Le coup du lapin
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Description

Le coup du lapin. 21h30. Cela fait un moment que je l’attends. Mais je ne crois plus qu’elle viendra. Je m’étais pris au jeu pourtant. J’ai mis comme entendu ce polo bariolé. Pas de trace toutefois de son chemisier argenté. Pour une première, cela sera également la dernière. Je pense la connaître, enfin pensais. Avec ces outils, on n’est plus sûr de rien. Hier encore, je l’avais au téléphone. Cela fait deux mois environ qu’on converse sur internet. Ce soir, c’est la rencontre réelle. Peut-être a-t-elle pris peur en me voyant ? Pourtant je ne lui ai rien caché, et je me crois plutôt bon parti. Ou est-ce elle qui m’aurait menti, et qui n’assume pas ? Allez, je lui donne encore quelques minutes. Ensuite, je passe à autre chose. Ça ne m’est pas facile déjà d’être ici. Il y a quatre mois à peine, je ne connaissais tous ces sites que de nom. Aujourd’hui, j’y ai des comptes. C’est fou comme la technologie finit par avoir même les plus réfractaires d’entre nous. Cela m’a paru comme le moyen le plus simple. Je l’ai rencontrée par hasard. Elle est dans la même attente. On n’a pas tout en commun, mais suffisamment pour se permettre d’y croire. Elle a 27 ans, et est enseignante de français. Bref, c’est ce qu’elle m’a dit. Jolie jeune femme brune au regard noisette. J’ai beau regarder autour de moi, je ne vois aucune demoiselle correspondant à la description qu’elle m’a faite. Il est temps que je me rende à l’évidence.

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Publié le 04 août 2014
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Langue Français

Extrait

Le coup du lapin.
21h30. Cela fait un moment que je l’attends.
Mais je ne crois plus qu’elle viendra. Je
m’étais pris au jeu pourtant. J’ai mis comme
entendu ce polo bariolé. Pas de trace
toutefois de son chemisier argenté. Pour une
première, cela sera également la dernière.
Je pense la connaître, enfin pensais. Avec
ces outils, on n’est plus sûr de rien. Hier
encore, je l’avais au téléphone. Cela fait
deux mois environ qu’on converse sur
internet. Ce soir, c’est la rencontre réelle.
Peut-être a-t-elle pris peur en me voyant ?
Pourtant je ne lui ai rien caché, et je me
crois plutôt bon parti. Ou est-ce elle qui
m’aurait menti, et qui n’assume pas ? Allez,
je lui donne encore quelques minutes.
Ensuite, je passe à autre chose.
Ça ne m’est pas facile déjà d’être ici. Il y a
quatre mois à peine, je ne connaissais tous
ces sites que de nom. Aujourd’hui, j’y ai des comptes. C’est fou comme la technologie
finit par avoir même les plus réfractaires
d’entre nous. Cela m’a paru comme le
moyen le plus simple.
Je l’ai rencontrée par hasard. Elle est dans la
même attente. On n’a pas tout en commun,
mais suffisamment pour se permettre d’y
croire. Elle a 27 ans, et est enseignante de
français. Bref, c’est ce qu’elle m’a dit. Jolie
jeune femme brune au regard noisette.
J’ai beau regarder autour de moi, je ne vois
aucune demoiselle correspondant à la
description qu’elle m’a faite. Il est temps
que je me rende à l’évidence. C’est d’autant
plus cruel que je nourris encore l’espoir. Ca
ne sera pas pour ce soir. Un brin désabusé,
je rebrousse chemin. Tant pis pour la
réservation.
Je rentre feignant de ne pas être atteint. Il y a
pourtant toujours dans mon esprit cette jolie
brune qui à mes 16 ans me brisa le cœur.
Cela résonne en moi. Donner l’illusion. Ne
rien laisser paraître. Je m’y efforce un jour
de plus.
Sur les coups des onze heures, la porte
cochère de l’immeuble me fait face. Le
2digicode, les quatre étages, le seuil de la
porte franchie, je pourrais dégoupiller. Pas
trop non plus, les murs ne sont pas épais.
Toujours ne rien montrer. Ne pas faire de
bruit. Etre dans la norme.
Mais une fois sur mon pallier, un colis
m’attend. Quelqu’un l’y a déposé, il n’y a
pas d’affranchissement. Juste mon nom. Je
ne sais pas vraiment quelle attitude adopter.
Après tout ce n’est pas bien lourd. On verra
à l’intérieur. Au pire ça ressort aussi sec.
Une fois le paquet ouvert, je reste sans voix.
On m’a posé un lapin. Deux à trois kilos, le
pelage chocolat. Rien d’autre, pas un mot.
Ca me la coupe. Tu parles d’une mauvaise
blague. Une attention maladroite ? Cela ne
peut pas être une coïncidence. Je commence
à tergiverser. Il parait que je réfléchis trop.
Le téléphone sonne tout à coup. En fait, cela
fait un moment je pense, mais je commence
seulement à l’entendre. Une fois décroché,
j’ai beau parler, personne ne répond. Cinq à
dix secondes à peine, une éternité, puis ça
coupe. Je m’en fous. Je ne veux pas chercher
à comprendre. La nuit pansera toutes les
3plaies. Je la ferais passer à travers, une fois
de plus.
Minuit approche. Je décide de laisser filer. Il
y en aura d’autres. On se raccroche à ce
qu’on peut. Pas grand-chose dans mon cas.
Alors quand on sonne à la porte, j’ai une
appréhension, entre envie et déraison. Je la
reconnais à travers le judas. C’est elle. Ca ne
s’explique pas. C’est instinctif. Je lui ouvre,
et ne me demande même pas comment elle a
pu me trouver.
Elle ne m’a pas menti. Un peu moins d’un
1m70 pour 55 ou 56 kg à vue d’œil. Un
regard insondable, et un léger sourire qui
vous prend aux tripes. Elle est parfaite. Ni
une, ni deux, elle entre à peine dans le salon
que je me mets à l’œuvre. Une aussi belle
proie, ça serait dommage de la laisser choir,
surtout qu’elle m’a fait languir.
Je sais que c’est mal, mais c’est plus fort que
moi. Mon sang est en ébullition. C’était
seulement la troisième. Je la saisis par les
bras, et appuie mon visage contre son
épaule. Je crois qu’elle comprend ou je veux
en venir. Cela ne dure pas longtemps, mais
me procure un plaisir intense. Dans un geste
4bref, et alors que mes mains remontent le
long de ses bras, je l’étrangle un instant
avant de lui tordre le cou.
Je la sens se débattre, le dernier souffle
quasi expiré. Et avant que cela ne se
produise, je veux reprendre une fois de plus
le dessus. Le claquement de ses os sous la
force de la rotation que je leur impose
réaffirme mon sentiment de puissance.
Quand j’imagine que cela a failli
m’échapper. Des minutes après, j’en tremble
encore d’excitation.
Il me reste le rituel, la faire disparaitre, puis
à retourner discrètement chez Sybille. J’ai
quitté cette dernière vers 20 heures. On doit
passer la nuit ensemble. C’est mon attitrée,
une petite rousse à la peau opaline. Mais au
lieu de cela, je l’ai drogué. Et une fois au lit,
elle s’est endormie, de quoi me donner un
alibi.
En ce qui concerne la morte, elle suit les
deux premières. Je la sort discrètement. En
fait de discrétion, elle passe par le vide
ordure. Je la récupérai en bas. J’ai mon auto
attenante à la benne. C’est que je suis
prévoyant. Cela se passe comme prévu
5d’ailleurs. Je desserre le frein à main, et
pousse sur les premiers mètres, puis prend la
direction du canal.
Lestée, elle ne tarde pas à disparaitre sous
les eaux. Au prochain dragage, on retrouvera
mes petites amies de passage. Heureusement
qu’ils sont hypothétiques. Cette réalité me
fait sourire. Je commence déjà à penser à la
prochaine. La voiture rangée, je regagne ma
place auprès de Sybille et m’endors le
devoir accompli.
Au petit matin, et seulement après que ma
copine émerge, je rentre chez moi. J’ai donc
passé la nuit du 25 au 26 octobre avec ma
fiancée. Elle en attestera si besoin est. Une
fois chez moi, les ennuis commencent. Ma
chute s’annonce. Un voisin me fait
remarquer qu’il a entendu un ou plusieurs
rongeurs, et que cela provient sans nul doute
de mon appartement.
Je fais mine de ne pas comprendre, et lui
gage de faire le nécessaire. C’est ce foutu
lapin. Un cadeau empoisonné. Il me relie
encore à elle. L’après-midi entier, je me
mets à sa recherche. Mais sans succès. Ce
soir-là, comme le jour suivant, je ne
6l’entends pas, et finis par me convaincre
qu’il périra ou bien de faim ou bien à travers
le vide ordure, ou bien encore par la grâce
du câblage électrique.
Mais quarante-huit heures plus tard, les
policiers sonnent à ma porte. Parait que cette
idiote a donné mon adresse au livreur.
Comme la boutique est à deux trois rues, ils
ont accepté de faire la livraison moyennant
un petit quelque chose. Quant à mon
adresse, c’est au restaurant qu’elle l’a
obtenu. Ça m’apprendra de réserver avec ma
carte bleue.
Et puis merde, j’ai mon alibi. Cela leur
semble suffisant. Ils me demandent juste ou
est passé le lapin. Je leur avoue n’en avoir
aucune idée, jusqu’à ce que ce crétin sorte
de sa planque. Il est amaigri. Je feins d’être
heureux de le revoir. Mais il a sous ses
pattes quelque chose qui m’inquiète. Eux
aussi le voient.
Il a les pattes et le museau ensanglantés. Le
salaud, il les a trouvés. Je nie encore
quelques instants. Mais l’agent n’a qu’à
remonter les traces de la bête pour faire la
découverte macabre : trois cœurs dans une
7bassine que je pensais à l’abri sous le socle
de la douche. Je leur ai ôté le cœur comme
elle me l’a brisé dans mon adolescence.
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