LETTRE D ADIEU
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Lettre d’adieu J’avance machinalement dans les couloirs, sans regarder autour de moi. Je n’ai d’yeux que pour mon poisson pilote. Elle marche devant moi d’un petit pas pressé, très régulier, léger et discret, avec des espèces de sabot en caoutchouc de couleur vive qui ne font aucun bruit. En la voyant se déplacer, on dirait qu’il n’y a que ses pieds qui bougent. Le reste de son corps ne semble même pas osciller. Un peu comme les danseurs de l’opéra de Pékin. De temps en temps, elle se retourne, pour vérifier que je suis toujours derrière elle. J’essaye de ne pas courir, mais j’ai du mal à la suivre. Elle marche très vite. D’un coup, elle tourne dans un couloir, monte un escalier (elle m’a dit que c’est plus rapide que d’attendre les ascenseurs, surtout quand on ne va pas très haut), pousse une porte, tourne de nouveau dans un autre couloir, tout ça pour m’emmener à destination. Je l’ai croisée à l’accueil. Je cherchais désespérément mon chemin, que l’hôtesse m’avait déjà expliqué deux fois et tracé au marqueur sur un plan mais que je ne trouvais pas, et je voulais quelqu’un pour me guider. Elle m’a dit qu’elle travaillait dans ce secteur là et que je pouvais la suivre. Depuis, je marche derrière elle. J’ai l’impression que ça fait des heures que je la suis comme ça et que l’on a déjà parcouru des kilomètres. Les couloirs se ressemblent tous. Parfois, la couleur des murs change, mais juste un peu.

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Publié le 12 octobre 2013
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Langue Français

Extrait

 
Lettre dadieu 
   J’ avance machinalement dans les couloirs, sans regarder autour de moi. Je n’ ai d’ yeuxque pour mon poisson pilote. Elle marche devant moi d’ un petit pas pressé,très régulier, léger et discret, avec des espèces de sabot en caoutchouc de couleur vive qui ne font aucun bruit.En la voyant se déplacer, dirait qu’ on n’ il a y que ses pieds qui bougent. Le reste de son corps ne semble même pas osciller. Un peu comme les danseurs dede l’ opéra Pékin. De temps en temps, elle se retourne, pour vérifier que je suis toujours derrière elle. J’ essaye de ne pas courir, mais j’ ai du mal à la suivre. Elle marche très vite. elleD’ un coup, tourne dans un couloir, monte un escalier (elle m’ a dit que c’ est plus rapide que d’ attendre les ascenseurs, surtoutquand on ne va pas très haut), pousse une porte, tourne de nouveau dans un autre couloir, tout ça pour m’ emmener à destination. Je l’ ai croisée à l’ accueil. Je cherchais désespérément mon chemin, que l’ hôtesse m’ avait déjà expliqué deux fois et tracé au marqueur sur un plan mais que je ne trouvais pas, et je voulais quelqu’ un pour me guider. Elle m’ a dit qu’ elle travaillait dans ce secteur là et que je pouvais la suivre. Depuis, je marche derrière elle. J’ ai l’ impression que ça fait des heures que je la suil’ on a déjà parcouru dess comme ça et que kilomètres. Les couloirs se ressemblent tous. Parfois, la couleur des murs change, mais juste un peu. On passe de jaune pâle à
Marie- Lettre d’ adieChristine L’ Heureux,uet autres nouvelles, d’ adieu Lettre  
beige, et quand on change de secteur, on passe glorieusement à du bleu pâle ou du vertd’ eau. En même temps, dans un lieu pareil, je pense que l’ idée n’ est pas de mettre des couleurs vives et brutales, même si cela stimulerait un peu le regard qui finit par ne plus voir les nuances, tant elles sont minimes. La main courante, elle aussi, change de couleur suivant celle des murs, mais partout elle est aussi épaisse et laide. Utile mais laide. Elle ne te plairait pas, ou alors, connaissant tes points de vue parfois étranges esthétisme,, tu lui trouverais une forme d’ une histoire, quelque chose de positif et de valeur. En fait, elle est juste utile. Le silence est partout et je trouve ça oppressant. Tous les bruits sont étouffés, les gens parlent bas et marchent comme sur des œufs. On a l’ impression aussi qu’ ils marchent moins vite, comme si tout était au ralenti. Seules les lampes rouges au dessus des portes marquent le rythme de ces couloirs. On voit des blouses blanches se diriger vers les lumières qui s’ éteignent à leur entrée, puis plus rien. Il y a peu de visiteurs, peu de personnel, quelques chariots qui trainent. Je suis toujours mon infirmière ou mon aide-soignante, je ne sais pas. Je ne sais pas non plussi le chemin qu’ elle m’ indique est le plus simple, j’ en doute, mais c’ est peut-être le plus court. En tout cas, je suis au sec, c’ est déjà bien. Dehors, il pleut des cordes, et d’ après le chemin indiqué par la dame de l’ accueil, j’ aurais dû traverser tout le site par l’ extérieur. Le temps d’ arriver, je n’ aurais plus eu un poil de sec.   Je n’ ai pas pris le temps de mettre un manteau ou de demander qu’ on me prête un parapluie, quand le téléphone a sonné. J’ ai
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juste pris mes clés, mon téléphone et ma veste et j’ ai bondi en dehors de l’ immeuble. Je voulais prendre le métro, mais en bas, il y avait un taxi qui déchargeait un passager. J’ ai sauté dedans et il s’ est arrêté devant l’ entrée principale.   Le coup de téléphone a été bref. Le médecin m’ a juste annoncé ton accident et qu’ il serait bon que je vienne rapidement. Aucune indication sur les circonstances et sur ton état.Il m’ a juste demandé de le faire prévenir dès que je serais là.   Mon poisson pilote se retourne vers moi une fois de plus. Mais cette fois, ce n’ est pas pour s’ assurer que je suis toujours là, mais pour part de l’ Elle, elle autreme désigner une direction. côté, mais je dois suivre le couloir qu’ elle me montre, et après la double porte battante, je trouverai les soins intensifs. D’ ordinaire, je suis quelqu’ un qui se débrouille de façon plutôt autonome, idée l’mais là, que je devrai parcourir la dernière étape sans elle me fait un peu peur. J’ ai l’ impression d’ être au milieu d’ un labyrinthe et que je vais me perdre, même si ce qu’ elle m’ indique est à priori une ligne droite.    Je pousse la double porte battante et je me retrouve sur un palier avec des ascenseurs et une porte qui indique un escalier. Face à moi, la porte des soins intensifs et sa sonnette. J’ appuie sur le bouton, et un autre poisson pilote, mêmes chaussures, même tenue, vient m’ ouvrir. son tour elle me prend en A
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remorque jusqu’ au bureau d’ un médecin. Elle frappe à la porte et n’ attend pas la réponse pour ouvrirla porte. Le médecin me fait entrer et me désigne un siège. Il parle avec une voix posée et des phrases courtes. Le problème est simple. Tu as été retrouvé dans ta voiture accidentée, à la sortie d’ un virage. Tu as du faire plusieurs tonneaux, vu l’ état du véhicule. Tu n’ avais pas ta ceinture et c’ est un miracle que tu ne sois pas déjà au cimetière, d’ après lui. Heureusement aussi qu’ une voiture est passée juste après. En fait, ses occupants ont raconté à la police qu’ ils t’ avaient vu rouler enzigzag, que tu avais évité plusieurs autres véhicules qui venaient en sens inverse, et que d’ un coup, ils n’ avaient plus rien vu. C’ esten arrivant dans le virage qu’ ils avaient aperçu tes phares. A ton arrivée à l’ hôpital, ils ont fait tous les examens d’ usage. A la radio, ils ont constaté des fractures, des traumatismes, des hémorragies. Les pompiers avaient fait un super travail de maintien, les urgentistes ont fait le reste. Ils ont aussi fait des prélèvements et des analyses. Le médecin s’ assoie pour me donner les résultats. Ce n’ est pas brillant.Tu avais dans le sang tout le catalogue de produits des dealers de la région. Tu as fumé,reniflé, bu et tu t’ es injecté tout ce qui était possible en l’ espace d’ une dizaine d’ heures.Même le spécialiste, pourtant habitué à voir arriver des cas graves n’ avait jamais vu ça. Intérieurement, l’ espace d’ un instant, je souris. Tu es fort, on le sai pourrais presque être fier d’ Tu battu une sorte avoirt tous. de record, si tu n’ étais pas dans cet état critique. Tu as toujours aimé flirter avec les limites. Les tiennes, mais aussi celles des autres. Tout ce qui, de près ou de loin, ressemblait à une c n’ avais qu’ une idée, le faireontrainte, tu sauter. Une fois de plus, semble-t- médecin Le est ce que tu as fait.il, c’ m’ emmène jusqu’ à ta chambre et me prévient qu’ il n’ y a aucune obligation à ce que je te vois ou que je reste près de toi. Cette
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remarqueme fait un peu peur. Je n’ ose pas imaginer à quoi tu ressemble et dans quel état tu es pour qu’ il me dise ça.  On arrive devant ta chambre. La porte est fermée mais le mur a une vitre qui permet de te surveiller depuis le couloir.J’ aperçois des machines avec des lampes de couleurs qui clignotent. Le médecin ouvre la porte et j’ entends aussitôt le bruit des machines, les bips réguliers, plus ou moins aigus. Tu es branché de partout, une machine t’ aide à respirer, une de tes jambes est sous plâtre et en traction, un énorme bandage recouvre ta tête et une partie de ton visage, tes deux bras son immobilisés, ton torse est bandé. J’ avance lentement vers ton lit. Le médecin est resté à la porte. Je découvre de près ce que j’ avais vu dès l’ entrée. Tu ressembles au bonhomme Michelin. Tout blanc, tout gonflé. On ne distingue pas tes traits. Les parties de ton visage qui sont visibles sont déformées et tuméfiées. Tes yeux sont fermés. Les machines autour de toi indiquent tes battements cardiaques et ta respiration. Tu as des perfusions partout avec des seringues électriques.  Le médecin m’ a expliqué que tu étais dans le coma. A ton arrivée, tu étais à peine conscient et très vite tu as sombré. Il dit que c’ est finalement mieux comme ça pour le moment. Tu ne souffre pas et ton corps est dans de meilleures conditions pour fonctionner malgré les lésions.  Le médecin est retourné dans son bureau et moi, je reste près de toi. ai t’ jepour me mettre à côté de toi,J’ ai pris une chaise pris la main et je te parle. Le médeci j’ ai lu maisn n’ en a rien dit, des choses sur le fait de parler aux comateux. Et puis de toute façon, ça me parait normal. Que faire d’ autre, sinon, dans cette chambre. Marie- d’ adie LettreChristine L’ Heureux,u Lettreet autres nouvelles, d’ adieu  
Autant dans le reste de l’ hôpital, le silence est partout, autant ici, c’ est le contrsoit dans le couloir ou dans taaire. Que ce chambre, il règne un bruit permanent, dû aux machines et aux gens qui parlent plus fort en passant d’ une chambre à l’ autre. Ici, ce n’ est pas le monde du silence mais le monde du bruit, des machines, de l’ urgence. Tout bipe, ce qui fait que j’ ai du mal à comprendre comment faire la différence entre tous ces sons qui ont chacun leur sens.  Au moment où j’ allais sortir ta chambre, le médecin me de rejoint. Il a décidé de tout me montrer. Il prend sur le meuble à côté de la porte une grande enveloppe et en sort tes radios. Il les poses sur l’ appareil lumineux et commence à m’ expliquer. En même temps, il me montre, directement sur toi, à quel endroit se situe chaque atteinte. L’ inventaire est long et effrayant. J’ ai l dans que plus tôt,’ impression voulait juste me il son bureau, ménager, et que maintenant, comme je suis toujours là, il enfonce le clou. Il m’ explique aussi qu’ ils t’ ont mis sous traitement pour sevrer ton corps de toutes les horreurs que tu as absorbées. Je lui ai confirmé que ce n’ était pas ta première expérience en la matière, loin de là. Tu as toujours voulu tout essayer et aucune drogue n’ a de secret pour toi. J’ ai l’ impression d’ être sur une autre planète et en même temps comme dans du coton. J’ ai la tête qui tourne et l’ impression d’ avoir couru un marathon.   De retour à la maison, je me pose sur le divan, et là, seulement, je reprends conscience. Je repasse dans ma tête toute la journée et progressivement, je réalise ce qui se passe. Je comprends que ce soir, tu ne rentreras pas, que je n’ ai pas besoin d’ écouter le Marie- d’ adieChristine L’ Heureux, Lettreuet autres nouvelles, Lettre d’ adieu  
silence de l’ appartement jusqu’ à ce que tu reviennes, tard, comme tous les soirs. C’ était ton habitude. Tu n’ as jamais su rentrer tôt. De toute façon, tu n’ as jamais su faire les chosescomme tout le monde, et tu n’ as jamais su faire les choses comme on est censés les faire. Je me dis que pour quelques temps, je devrais pouvoir dormir plus facilement, mais en même temps, l’ angoisse par rapport à ton accident me dit que les vraies nuits de repos ne sont pas pour maintenant. Je n’ ai pas faim. Je me couche et j’ essaye de me reposer. Le simple fait de savoir que tu ne rentreras pas m’ empêche de dormir. Je guette parfaitement inutilement tous les bruits de la nuit. Je me souviens de toutes cesnuits passées à t’ attendre, à guetter ton retour, après des soirées bien arrosées agrémentées de tous les excès possibles. Je crois t’ entendre rentrer en pensant faire le moins de bruit possible et, incapable d’ aller plus loin,te cogner aux meubles, jurer de douleur et finalementt’ écrouler sur le canapé du salon je te retrouvais le lendemain matin au moment de partir travailler. J’ ai l’ impression de percevoir tesaccès de colère quand tu récriminais après les critiques parues sur certaines de tes expositions. dont tu disais qu’ ils étaient critiquesTous ces gens parce qu’ il était des photographes ratés.Tes photos ne leur plaisaient pas toujours quand parfois tu décidais d’ organiser, et une exposition thématique, même fasseil arrivait que l’ intitulé reculer les directeurs de galeries et grincer les dents de certains beaux penseurs. Tu les détestais, ceux là aussi. Ceux qui prétendaient que la photographie n’ était là que pour montrer les beautés du monde. Toi, connu dans un premier temps pour ton travail sur la
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lumière, avais vite décidé que ton œil devait aussi être le témoin de ce qui était moins beau. Une première série sur les bidonvilles brésiliens avait fait sensation, mais tant que cela se passait à l’ autre bout du monde, le public et ses maîtres penseurs acceptaient de voir ces images dérangeantes. C’ est quand tu décidas d’ exposer une série de clichés pris dans les banlieues pauvres de la capitale et dans les campagnes reculées que les dents commencèrent à grincer, parce que cette fois-ci, cela se passait chez nous, et même juste à côté de nous. Ton exposition n’ avait pas duré longtemps, mais j’ avais réussi à la vendre à quelques villes dans lesquelles elle avait tourné plusieurs mois. C’ était la première fois qu’ en plus de mon propre travail, je m’ occupais de ta promotion. La première, mais pas la dernière, même si je n’ ai jamais voulu n’ être uniquement qu’ à ton service et à celui de ton art. J’ ai toujours prétendu garder un emploi indépendant de tes activités. Vivre et travailler à temps plein avec toi me paraissait impossible. Je n’ ai jamais regretté mon choix. Les polémiques qui ne manquaient pas de fleurir à chaque nouvelle exposition avaient le don de t’ agacer au plus haut point, mais je te connaissais suffisamment pour savoir qu’ en même temps, tu aimais ce nouveau rôle qu’ on te faisait jouer. C’ est sans doute pour ça que malgré ton avis défavorable, j’ avais eu l’ idée de constituer catalogues de chacune de tes des expositions, depuis la première, et que j’ ai fait le tour des éditeurs pour les faire paraitre. Ça n’ a pas été très compliqué, ils étaient même plusieurs sur les rangs, ce qui a permis de négocier. D’ abord furieux, tu as fini par comprendreque cette nouvelle façon de faire partager tes clichés pouvait rapporter gros. Pas seulement en terme financier mais aussi pour faire parler des sujets que tu présentais. Tu es donc devenu l’ ambassadeur des sujets de tes photos qui elles, en même temps, devenaient de plus en plus sombres et désespérantes.
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Tu passais des heures à jusque utilitéparler de l’ artiste, de l’ dans les médias, quand ils voulaient bient’ inviter.Tu étais le sujet de plus en plus de discutions et de mésententes, tous publics confondus, mais tu aimais être reconnu. C c’ est qu’ ene que les autres ne voyaient pas,même temps que ta notoriété, augmentaient aussi tes exigences vis-à-vis de ton travail. Plus le temps passait, moins tu étais satisfait de ce que tu produisais, plus tu te torturais, à la recherche de LA photo idéale, et plus tu devenais difficile à vivre parce que tu n’ étais jamais satisfait. Le soir, je devais assister sans pouvoir rien faire à tes crises de déprime, tes coups de gueule, tes excès qui te permettaient, le temps d’ un instant, d’ oublier ce qui te déplaisait, mais faisaient de toi quelqu’ un d’ autre, quelqu’ un que je reconnaissaisde moins en moins.  . . . . . . . . . . . . .  Ce matin je ne sais même pas comment pu me lever. J’ ai àj’ ai peine avalé un café et j’ ai rejoint le travail. Je ne veux pas prendre de congé, je ne veux pas m’ arrêter et me retrouver à tourner en rond en attendant un appel de l’ hôpital. Les quelques collègues de confiance qui connaissent ma vie se sont montrés parfaitement à la hauteur quand je leur ai raconté. Pas condescendants, un brin compatissants, pas larmoyants. Juste encourageants. Mais plus attentifs à prèsque d’ habitude, rattraper mes bêtises ou mes oublis, alors que je n’ en fait jamais, en temps normal. La journée s’ écoule, avec son lot dedifficultés habituelles, ses moments forts, le repas du midi à la brasserie du coin, le café de 16 heures, la fin de journée sur les chapeaux de roue.
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A la sortie du bureau, je me demande quoi faire, unj’ hésite instant puis je décide de passer à l’ hôpital. fois-ci, je Cette prends le métro. La foule bourdonne autour de moi, me bouscule, ça fait comme une vague qui emporte les passagers, plus ou moins volontaires, d’ un quai à l’ autre, d’ une station à la suivante. On suit le flot, tous comme des moutons.   Je ne suis pas capable de reprendre le même chemin que j’ ai pris la veille, à la suite de mon « poisson pilote ». Je prends donc celui indiqué par la damede l’ accueil. Aujourd’ hui il ne pleut pas, c’ est déjà ça. La personne qui m’ ouvre la porte des soins intensifs est la même que la veille. Elle me reconnait, me dit que le médecin est occupé pour le moment mais qu’ elle va lui signaler ma présence et m’ accompagne jusqu’ à ta chambre. Elle medit que la nuit et la journée se sont bien passées, que tu sembles te stabiliser et que tu donnes des signes d’ un début de réveil. Je nesais pas pourquoi mais d’ un coup je m’ imagine que quand je vais entrer dans ta chambre, tu vas ouvrir les yeux, me regarder avec cet œil indescriptible qui pénètre tout et que tu me diras bonjour comme si de rien n’ était, comme quand tu émergeais après une soirée d’ excès et une nuit difficile. J’ ai toujours admiré cette capacité de récupération qui faisait que personne ne pouvait soupçonner tout ce que tu fumais et absorbais. Quelques heures plus tard, il n’ y en avait plus de trace visible. Mais comme me l’ avait dit le médecin la veille, même si plus rien ne se voyait rapidement, ton corps, lui, mémorisait tout.  
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En entrant dans la chambre, je te trouve en fait exactement comme la veille. De mon point de vue, rien n’ a changé. Je savais que l’ image que je m’ étais faite était forcément fausse, mais je ne peuxpas m’ empêcher d’ éprouver une certaine. d éception Il y a toujours autant de bips et de lumières qui clignotent, toujours autant de tuyaux, et tu es toujours aussi endormi. Je me pose lourdement sur une chaise à côté de toi, je te touche la main et je commence à te parler. De ton exposition que l’ on a inaugurée la semaine dernière, de ton éditeur qui voulait t’ inviter à une grande soirée consacrées aux photographes, de mon travail ce n’ est pas grave, maisqui ne t’ a jamais intéressé, je veux que tu entendes ma voix et dans mon for intérieur, j’ espère que l’ agacement de m’ entendre déblatérer sur mon emploi que tu as toujours trouvé banal et mes collègues que tu snobais finira par te réveiller. Je n’ ose pas te toucher le visage, j’ ai peur, mais je ne suis pas capable d’ expliquer pourquoi. Je sais que je ne te ferais pas mal, le médecin me l’ a affirmé, mais les ecchymoses les et boursouflures m’ impressionnent, et comme me l’ a dit ton médecin, je ne dois pas me forcer mais faire les choses d’ instinct. Je me repasse mentalement ses paroles et d’ un coup je me fais peur. Je réalise que si j’ écoutais vraiment mon je ne instinct, serais pas là, je m’ enfuirais tout de suite.Cette réalité soudaine me fait un énorme choc. Quel genre de monstre je peux être pour avoir des idées pareilles alors que tu es là, sur ce lit, entre la vie et la mort, semble-t-il à vouloir t’ accrocher pour rester. Et moi, au lieu de te transmettre mon énergie, de rester des heures à côté de toi, à te lire des livres ou les journaux, à te parler de toi, de moi, de tout, je n’ ai qu’ une idée en tête, sortir d’ ici au plus vite. Une vague me submerge et je me précipite dans le couloir, incapable de rester plus longtemps. Contre le mur de ta
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