Les managers français connaissent-ils leurs entreprises ? Les leçons de l enquête REPONSE
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Cet article explore les écueils potentiels liés à l’utilisation des enquêtes sur les pratiques organisationnelles, les choix technologiques des entreprises et les relations professionnelles. Une méthodologie générique permet d’estimer, sous certaines hypothèses, le niveau de véracité ou de cohérence des déclarations des dirigeants enquêtés travaillant dans différents établissements d’une même entreprise. Appliquée à l’enquête française REPONSE pour les aspects généraux de l’entreprise (taille, appartenance à un groupe, structure de l’actionnariat, etc.), cette méthodologie suggère que les dirigeants donnent en général des réponses plutôt cohérentes d’une question prise isolément à une autre, que les réponses sont d’autant plus précises que les questions sont simples et qu’elles relèvent du champ de compétence du dirigeant interrogé. Cependant les réponses aux questions portant sur les relations sociales et la représentation des syndicats dans l’entreprise sont moins fiables. La prise en compte des erreurs commises par les dirigeants conduit à réviser sensiblement à la fois le niveau et l’évolution d’un certain nombre de variables, en particulier le poids des différents syndicats de salariés dans les entreprises.

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Langue Français

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ENTREPRISES
Les managers connaissent-ils
leurs entreprises ?
Les leçons de l’enquête REPONSE
Philippe Askenazy* et Julien Grenet**
Cet article explore les écueils potentiels liés à l’utilisation des enquêtes sur les prati-
ques organisationnelles, les choix technologiques des entreprises et les relations profes-
sionnelles. Une méthodologie générique permet d’estimer, sous certaines hypothèses, le
niveau de véracité ou de cohérence des déclarations des dirigeants enquêtés travaillant
dans différents établissements d’une même entreprise. Appliquée à l’enquête française
REPONSE pour les aspects généraux de l’entreprise (taille, appartenance à un groupe,
structure de l’actionnariat, etc.), cette méthodologie suggère que les dirigeants donnent
en général des réponses plutôt cohérentes d’une question prise isolément à une autre, que
les réponses sont d’autant plus précises que les questions sont simples et qu’elles relè-
vent du champ de compétence du dirigeant interrogé. Cependant les réponses aux ques-
tions portant sur les relations sociales et la représentation des syndicats dans l’entreprise
sont moins fables. La prise en compte des erreurs commises par les dirigeants conduit à
réviser sensiblement à la fois le niveau et l’évolution d’un certain nombre de variables,
en particulier le poids des différents syndicats de salariés dans les entreprises.
* Philippe Askenazy est directeur de recherche CNRS à l’École d’Économie de Paris et membre du Cepremap.
** Julien Grenet est chercheur au Centre for Economic Performance de la London School of Economics and Political Science.
Les auteurs tiennent à remercier vivement deux rapporteurs anonymes pour leurs très stimulantes remarques et suggestions. Ils remer-
cient également Loup Wolff de la Dares pour son aide sur les données de pondération.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 421, 2009 53ne très importante littérature en économie généraux. Les sources de biais sont multiples : U s’est construite depuis une quinzaine d’an- les dirigeants peuvent ne pas connaître la bonne
nées autour de la thématique des changements réponse et répondre au hasard ; ils peuvent
technologiques et organisationnels que connais- avoir une mauvaise connaissance du terrain et
sent les entreprises (Aghion et al., 1999). La plu- se contenter de réciter l’enseignement qu’ils
part des travaux confrment les toutes premières ont reçu en école de management. Ils peuvent
études et les analyses issues du management : aussi vouloir paraître en pointe dans l’adoption
même si on ne peut tracer un modèle unique, de pratiques managériales et organisationnel-
les entreprises tendent à adopter simultanément les innovantes, en déclarant justement mettre
les technologies de l’information et de la com- en œuvre ces nouvelles pratiques. Si tel était le
munication et des pratiques de travail fexibles. cas, la validation par l’enquête des prédictions
Ces pratiques recouvrent le développement de des manuels de management pourrait relever
la polyvalence, de l’autonomie des salariés, du davantage de la fction auto-réalisatrice que de
juste à temps ou des démarches qualité. Un fais- la réalité.
ceau d’indices souligne que les performances
des entreprises dépendraient des complémenta- Conscients de ces obstacles et bénéfciant de
rités entre ces changements (Bresnahan et al., fnancements plus importants, les travaux les
2002). plus prudents ont réalisé des enquêtes complé-
mentaires sur des échantillons très réduits afn
À l’appui de ces avancées, des enquêtes de plus de vérifer l’existence d’une corrélation positive
en plus larges ont été réalisées auprès d’entrepri- entre les réponses des dirigeants d’entreprises
ses. Les premières se sont limitées à des secteurs entre les deux vagues. Si les résultats sont plutôt
particuliers comme la sidérurgie (Ichniowski et rassurants (Bloom et van Reenen, 2007), ils ne
al., 1997) ou le textile (Dunlop et Weil, 1996). permettent ni de quantifer précisément l’exac -
Les suivantes ont porté sur des vagues d’échan- titude des réponses fournies par les dirigeants
tillons représentatifs, comme les enquêtes interrogés, ni d’évaluer les conséquences de la
NES (National Employment Survey) (Black et non-prise en compte des erreurs éventuellement
Lynch, 2001) et NOS (National Organizations commises par ces derniers.
Survey) aux États-Unis (Osterman, 1994),
WIRS-WERS (Workplace Industrial Relations Cet article présente une exploration systémati-
Survey/Workplace Employment que des écueils potentiels liés à l’utilisation des
Survey) en Grande-Bretagne (Addison et al., enquêtes sur les pratiques organisationnelles en
2004) ou COI (Changement Organisationnel tirant parti de la présence de grappes d’établisse-
et Informatisation) (Aubert et al., 2006) et ments appartenant aux mêmes entreprises dans
REPONSE en France (Caroli et van Reenen, l’échantillon du volet « Représentants de la direc-
2001). Les questionnaires sont également deve- tion » de l’enquête française REPONSE. Cette
nus plus riches et homogènes, tenant compte à enquête, menée tous les sept ans auprès d'environ
la fois de l’émergence de nouvelles pratiques 3 000 représentants de la direction d’entreprise
dans les entreprises et de la qualité des répon- interrogés au niveau des établissements, contient
ses obtenues dans les premières vagues. Plus un grand nombre de questions portant sur l’or-
récemment, des enquêtes internationales ont ganisation du travail, les technologies et les rela-
été réalisées, la plus complète à ce jour ayant tions professionnelles. Les entretiens sont réali-
été menée par Bloom et van Reenen (2007). Il sés en face à face et la position professionnelle
s’agissait pour ces auteurs de comprendre com- des enquêtés est donnée en clair.
ment les pratiques managériales varient d’un
pays à un autre, afn d’identifer une cause pos - Pour les besoins de cette étude, nous dévelop-
sible des écarts de performance macroéconomi- pons une méthodologie générique pour estimer,
que observés entre les pays de l’OCDE. sous certaines hypothèses, le niveau de véracité
et de cohérence des réponses fournies par les
Mais dès le début de l’utilisation de ces enquê- individus aux questions portant sur les caractéris-
tes, un certain nombre d’auteurs ont souligné tiques de leur groupe, en extrayant l’information
l’existence de failles potentielles (Huselid et issue du rapprochement des réponses de mem-
Becker, 1996) : les réponses des dirigeants bres d’un même groupe. Cette approche permet
d’entreprises ou des cadres peuvent être biai- d’estimer séparément le taux de prévalence réel
sées et on ne peut exclure que des erreurs signi- d’une caractéristique donnée parmi l’ensemble
fcatives soient commises, en particulier lors - des groupes et la probabilité que les individus
que les questions sont complexes ou renvoient interrogés fournissent une réponse erronée à la
à des concepts managériaux ou technologiques question portant sur cette caractéristique.
54 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 421, 2009Cette méthodologie est notamment adaptée aux questions portant sur les caractéristiques des
situations dans lesquelles les informations sur le entreprises sont abondamment utilisées dans la
groupe ne peuvent être connues que de manière littérature. Les réponses fournies par les repré-
« indirecte », par l’intermédiaire des réponses sentants de la direction aux questions portant
fournies par les membres de ce groupe, soit sur les relations sociales dans leur entreprise
parce qu’il n’existe pas de représentant claire- constituent notamment l’une des principales
ment identifable du groupe (comme dans le cas sources d’information sur la présence syndicale
des réseaux sociaux), soit que le plan de son- dans les entreprises (Pignoni et Tenret, 2007).
dage ne le sélectionne pas systématiquement. Par ailleurs, un certain nombre de pratiques
managériales étudiées dans la littérature consa-
Le volet « Représentants de la direction » d

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