Les poules disparaissent…
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Description

LES POULES DISPARAISSENT Nouvelle extraite du roman « La relève » Jean-Pierre Barré Histoires Courtes Collection © 2013 — Jean-Pierre Barré Tous droits réservés Publication mars 2013 Mise en page et couverture Jean-Pierre Barré LES POULES DISPARAISSENT Ernest Proust et son fils, résident dans une dépendance constituée d’une vaste pièce à vivre et de deux minuscules chambres. En face, une petite écurie désaffectée sert de remise. Aménagé de façon judicieuse, un lopin de terre leur permet d’élever volailles et lapins et de cultiver un jardin potager et fruitier. Un gros chien, attaché au pied d’un pommier, jappe avec fureur dès qu’une personne approche. Le père, employé au domaine du Plessis, la « grande ferme », a la réputation d’être un excellent ouvrier agricole. Très sociable, il est aussi fort apprécié dans le village. Les Proust, guère envieux, ont appris à se suffire à eux-mêmes. À l’intérieur de la maisonnée rares sont les rires depuis que la femme d’Ernest est morte quelques jours après la naissance du petit. Comme chaque matin, dès l’aube, avant de se rendre à l’école, Léon, fils unique, s’apprête à soigner les poules. Pour sortir, redoutant la température, exceptionnellement basse en ce mois de novembre, il enfile de multiples épaisseurs. Chaussé de ses sabots, il se met en route vers le fond de la cour afin de récupérer la ponte du jour. Malgré le froid et les flocons tombés la veille, il est assuré de rapporter plusieurs œufs à la maison.

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Publié le 05 avril 2014
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Langue Français

Extrait

LESPOULESDISPARAISSENT Nouvelle extraite du roman
«De Père en Fils…La relève»
Ernest Proust et son fils, résident dans une dépendance constituée d’une vaste pièce à vivre et de deux minuscules chambres. En face, une petite écurie désaffectée sert de remise. Aménagé de façon judicieuse, un lopin de terre leur permet d’élever volailles et lapins et de cultiver un jardin potager et fruitier. Un gros chien, attaché au pied d’un pommier, jappe avec fureur dès qu’une personne approche. Le père, employé au domaine du Plessis, la « grande ferme », a la réputation d’être un excellent ouvrier agricole. Très sociable, il est aussi fort apprécié dans le village. Les Proust, guère envieux, ont appris à se suffire à eux-mêmes. À l’intérieur de la maisonnée rares sont les rires depuis que la femme d’Ernest est morte quelques jours après la naissance du petit. Comme chaque matin, dès l’aube, avant de se rendre à l’école, Léon, fils unique, s’apprête à soigner les poules. Pour sortir, redoutant la température, exceptionnellement basse en ce mois de novembre, il enfile de multiples épaisseurs. Chaussé de ses sabots, il se met en route vers le fond de la cour afin de récupérer la ponte du jour. Malgré le froid et les flocons tombés la veille, il est assuré de rapporter plusieurs œufs à la maison. À proximité de l’enclos, des traces fraîches sur le manteau neigeux le laissent perplexe. Depuis un petit moment, son père a remarqué des marau-deurs dans les environs. En moins de deux, il comprend et s’en retourne vers l’habitation en levant les bras et criant. — Papa, Papa, on nous a piqué les poules ! — Pas toutes ? s’inquiète Ernest. — Ben si, et même la plus grosse poursuit Léon.
— C’est pour ça que la chienne a grogné cette nuit, observe Ernest. Ensemble ils se rendent vers le lieu du délit. De suite ils constatent que la porte a été brisée et arrachée. Ernest, devenu soucieux, se gratte la tête avec son béret, puis, après quelques instants de réflexion, ordonne. — Léon, file mander le garde champêtre. Dès que p’tit Léon, surnommé ainsi par tous, disparait en courant vers le bourg, Ernest entreprend le tour de son jardin. Il veut s’assurer que, l’indésirable visiteur nocturne, n’a pas
commis d’autres méfaits. Seules les poules s’en sont allées. Proust rentre chez lui, pour, enfin,
boire son café. À peine installé, son fils revient essoufflé. — Qu’est-ce qu’il t’a dit ? interroge-t-il aussitôt. — Il arrive dès qu’il peut, répond le gamin. — Tu te rends compte mon gars, voler nos gelines ! vocifère Ernest. — Surtout la grosse que je devais vendre, jeudi, au marché ! rétorque Léon. Le père Proust soupire. — Quelle misère ! si feue ta pauvre mère avait vu ça ! Qui qu’a ben pu les prendre, nos bêtes ?
La maison est tenue par Victorine, une brave femme, éternelle célibataire. Défigurée par la ruade d’un cheval au cours de son enfance, elle n’avait pas eu à refuser les prétendants. Dévouée à Ernest, elle tente de remplacer la maman du p’tit Léon. En plus du garçonnet et des travaux ménagers, elle est à tâche au domaine du Plessis. Son plus grand plaisir est de faire découvrir, avec fierté, son unique richesse en ouvrant les portes des armoires. À l’intérieur, elle laisse admirer son trousseau patiemment constitué. Pas seulement les draps, entre lesquels des sachets delavande sont glissés, mais aussi les serviettes, les torchons, les chemises et même les culottes fendues… Une idée germe à l’intérieur de la tête d’Ernest. — C’est un coup du gars Touillaud. Parmi les villageois, le fameux Touillaud, est regardé comme un marginal. Pas très beau, c’est une force de la nature. Il connaît tout sur les animaux, les champignons. Une réputation de bra-connage le suit, peu de plaintes, car beaucoup y trouvent leur compte, à commencer par le restau-rateur du village. Par contre il se murmure qu’il a comme mauvaise habitude de se servir au fond des jardins et des basses-cours. Rebouteux à l’occasion, il est souvent fait appel à lui, en cachette, en ce qui concerne les bêtes et même parfois les humains. Il s’est installé, il y a plusieurs années, sur un modeste terrain en dehors du bourg sur lequel il a remis en état une masure. Marié à une fille du pays, il vit entouré de nombreux marmots. Son ainé, Henri, fréquente la même classe que p’tit Léon.
Victorine se lève tout d’un coup, et d’une voix courroucée. — C’est lui ! c’est lui ! pas besoin de chercher un autre coupable. C’est lui ! tu l’as dit ! Son visage, ingrat, irrité, révèle toute la fureur de ses origines paysannes. Toute sa cupidité, toute sa rogne de femme économe, apparaissent dans la crispation de la bouche, les pliures des joues et celles du front. — Qu’est-ce que tu comptes faire ? s’informe p’tit Léon. — Attendre le garde champêtre ! répond Ernest rajoutant. — Prendsta gamelle de midi, dépêche-toi, tu risques d’être en retard à tes cours. Et surtout pas un mot au gamin de Touillaud ! En un rien de temps, p’tit Léon change de vêtements et se dirige en courant vers l’école. La cloche sonne lorsqu’il franchit l’entrée. Avec promptitude il se met en rang devant la classe. Sauvé, l’instit n’a rien vu ! À la récréation il retrouve Adrien et Fredo. Aussitôt les deux copains l’inter-rogent sur sa brusque arrivée du matin. T’as traîné au lit, taquine Alfred. — Je vas vous dire quelque chose, mais faut rin répéter, confie Léon. — Juré, craché promis Alfred, joignant le geste à la parole. — Un salopiot nous a volé nos poules cette nuit. Pour, sûr, c’est le paternel d’Henri qu’a fait le coup ! relate le p’tit Proust. La conversation prend rapidement fin, le maître d’école raccourcit la récréation en raison du froid.
Au beau milieu de la matinée, le garde champêtre arrive chez la famille Proust. Après l’avoir invité à s’asseoir, Proust narre, avec beaucoup de détails, sa mésaventure. Ils se rendent ensuite vers le lieu du méfait afin de prendre acte du bris de la porte du poulailler. Les constations réali-sées, les deux hommes reviennent s’installer dans la cuisine, Victorine leur offre un petit remon-tant. Les verres remplis, celle-ci, avec un regard de défi, s’adresse au représentant de la loi. — Vas-tu l’arrêter, ce vaurien ? — L’agent municipal, la casquette sur les genoux, parait soucieux. — Toi t’as une idée derrière la tête… dit-il à l’intention du père Proust. — Un rictus à la bouche, celui-ci répond. — J’ai pas de preuve, mais je crois ben que c’est le gars Touillaud ! Victorine se rapproche, et comme si de rien n’était avec toute sa ruse féminine, suggère.
— Moi, à ta place, je causerais aux gendarmes.
— Pour des poules !
— Puisque je te le dis, c’est lui, j’en suis sûre. Chope-le ce voleur ! Le garde champêtre reste de marbre devant cette affirmation. — Je vas m’en occuper déclare-t-il en se levant, pressé de retrouver son petit local à la mairie. Le clocher du village égrène les douze coups de midi et par conséquent annonce la fin des cours. L’école ne possède pas de cantine. Concernant le repas du milieu du jour, la plupart des en-fants de l’extérieur du bourg se regroupent, aux abords du poêle, dans la salle de classe. L’été ils s’installent sous le préau afin de déjeuner à l’ombre. Le fils Proust est de ceux-là. Alfred, avant de rentrer chez lui afin de déjeuner en famille lui glisse à l’oreille. — Surveille ben l’assiette d’Henri, y a peut-être ben une fricassée de volaille ! — Alors, je lui fous sur la goule, répond p’tit Léon en montrant le poing. Puis l’air de rien, le garçon s’assoit à côté d’Henri. — Ta gamelle à une odeur agréable… ta bidoche c’est-y pas de la poule ? — Non,je n’ai que des carottes et des patates du jardin, tu sais, je bouffe pas souvent de viande, c’est trop cher pour nous, y dit le père ! P’tit Léon, ému par cette remarque, se pose une question: n’aurait-il pas préféré humer le doux effluve d’un gallinacé ! De la journée, il ne pense plus à cette mystérieuse disparition noc-turne. La fin de l’école arrivée, comme chaque soir d’hiver, il se rend à la grande ferme donner un « coupde main» afin de gagner sa collation. Il doit rentrer les vaches en prévision de la traite. Après avoir attaché toutes les bêtes, il doit nettoyer les travées de l’étable. Son travail terminé, Léon, regagne, enfin, la maison en prévision du souper. À peine a-t-il franchi la porte qu’un fumet de volaille lui envahit les narines. — Léon vient te mettre à table, tu vas te régaler ! ordonne Victorine. — Qu’est-ce qu’on mange ? interroge le gamin. — Dela poule! figure-toi que le garde champêtre les a rapportées tantôt… Toutes sont vivantes, saufla plus grosse que Touillaud s’apprêtait à faire cuire. C’était ben lui le voleur. Il a dit, comme ça, que c’était pour nourrir ses marmots ! Tu parles… — Je n’ai pas faim ce soir… Prépare-moi une gamelle pour demain, le garçonnet avec une pe-tite idée derrière la tête.
Le jour suivant, personne ne remarqua que dans l’écuelle d’Henri Touillaud, il y avait de la
viande. Léon, grande goule avait du cœur.
Nouvelle extraite du roman «De Père en Fils…La relève» Atramenta
contact auteur jpbarre-laposte.net 06 156 953 08 Blog http://jpierrebarre.wordpress.com
DU MÊME AUTEUR
AURÉLIE Aurélie vit une existence bourgeoise avec son mari, en Touraine. Leur bonheur serait total si un petit grain de sable ne venait déranger et troubler un avenir tout tracé. Commence alors pour elle une longue descente aux enfers qui aboutira, après que son mari l’ait abandonnée, à un dramatique accident. Quelques mois plus tard, à Chambéry, Aurélie rencontre un jeune kinésithérapeute chargé de la soulager de ses souffrances. À la simple connivence va succéder l’amitié, puis, après maintes péripéties, un sentiment plus fort finira par souder les deux jeunes gens et redonnera un nouveau sens à leur vie.
DE PÈRE EN FILS…LA RELÈVE À travers cette chronique d’une petite bourgade d’Indre-et-Loire, l’auteur se promène au cœur de l’Histoire, dans un passé qui semble loin, et pourtant ! Lors de cette balade, vous découvrirez ou redécouvrirez un monde où les humains sont encore humains, où les motssolidarité, amitié,générosité,amour… reprennent tout leur sens. Vous partagerez l’existence simple de gens humbles, mais riches de valeurs que « les anciens » ont offert en legs aux générations futures. Un univers rural où tous se connaissent, s’aiment ou se détestent, partagent les mêmes joies et les mêmes peines. Alors, à votre tour, laissez-vous transporter, prendre par la main pour remonter le temps…
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