Son père ce héros
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Description

Bonjour amis réels et virtuels. Je m’adresse à vous aujourd’hui car depuis plus de trente ans un problème de logique tourne dans ma tête sans que j’y trouve une solution. J’espère que vos esprits, surtout les plus férus de raisonnements, trouveront l’explication de mon paradoxe. L’histoire que je vais vous conter pour vous présenter le sujet de mon trouble se passe en 2027, époque où le voyage temporel se démocratisait à vitesse grand V. Après le respect d’une période d’observation pour respecter le principe de précaution, les autorités avaient décidé que les voyages dans le temps étaient dangereux uniquement pour ceux qui le pratiquaient et non pour le monde en lui-même. En effet, à part la disparition pure et simple de voyageurs, aucun chamboulement majeur n’avait été constaté après de départ dans le passé de personne souhaitant changer des évènements plus ou moins marquants. Les spécialistes en avaient conclu que modifier le passé n’affectait que le futur du voyageur qui, dans le pire des cas, était coincé dans ce passé car son action avait conduit à la non invention des voyages dans le temps. L’infortuné se retrouvait probablement avec son bracelet retour inactif et devait refaire sa vie dans l’époque destination en évitant de passer pour un illuminé. Du coup, voyager dans le temps était considéré comme la plongée avec les requins ou le parapente: un sport extrême pour lesquels il était préconisé de suivre les conseils de sécurité.

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Publié le 07 décembre 2016
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Langue Français

Extrait

Bonjour amis réels et virtuels. Je m’adresse à vous aujourd’hui car depuis plus de trente ans un problème de logique tourne dans ma tête sans que j’y trouve une solution. J’espère que vos esprits, surtout les plus férus de raisonnements, trouveront l’explication de mon paradoxe.
L’histoire que je vais vous conter pour vous présenter le sujet de mon trouble se passe en 2027, époque où le voyage temporel se démocratisait à vitesse grand V. Après le respect d’une période d’observation pour respecter le principe de précaution, les autorités avaient décidé que les voyages dans le temps étaient dangereux uniquement pour ceux qui le pratiquaient et non pour le monde en lui-même. En effet, à part la disparition pure et simple de voyageurs, aucun chamboulement majeur n’avait été constaté après de départ dans le passé de personne souhaitant changer des évènements plus ou moins marquants. Les spécialistes en avaient conclu que modifier le passé n’affectait que le futur du voyageur qui, dans le pire des cas, était coincé dans ce passé car son action avait conduit à la non invention des voyages dans le temps. L’infortuné se retrouvait probablement avec son bracelet retour inactif et devait refaire sa vie dans l’époque destination en évitant de passer pour un illuminé. Du coup, voyager dans le temps était considéré comme la plongée avec les requins ou le parapente : un sport extrême pour lesquels il était préconisé de suivre les conseils de sécurité.
Je me souviens de cette journée comme si c’était hier. C’était le quatre juin 2027, un vendredi. Je crois que cette période de l’année a toujours été ma favorite. Le printemps a définitivement chassé de ses épaules les frimas de l’hivers et commence à revêtir sa garde-robe d’été. J’avais gardé comme sentiment profond de mon enfance que cette saison était la dernière ligne droite avant les vacances et les longues journées d’été passée à jouer dehors. Je ne pense pas que j’aurais été partant pour l’aventure proposée par mon ami Patrice si on avait été en automne.
******
 ─ Allez, on y va !!! Je regardai Patrice s’exciter comme un enfant du haut de ses 53 ans devant la nouvelle agence de voyage spatio-temporel du quartier.  ─ Tu crois pas qu’on a mieux à faire ??? avais-je répondu à son meilleur ami. Même si j’avais un an que moins de Patrice, j’avais toujours été le « sage » de notre duo.  ─ Allez Thierry, ça va être marrant ... et enrichissant, avait-il ajouter doucement, sachant quelle corde faire vibrer avec son moi.
J’étais un homme élancé avec un regard vert vif et je faisais couper mes cheveux châtains clairs très court depuis que mes tempes se dégarnissaient. J’étais fils unique et j’avais grandi dans un appartement en banlieue parisienne bordant un parc de plusieurs hectares. J’avais été un garçon solitaire, toujours plongé dans des livres et des jeux vidéo de stratégies, jusqu’à mon entrée au collège. Dès la première récréation du premier jour de mon entrée en sixième, mes tourmenteurs de l’école primaire, les frères Moran, m’avaient coincé au fond de la cour pour me faire comprendre que les deux mois de vacances n’avaient en rien dissipé leur plaisir de faire de moi leur souffre-douleur préféré. Tandis que je me préparais à recevoir dignement ma première raclée de l’année dans cette nouvelle école, Patrice arriva. Le souvenir que je garde de cet épisode n’est sans doute pas fidèle à la réalité mais il est très fort dans mon esprit : je vis une silhouette se dessiner dans le soleil qui se levait en cette fin d’été. Mon sauveur se tenait fièrement, le visage masqué par le contrejour. Les pans de son K way ouvert lui faisaient une cape de super héros.  ─ Alors les gars, vous avez envie de vous marrave ??? Il profita de l’hésitation des frères pour courir vers eux etenvoya une béquille avec élan au plus grand des deux avant de couper le souffle du second d’un uppercut à l’estomac. Je
restais béat d’admiration devant ce gaillard qui avait terrassé si facilement ceux qui me terrorisaient depuis tant d’années. Patrice avait un an de plus que moi, il était en cinquième, habitait de l’autre côté du parc et était allé dans une école primaire différente de la mienne. Nous devînmes inséparables. Nous arrivions en avance chaque matin pour commenter le film de la veille, nous retrouvions aux récréations et allions jouer dans le parc après l’école. Bien qu’habitant près de celui-ci, Patrice ne connaissait pas le parc. Son père était mort avant sa naissance et sa mère, un peu trop protectrice, n’aimait pas qu’il sorte tout seul, au contraire de mes parents qui me laissaient libre de mon temps à en frôler l’indifférence. Pour être honnête, Patrice avait tout de la petite brute qui martyrisait les plus faibles. Il était plus grand que les enfants de son âge, assez brutal dans ses gestes et manifestait peu d’empathie. Je compris rapidement ce qui l’avait fait basculer du bon côté :  ─ Mon père était un héros, il est mort en sauvant le président six mois avant ma mort alors je dois être comme lui pour honorer sa mémoire, m’expliqua-t-il fièrement. Cet évènement que lui avait raconté sa mère avait gravé en lui un profond altruisme. Je me fis un devoir de lui faire découvrir cet écrin de nature au milieu de la ville, décor propice à toutes les aventures : construction de barrages sur le ruisseau pour emprisonner les gammares, course poursuite en vélo dans le petit bois et surtout pêche à la grenouille et à l’épinoche, seul savoir que mon père avait partagé avec moi.
Pendant cette première année de collège, pas une seule fois nous allâmes chez Patrice. Nous passions les mornes journées de pluies ou d’hiver chez moi, à bâtir des empires en légo où à jouer au premiers jeux vidéo. Patrice redoubla sa cinquième. J’avais constaté que ce n’était pas un élève modèle mais je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il avait inconsciemment planté son dernier trimestre pour qu’on se retrouve dans la même classe, ce qui arriva. Suite à son redoublement, la mère de Patrice devint un peu plus sévère au sujet de ses études et comme j’étais le meilleur élève de la classe, il fût naturel que j’aida activement Patrice pour ses devoirs. Ils habitaient dans une petite maison à quelques pas du parc. La bâtisse comportait deux étages et était entourée d’un petit jardin. Je fus frappé par l’absence totale de fleurs à part quelques pâquerettes et pissenlits noyés dans l’herbe trop haute qui trahissait une absence d’entretien régulier. L’intérieur était lui d’une propreté impeccable. Tout était bien rangé et le ménage semblait fait quotidiennement. Au rez de chaussée se trouvait le salon, la salle à manger, la cuisine et les toilettes tandis que les chambres et la salle de bain étaient à l’étage. Je me sentis instantanément mal à l’aise dans cette maison. J’ai souvent repensé depuis au sentiment qu’elle m’inspira. Ce n’était pas vraiment du mal être mais il y régnait une impression de tristesse et d’absence de vie. Il n’y avait pratiquement pas de décoration à part une épée japonaise sur son support posée sur le manteau de la cheminée condamnée. Cette épée me subjugua mais Patrice m’indiqua immédiatement qu’il était formellement interdit d’y toucher avec tellement de conviction que jamais une telle envie ne me vint, du moins pas avant de nombreuses années. La mère de Patrice s’appelait Dominique. Je n’oublierai jamais ma première rencontre avec elle. Elle était plus proche de la trentaine que de la quarantaine, la silhouette élancée et mesurait environ un mètre soixante-quinze. Son visage aux traits fins accueillait des yeux d’un bleu océan qui l’auraient rendue magnifique s’ils avaient été un peu plus grands. Rétrospectivement, je peux affirmer que Dominique était une femme sublime dont la beauté était étouffée par un manteau de désolation mais ce qui m’a frappé le jour de notre rencontre, c’est la façon dont elle m’a regardé. J’ai eu l’espace d’un instant l’impression que lorsqu’elle me vit, c’était un spectre macabre qu’elle vit. Cela ne dura qu’un instant mais cela tordit les tripes de l’enfant que j’étais à tel point que par la suite, j’évitais au maximum de croiser de nouveau son regard. Ma sensation devait être légitime car elle fit de même jusqu’à sa mort.
Les années de collège ressemblèrent à un roman américain. Notre amitié était toute à la fois forte et ouverte. J’apportais à Patrice un cadre pour le travail scolaire et éveillait sa curiosité tandis que lui me permettait de rompre ma barrière de la timidité. Il faut savoir que j’ai
toujours été très timide et renfermé, ayant peur du jugement des autres tandis que Patrice, tout en bienveillance communicative, avait un réel don pour aborder et nouer des contacts avec des inconnus. Il est fort probable que sans lui, j’aurais eu une enfance bien plus solitaire. Nous partageâmes des parties de football, des sorties à la piscine, des soirées jeu de rôles et bien d’autres activités.
Nous nous retrouvâmes dans le même lycée et je choisis comme seconde langue l’espagnol pour être dans la même classe que lui. Nous primes un peu de distance sans jamais nous perdre. En première, j’eu ma première petite amie « sérieuse » et passa naturellement plus de temps avec elle qu’avec lui tandis qu’il se faisait une bande d’amis musiciens et devint le batteur de leur groupe. La batterie était un instrument qui convenait parfaitement à sa vigueur et son exubérance.
Après le bac, j’intégrais une classe préparatoire pour une école d’ingénieur pendant que Patrice, peu amateur d’études, fit un BTS de vente en alternance. Ces années furent celles où nous nous vîmes le moins. Il se passait parfois un mois sans que nous nous croisions mais nous nous retrouvions à chaque fois comme si seulement quelques jours s’étaient écoulés.
Après avoir eu mon diplôme d’ingénieur dans l’informatique et une brève période en tant que salarié dans une grande entreprise, je montais ma boite de services informatiques et embaucha Patrice comme commercial. Son sens inné du contact et sa jovialité faisait de lui un excellent vendeur tandis que son sens moral l’amenait à faire en sorte que ses clients soient toujours satisfaits. Nos talents conjugués permirent un essor rapide de ma société qui devint rapidement notre société car j’avais tenu à faire de lui mon associé. Au bout de quelques année, notre entreprise atteint une taille suffisante et nous permit de jouir d’une belle qualité de vie sans tomber dans l’excès ni d’avidité ni de labeur. Je me mariais et Patrice fût évidemment mon témoin puis le parrain de chacun de mes trois enfants tandis que je devenais le parrain des jumeaux qu’il adopta avec son compagnon. Nous avions tous deux une vie heureuse et épanouie, ponctuée de quelques moments d’infinie tristesse, comme lorsque Patrice perdu sa mère en 2024 ou moi mes parents les années suivantes.
Je dois maintenant vous faire un aveu pour revenir à l’objet de mon message. Il y a un point qui m’a toujours contrarié à propos de Patrice. Je ne saurais dire si c’était de la jalousie qu’il ait eu un père certes absent mais idéal alors que le mien était vivant mais si inexistant, si c’était la petite pointe d’arrogance que je sentais dans la voix de mon ami lorsqu’il en parlait (c’était pourtant un défaut dont il était par ailleurs dépourvu malgré sa réussite) ou si je pressentais qu’un lourd secret pesait sur sa mort mais cette histoire de père travaillant aux services secrets mort en protégeant le président lors d’une tentative d’attentat me semblait douteuse. Cet évènement avait tellement façonné la personnalité de mon meilleur ami que je voulais en savoir plus. J’avais donc, sans en parler à Patrice, fait des recherches sur ce sujet. Mes investigations m’avaient permis d’apprendre qu’effectivement, un homme avait tenté d’abattre le président lors d’une cérémonie plusieurs mois avant la naissance que Patrice et qu’un agent des services de sécurité du chef de l’état avait sacrifié sa vie en prenant une balle à sa place. L’identité du héros avait été gardée secrète mais cet évènement avait eu lieu le même jour que la mort du père de Patrice dont les causes de la mort n’étaient pas mentionnées dans les archives. Je n’avais pas poussé plus loin mon enquête, cette histoire étant suffisamment cohérente pour que je ne prenne pas le risque de tenter de pirater un serveur du gouvernement.
Je vous raconte tout ceci pour que vous compreniez pourquoi, ce quatre juin 2027, quand Patrice me convint d’aller faire un tour dans le passé, je n’ai pas choisi comme époque la Rome antique comme lui (il adorait les combats de gladiateurs) mais le jour de la mort de son père, le onze novembre 1973, six mois avant la naissance de Patrice. En toute logique,
j’aurais dû me rendre quelques jours ou quelques mois plus tôt, pour découvrir cet homme si extraordinaire mais je restais focalisé sur ce jour précis. Après avoir revêtu une tenue de cette époque, un jean, un tee shirt, un sweat et des baskets, et avoir ri bêtement en voyant Patrice en jupette et sandale, je demandais à être envoyé à quelques rues de la maison d’enfance de Patrice ce jour fatidique.
Je me matérialisai dans une ruelle et passai plusieurs minutes appuyé contre le mur de brique, le temps de retrouver mon équilibre et que les boyaux reprennent leur place. Le froid me saisit immédiatement et je sentis une froide pluie venir humidifier mes cheveux. Je fermais le Duffel coat blanc cassé fourni par l’agence et remonta la capuche. L’agence de voyage vérifiait toujours la météo avant les voyages. Je sortis de la ruelle pour me repérer. Il était hors de question d’utiliser un smartphone ou un GPS d’autant plus qu’il n’y avait à cette époque ni 4G ni satellite de positionnement. J’arrivais rapidement à déterminer ma position malgré l’absence d’immeubles d’habitation qui ne remplaceraient les près herbeux que dans quelques années. Je me mis en route. Malgré la pluie glaciale typique de novembre, je trouvais l’atmosphère agréable. L’air était moins piquant et plus parfumé. Chemin faisant, je passais devant des maisons. La fenêtre d’une d’elles était entrouverte et les occupants devaient être un peu durs de la feuille car la radio était parfaitement audible depuis le trottoir où je me trouvais. Je m’arrêtais quelques minutes pour écouter le présentateur qui semblait au bord de l’apoplexie : un forcené venait de tirer en direction du président, c’était la panique, il y avait au moins un mort, c’était la panique, on ne savait pas où était le président. C’était arrivé. Je repris ma route vers la maison de Patrice, me demandant quel sens avait cette visite puisqu’en principe, son père venait de perdre la vie à plusieurs dizaines de kilomètres de là.
Quand je me remémore cette journée, ce qui s’est passé, ce qui m’a guidé, je ne peux m’empêcher de penser que je n’étais pas totalement maitre de mes actes. Sur le moment, rien ne semblait cohérent alors que rétrospectivement, je ne faisais que prendre ma place de bienfaiteur dans la vie de Patrice tout comme lui l’avait fait, à ceci près que son influence sur ma vie avait été diffuse tandis que j’allais avoir une action bien plus instantanée sur la sienne.
J’arrivais devant la maison de Patrice. En toute logique, seule sa mère aurait dû s’y trouver, sans doute au téléphone avec le commandant de son mari, la télévision allumés en arrière-plan, à apprendre la mort de ce dernbier. Mais ce furent des cris que j’entendis en atteignant la porte. En quelques secondes, je compris qu’une agression avait lieu : des « salope ! », « tu vas payer ! », « comment as-tu pu faire ça ! » accompagnés de bruit de vaisselle brisée me parvenaient. La porte n’était pas verrouillée, j’entrais. La lutte se déroulait dans la cuisine, visible depuis l’entrée où je me trouvais. Dominique était à terre, le visage en sang tandis qu’un homme se tenait au-dessus d’elle, une batte de base ball à la main, visiblement prêt à la frapper violemment. Il se tourna vers moi, les yeux vitreux pleins de rage puis regarda de nouveau la femme à ses pieds.  ─ C’est qui ce connard ? C’est lui qui t’a engrossée, salope ? éructa-t-il d’une voix avinée. Toujours à l’entrée, tétanisé, je pouvais voir la bave de l’homme éclabousser la femme à chacun de ses mots. Dominique me regarda, terrifiée. Bien qu’elle eût le visage en sang, ses mains protégeaient son ventre et non sa tête. Une partie de mon cerveau essaya de rassembler les pièces du puzzle, comprenant mieux le regard que la mère de Patrice lancerait à l’enfant que j’étais en reconnaissant en lui de l’adulte qu’elle avait vu ce jour funeste mais tout mon esprit se mit en action lorsque l’agresseur arma la batte au-dessus de sa tête dans sa rage pour éclater le crâne de Dominique. Je me mis à courir vers eux et ne me rendis compte que j’avais saisi le sabre japonais qu’au moment où je vis la lame transpercer le torse du forcené, le stoppant net dans son élan. Mes yeux croisèrent son regard stupéfait juste avant qu’il ne s’écroule au sol. Dominique ne bougea pas. Elle ne me regardait pas. Elle gardait ses mains sur son ventre.
 ─ C’est le père de l’enfant ? demandais-je. Elle confirma d’un faible hochement de tête. Mes neurones tempêtaient frénétiquement dans ma tête.  ─ Vous direz à la police qu’un homme est entré pour vous agresser, que votre compagnon a voulu prendre votre défense et a été tué par l’intrus. Donnez ma description, ce sera plus crédible. A l’enfant, vous direz que son père est le policier mort en sauvant le président. Vous avez compris ? Une fois de plus, elle répondit d’un mouvement de tête. C’est très important ajoutais-je, vraiment. Je ne devais plus jamais croiser son regard de ma vie et ne saurait jamais si elle m’avait été reconnaissante de la sauver ou si elle m’avait haï d’avoir tué cet homme. Je quittais la maison, courus dans le parc jusqu’à ce que je puisse bousculer un couple qui se promenait là et se souviendrait d’un homme fuyant avec des tâches de sang sur son manteau puis me rendit au bord de la rivière qui passait là. J’arrachais les étiquettes made in vingt et unième siècle de mon Duffel coat avant de le jeter dans le courant fortifié par la pluie et trouvais un coin tranquille pour revenir en 2027. Avant de m’en retourner dans le présent, je m’assis afin de restaurer mon calme. J’étais encore plein de sueur et d’adrénaline et comme j’allais me retrouver à l’agence en même temps que Patrice car quelque soit le temps que nous passions dans une autre époque, la durée de l’absence en 2027 était le même, je devais éviter d’avoir l’air affolé. Mon cœur s’apaisa avant mon esprit qui tournait et retournait les évènements encore et encore pour essayer de les mettre dans l’ordre. Il me fallut une bonne heure pour réussir à arrêter de gamberger et c’est frigorifié que je réapparu dans les locaux chauds et secs. Je me séchais, remis mes vêtements et sortit de ma cabine. Patrice se tenait dans le large couloir, devant moi, un grand sourire aux lèvres et des étoiles plein les yeux.  ─ Waow c’était génial !!! me lança-t-il jovial. Et toi, ton voyage dans les seventies, c’était bien ?  ─ Enrichissant, lui répondis-je d’un ton le plus neutre possible. Patrice me connaissait suffisamment pour savoir que j’avais parfois besoin de discrétion et que c’était le cas à cet instant. Il me raconta son voyage par le détail tandis que nous sortions dans la rue.
Je ne me souviens plus du reste de la journée mais la vie reprit son cours pour des dizaines d’années. Sept ans plus tard, nous vendîmes avec de beaux bénéfices notre société et devinrent des papys gâteau pour nos petits-enfants et profitâmes de notre retraite.
******
Si je vous raconte cela maintenant, plus de trente ans après ce jour de printemps qui a marqué nos deux vies, c’est parce que j’ai besoin de comprendre ce paradoxe. J’ai gardé cette histoire secrète tant que Patrice était en vie mais il m’a quitté avant-hier et cette journée de 1973 revient me hanter. Ai-je été un jouet du destin ? La mère de Patrice serait-elle morte avant sa naissance sans mon intervention ? L’influence de Patrice sur ma vie a fait de moi l’homme que je suis, l’homme qui a pu sauver sa mère d’une mort certaine. Comment cela est-il possible ? J’ai l’impression d’être perdu sur un escalier de Penrose et que je vais y perdre la raison. Aussi, si vous avez un peu de pitié pour un vieil homme perdu et si vous y comprenez quelque chose, expliquez-moi. J’aimerais vraiment comprendre avant de partir. D’avance merci.
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