Le Train

Eveline

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• Publié par: gueguelle
• Publié le: 08 octobre 2012
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• Langue: Français

Extrait

LE TRAIN Quoi de mieux à faire?Vu qu’il me prendpour une conne! Avec ses bonbons roses! D’ailleurs tout le monde me prend pour une conne! Alors, quoi de mieux que la fuite ?J’aime pas l’avion, trop rapide! J’ai vu un reportage sur l’Orient Express, et,avec un peu d’imagination, Genève-Venise, ça va le faire ! J’ai gagné ce voyage à un concours, facile le concours! Dans un magasin d’alimentation pour professionnels, un bulletin concours. -« Combienpèse 1 mètre de mortadelle de chez GIOLITTI ! Deux réponses : 0 à 3kg ou plus de 3 kg ? Tirage au sort. C’est la première fois de ma vie que je gagne un concours. Mais si j’avais su! Je pense que, décidément, je suis faite pour ne figurer qu’au rayon des couennes, j’ai toujours été le double de quelqu’un d’autre, le nez decelle-ci, les yeux de celle-là, je m’habille comme elle, je ressemble à un peu Mademoiselle tout le monde! Mais dans le fond, qui me connaît vraiment? Personne…même pas moi! Parfois je déraille.Je peux changer d’idée d’une seconde à l’autre, être la bonne copine gentille les dix premières minutes, et soudain, la pire salope la dernière demi- heure,simplement parce que la discussion n’est pas à mon avantage! Je peux être aussi tout sucre tout miel, et en même temps avoir envie de vous exterminer, mais ça, ça ne se voit pas. Ca manque d’ordre à l’intérieur dema tête, mes tiroirs sont pas dans la bonne commode, pareil que les genspsychologiquementdérangés, c’est mon homme de ménage en blouse blanche qui le dit, je ressemble à ceux qui sont différents des autres !!! Mais aujourd’hui, j’ai envie de n’être que moi, ne ressembler à personne, vivre une journée comme personne, passer une journée que personne ne vivra jamais, à part moi !!!

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Comme je suis ordinaire, il faut que je me différencie… Que j!e réfléchisse un peu Une héroïne? Une victime? Une femme comme? Non non, plus jamais comme… Je gamberge, que pourrais-je faire que les autres ne font pas??? Une héroïne, je suis incapable de sauver qui que ce soit!!! Victime, j’ai pas envie de subirquoi que ce soit, et encore moins de sauter du train en faisant croire que quelqu’un m’a poussée ! Bon, d’accord, je ferais certainement la une desjournaux et le flash spécial du vingt heures, mais non, j’ai pas envie de me faire du mal! Tiens ! Par contre, je me vois assez bien en faire à une autre ! Peut-être que ca me guérira une bonnefois pour toutes! Plus besoin d’aller à ces séances, j’en ai marre de faire ces tests d’abrutis, le premier test, celuide la chauve- souris, le test de RORSCHACH, quelle belle connerie! D’ailleurs, le toubib qui fait passer ce genre de test, il en connaît les réponses, mais il prend un plaisir sadique à attendre c’qu’on va dire,si ça se trouve, il est certainement plus con que la moyenne ! Ah ! Le voilà, ce train pour la liberté ! J’ai même pas une valise, j’ai fait péter mon budgetloyer de l’année, m’en fous ! Si ça se trouve, je reviendrai jamais dans ce quartier de merde! Y a que des pauvres. Au fond de moi, je pense réellement que ce train va m’emmener vers la liberté ! Après avoir trouvé moncompartiment, je m’installe, je suis seule, tant mieux, j’ai besoin d’être concentrée. Il y a encore un quart d’heure d’attente et je pense qu’il peut encore arriver quelqu’un. Ma tête bourdonne, toujours cette douleur, le toubib m’a prescrit des pilules, il m’a dit que c’étaitpour me protéger de moi-même, alors qu’ilne connaît de moi quece que je veux bien lui raconter, c’est-à-dire… rien. C’est commela valise, j’les ai pas pris ses bonbons. Tiens, j’entends des bruits de pas dans le couloir, la porte s’ouvre! Oh ! Miracle, un bel apollon, un mètre nonante, cheveux bruns, yeux verts, jean et t- shirt, et ben, rien à jeter, quoi ! Il regarde son billet, me demande le numéro avec une pointe d’accent de chais pas où, mais qui lui va tellement bien! Merde, il s’est trompé de compartiment ! Dans le fond, je préfère, il est trop beau. C’est une femme que je cherche, peu importe laquelle, belle, grosse, grande, blonde,brune ou rousse, m’en fous ! Pourvu que ca soit une femme ! Ah en voila une qui ouvre la porte ! Pas mal, mais bon, pas terrible non plus. Je fais semblant de lire, j’ai pas envie de lui tenir le crachoir. Elle prend toute la place, quelle conne, ça commence bien ! Elle extirpe un sandwich de son sac et le mange goulûment,

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des tranches de mortadelle tombent sur sa jupe. Bien fait! En voulant essuyer la tache, c’est la mayonnaise qui couleses cuisses, elle relève la tête, ses yeux entre globuleux, on dirait un poisson mort. Si elle croit que je vais lui venir en aide, elle peut toujours se brosser ! Elle est dans la merde ! Comment elle va faire ? Le sandwich dans une main, elle essaie de sortir un mouchoir de son sac avec l’autre, à ce moment, le train démarre, les à-coups font tomber le sac et son contenu par terre! Je fais semblant de dormir. Mine de rien, j’ai un œil entre-ouvert, elle pose le mouchoir sur la banquette afin d’y déposer le sandwich, elle se lève, le train est en accélération, c’est l’apothéose! Le sandwich, la serviette, le contenu du sac avec pièces de monnaies, rouge à lèvres et tout le tremblement jonchent le sol! Pendant un quart de seconde, j’ai bien cru qu’elle allait finir par se rattraper, mais comme elle à les tentacules pleines de mayonnaise, elle arrive pas à s’agripper à la banquette, ses doigts glissent comme deux pieuvres qui cherchent à rejoindre le large. On se retrouve plongées dans le noir, une aubaine ce tunnel! Ce moment risque de plus se reproduire! D’un coup de pied sec et direct dans la tempe, j’en profite pour l’occire!!! Je l’entends à peine geindre, Merde, la lumière revient ! Le contrôleur? J’ai oublié le contrôleur, il risque de passer! A ce moment, je sens l’adrénaline monter! Jouissance, peur, excitation, « Allez RORSCHACH, qu’est-ce que c’est ?! »Sans perdre une seconde, j’ouvre la fenêtre, le train est au maximum de sa vitesse et l’air me projette la tête en arrière! Je soulève la grosse, elle n’est pas morte, elle gémit, elle est lourde, la vache ! Une fois placée sur mon épaule, je lui fous la tête à l’extérieur, il ne me reste plus qu’a faire basculer le tronc et le reste du corps. Une fraction de seconde, et je me retrouve seule dans le compartiment. J’en profite pour jeter ses affaires, mais je garde le sandwich et le rouge à lèvres. Je vois une couverture et m’en sers pour essuyerle gras de la mayonnaise mélangé au sang. Je la jette par la fenêtre que je laisse ouverte, afin de reprendre une respiration normale, m’assieds,et d’un œil d’experte en nettoyage, je scrute: La banquette, c’est ok, le sol, c’est ok, merde, sous la banquette, une chaussure ! Au moment où je me baisse pour la prendre, le contrôleur arrive !!! Je me redresse et file un coup de pied pour faire valdinguer la chaussure au fin fond sous la banquette! A part la fenêtre, tout paraît normal. Il entre et marmonne un truc du genre : … Bonjourno, i pericouloso la finestra, et, il pointe du doigt la fenêtre ! … Oui,oui, moi maladi, sandwich pas frechko, scousi ! … Volio pilula? Et referme la fenêtre. Il se renseigne pour savoir si la deuxième personne est aux toilettes. -« Jelui dis que je suis seule depuis le départ du train ! Il remarque qu’il manque la couverture.

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-«J’allais justement demander à la personne de l’autre compartimentelle voulait si bien m’en prêter une, j’ai besoin de me reposer, ce petit malaise m’a fatiguée, un petit somme me ferait du bien. -« Maintenant,je suis rassurée de vous avoir vuj’ai toujours peur dans le train, il parait qu’il y des dingues qui voyagent pour profiterdes femmes seules. Il revient avec la couverture et, pour me rassurer, il me dit qu’il repassera dans quelques minutes. A peine à-t-il tourné les talons : quej’ouvre la fenêtre et balance la chaussure. Enfin seule. Je finisle sandwich et m’enroule dans la couverture. Je me sens bien, apaisée, et sombre dans un sommeil réparateur. Quelques heures plus tard, je me réveille, je vais aux toilettes, une femme attend son tour, la main sur la poignée de la porte, une autre sort. … Pourriez-vous me tenir la porte s’il vous plait, elle ne ferme pas à clef. J’en ai pour une minute. C’est juste une minute, comme il n’y a personne aprèsmoi, elle se propose de m’attendre afin de me tenir la porte, je la remercie. Mais pendant que je fais pipi, une autre personne arrive, et je les entends parler. L’une dit à l’autre qu’il y a la policedans le premier wagon, il paraît qu’ils ont trouvé un cadavre complètement démembré et étalé sur plusieurs mètres, à la fin du premier tunnel, ils sont la pour prendre l’identité de tout le monde. Je me rhabille. En voulant fermer mon pantalon,je sens une grosseur dans ma poche, c’est le rouge à lèvres, je le fais sortir de son tube. Tiens ! J’en ai jamais mis. Je fais glisser le tube rouge sur mes lèvres, la couleur rouge sang me va bien, elle fait ressortir mes lèvres, qui sont trop finesà mon goût. Une fois que je m’en suis servie, je le balance dans les chiottes. Je sors et remercie la dame. Je retourne à ma place, j’ai de nouveau ce mal de tête,j’ai l’impression que mes tempes gonflent au fur et à mesure de chaque pulsation! J’ai envie de rentrer chez moi, prendre mes pilules et me plonger dans l’obscurité. Le train s’arrête, j’en profite pour descendre, le contrôleur m’interpelle, je ne l’entends plus, jecours à la recherche d’un taxi, jevérifie si j’ai assez d’argent,Je ne comprends paspourquoi j’ai tout ce pognon sur moi! Quelques heures plus tard, il me dépose devant mon allée de merde ! Décidément, je déteste ce quartier. Je monte quatre à quatre l’escalier, ce putain d’ascenseur est toujours en panne! J’ouvre ma porte etplonge la main directement dans ma boîte à pilules, j’en prends deux, une rose et une bleue,le psy m’a dit qu’en cas de crise, il fallait en prendre une de chaque. Je me déshabille et me carapatte dans mon lit. Le lendemain, c’est le téléphone qui me réveille.

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C’est le docteur FOLDINGUE. Mais qu’est-ce qu’il me veut? Ah, la chauve souris ouais, j’ai loupé mon rendez-vous! Il est d’accord pour me prendre dans une heure. Une heure! Juste le temps de prendre une douche, j’ai une de ces envies de pasy aller ! Mais je regarde ma boîte à pilules, je les compte, pas assez pour le week-end. C’est comme les ânes avec la carotte ! Il me lie à lui avec ses foutues pilules !!! Je remarque des traces rouge sur mon oreiller, je vois pas ce que ca peut être, Devant le miroir, je constate que ma bouche, est non seulement rouge sang, mais qu’elle ressemble aussi à un de ces clowns, en fin de représentation. Jecomprends pas, je mets jamais de rouge à lèvres,d’ailleurs j’en ai pas, jesuis assez moche de nature, pas besoin de le faire en version technicolors !!! Une fois arrivée à la cuisine, je vois mon petit coffre ouvert, un billet de train Genève-Venise poinçonné, mon argent est roulé comme si c’était un gros joint, je le compte, il manque cinq cent francs ? Et ce billet, jecomprends pas… Je me souviens être allée à la gare, pour demander les horaires, je suis même montée dans un wagon pour voir comment c’était, et je me souviens aussi d’avoir croisé un bel apollon aux yeux verts, ce qu’il était beau, et ses yeux, des émeraudes! Je me souviens aussi de ce mal de crâne, c’était terrible, parfois ca m’arrive, et il faut impérativement que je prenne ces foutues pilules. Le taxi !!! Voilà, maintenant çame reviens, j’ai sauté dans un taxi pour aller plus vite, j’avais pas mes pilules! Mais il me manque quandmême de l’argent, qu’est-ce que j’ai foutu, bordel! Il faut que je me concentre…Quand je gamberge, ma tête bourdonne! Merde, il faut que je reprenne une pilule. Vite, je vais être en retard !!! La chauve souris ne me fait pas attendre, je passe directement dans son cabinet et là, surprise, deux flics!!! J’essaie de faire demi-tour, mais un des deux bloque la porte ! Qu’est-ce qu’ilsme veulent? Un des deux sort un… portrait robot !!! Mais,c’est moi!!! Qu’est-ce qu’ils foutent avec mon portrait robot? … Oui, j’étais bien à la gare, oui j’ai bien gagné un billet pour Venise, oui, oui, oui. Il me faut mes pilules, j’ai trop mal à la tête!!! Le toubibm’en donne deux. Je m’assieds.Je les entends vaguement parler, mais je ne comprends pas ce qu’ils disent. Je ne sais pas ce qui m’apris, je saute sur le toubib, je veux l’étrangler!! Son visage, son visage, je vois son visage, mais ce n’est pas le sien, c’est la tête d’une chauve souris!!! Et… LE TROU NOIR…

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Combien de temps que je suis dans cette taule? Deux, trois, quatre ans? J’en sais trop rien… Il m’arrive parfois de penser à ce bel apollon, aubillet de train que j’ai gagné, grâce à la mortadelle, de rêver de Venise, des gondoles que je ne verrai sans doute jamais. Il y a une chose de sûre! J’ai quand même fini par le quitter ce quartier de pauvres, avec cet immeuble de merde et cet ascenseurqui marche jamais !!! Y a qu’une chose que je comprends pas ! Tous les jours, même le samedi et le dimanche, j’ai beaucoup de visites, ils me parlent de mon voyage à Venise, du train, d’un sandwich, ils me montrent toujours la même photo d’une femme, que jeconnais pas d’ailleurs. Ma? POURQUOI ILSis pourquoi SONT TOUS HABILLES EN BLANC ? …TCHOU TCHOU… Mandragora/mars 08

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