permet une croissance plus rapide.
retenu. L’importance relative des grands grou- Cette situation, dite de rattrapage, était caractéristique de
l’Europe des années 1950 et 1960. pes dans l’ensemble de l’économie française
3. La pertinence du modèle peut être contestée (Gaffard, 2003)
connaîtrait peu de changement dans la mesure ou le diagnostic même du retard européen relativisé (Blanchard,
2004). où la « croissance externe » résultant de l’acqui-
4. La part des TPE dans l’emploi est plus forte dans le commercesition de nouvelles entreprises serait compensée et les services aux particuliers (Vincent, 2000). Selon la même
par les destructions d’emplois dans les entrepri- étude de la Dares, un salarié sur trois des TPE est employé à
temps partiel, ce qui contribue à la croissance des effectifs.ses déjà présentes en leur sein (« destructions
5. Les entrepreneurs individuels ne sont pas comptabilisés dans
internes »). les effectifs salariés.
90 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 371, 2004la mesure où la quasi-totalité des TPE n’appar- sation en déclin dans les années 1990 : ce sont
tiennent pas à un groupe (ou du moins ne sont les seules à employer moins de salariés en 2000
qu’en 1990 (cf. graphique II). pas recensées par l’enquête sur les liaisons
financières (enquête dite « Lifi »)). Les grands
groupes (3 000 salariés et plus : au-delà de ce
Schématiquement, ces évolutions ont l’allure deseuil il n’existe pratique

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